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Chocs et contre-chocs: la folle histoire des prix du pétrole

1973, 1979, 1991, 2007… Le pétrole nous a habitués à des sautes de prix impressionnantes. Aujourd’hui, l’inquiétude provient de l’effondrement des cours. Depuis toujours, les prix du brut font du yoyo. Retour sur plus de 40 ans de mouvements erratiques, jamais excellents pour l’économie.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Torchères de puits de pétrole en Irak. (AFP PHOTO / HAIDAR MOHAMMED ALI)

L’histoire retient l’année 1973 comme date du premier grand événement lié au prix du pétrole. En prix courant (sans tenir compte de l’inflation), dans l’histoire du pétrole qui remonte à la fin du 19e siècle, c’est la première grande hausse des prix. En revanche, en prix constant, le pétrole avait déjà connu quelques envolées… mais son poids dans l’économie était alors beaucoup plus faible (1865).

Le cours du pétrole (1972-2016) en dollars courant (AFP)

1973: guerre du Kippour et premier choc pétrolier
Le 16 octobre 1973, dix jours après le début de la guerre de Kippour entre Israël et des pays arables, six pays du Golfe membres de l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) augmentent de 70% les prix du pétrole. Pour la première fois depuis la création de ce cartel en 1960, des Etats producteurs imposent une hausse de prix sans l'aval des compagnies pétrolières. Ils décrètent un embargo contre les pays occidentaux jugés pro-israéliens, ce qui provoque une envolée des prix et une crise pétrolière mondiale.

Nouvelle augmentation en décembre, le prix du baril atteint 11,65 dollars (équivalent à 60,2 dollars de janvier 2016, quasiment deux fois le prix d’aujourd’hui...), soit quatre fois son niveau de septembre. Il quintuplera un an plus tard avec des conséquences importantes pour les économies occidentales dopées à l'énergie pas chère.


1979: deuxième choc pétrolier
Sous les effets conjugués de la révolution iranienne, suivie de la guerre Iran-Irak (1980-1988), la production mondiale diminue, provoquant une flambée des prix. C'est le deuxième choc pétrolier. Le brut culmine à 40 dollars (126,8 dollars 2016) à l'automne 1979. Les pays consommateurs vont s'efforcer de réduire leur dépendance en mettant en œuvre des politiques d'économies d'énergie et en diversifiant les sources énergétiques.

1986 : effondrement des prix
La récession économique mondiale entraîne une chute des cours à partir de décembre 1985. Malgré plusieurs baisses de production décidées par l'Opep, les prix stagnent faute de coopération avec les pays non membres du cartel dont l'importance ne cesse de croître.

Comme aujourd’hui, l'Arabie Saoudite et le Koweït déclenchent à l'automne 1986 une guerre des prix en produisant à plein régime. Le baril tombe à 8 dollars (17,2 dollars 2016), contraignant les pays non Opep à réduire leur production.


Le brut remonte alors et fait même une courte incursion au-dessus des 40 dollars (71,4 dollars 2016) à l'automne 1990, juste avant la guerre du Golfe.

1997: crise asiatique
En novembre 1997, l'Opep relève de 10% sa production, sans tenir compte de la crise asiatique. Les cours s'effondrent de 40%, passant fin 1998 à moins de 10 dollars le baril (14,5 dollars 2016). Il faudra près d'un an et demi à l'organisation pour redresser la barre, en baissant sa production malgré une forte demande (32 dollars en septembre 2000, soit 43,7 dollars 2016).

2004-2007: un troisième choc pétrolier
A partir de l'été 2004, le baril s'envole dans un environnement géopolitique marqué par une aggravation du conflit au Proche-Orient et des attentats en Irak ainsi que des troubles sociaux au Venezuela et au Nigeria, tous pays producteurs. En octobre 2004, le brut dépasse 50 dollars (62,4  dollars 2016). L'augmentation des prix s'accélère après l'ouragan Katrina qui frappe les installations pétrolières du Golfe du Mexique, franchissant en août 2005 la barre des 70 dollars (84,3 dollars 2016). Cette nouvelle flambée est parfois qualifiée de «troisième choc pétrolier».
 
Après avoir touché brièvement en janvier 2007 le seuil psychologique des 100 dollars (112,5 dollars 2016), le baril, dopé par la baisse des stocks américains et la croissance chinoise, repart en flèche au printemps, au fur et à mesure que s'affaiblit le dollar. Le 11 juillet, il atteint son record  absolu, dépassant les 147 dollars (157,5 dollars 2016). A cette époque, certains avancent l'idée d'un «peak oil», marquant la possibilité d'un monde manquant d'énergie...

Prix du pétrole 1861-2011 (en dollars constant) (manicore.com)

 
La rechute
Mais la crise des subprimes qui va entraîner une crise économique mondiale et le recul de la consommation font plonger les cours du brut qui perdent en cinq mois plus des deux tiers de leur valeur, chutant en décembre 2008 à 32 dollars (36 dollars 2016).
              
Pendant un temps, la guerre civile qui secoue la Libye en 2011 et provoque la suspension de la production pétrolière fait bondir les cours de près de 35% jusqu'à un pic de 127 dollars (134,7 dollars 2016) le 11 mars.

Depuis l'été 2014, le prix du baril a dégringolé de 70% passant en 18 mois de 110 à 30 dollars (108 à 30 dollars 2016), sur fond d'offre trop abondante (avec le gaz de schiste notamment) et d'une plus faible demande (de la Chine notamment). Face à ce double phénomène, l'Arabie Saoudite, plutôt que réduire sa production, décide d'inonder le marché, accentuant l'effondrement des cours. Vue dans un premier temps comme positive pour les économies, cette brutale chute semble désormais inquiéter.

Supposée redonner des marges d'inverstissements et de consommation, cette baisse des cours pourrait en fait accroître les inquiétudes économiques, réduire les investissements dans de nombreux secteurs, peser sur la consommation des pays producteurs... aggravant les craintes de déflation généralisée.

Mais cela ne pourrait durer qu'un temps. «Ce qui m'inquiète le plus, c'est que les investissements dans de nouveaux projets pétroliers ont été réduits de 20% (en 2015) par rapport à 2014. C'est la baisse la plus forte dans l'histoire du pétrole», affirme Fatih Birol, responsable à l'Agence Internationale de l'Energie, laissant entendre que l'apparition de nouveaux besoins pourrait provoquer une brutale remontée des prix.

En attendant, le pétrole n'est pas la seule matière première touchée par cette baisse des cours. «On entre dans une période de prix déprimés qui pourrait durer jusqu’à la fin de la décennie, voire au-delà», affirmait à la fin 2015 le spécialiste des matières premières Philippe Chalmin. On est décidemment loin du «peak oil»... jusqu'à quand?

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