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Le Xinjiang, corridor commercial entre la Chine et l’Europe

Il s’agit d’un bout du monde. Le Xinjiang – également appelé Turkestan oriental – est une région autonome du nord-ouest de la Chine, ceinturée de montagnes culminant à 7000 m d’altitude. Sa situation est devenue un atout pour Pékin, qui veut en faire une fenêtre vers l’Asie Centrale et au-delà vers l’Europe. De la manière d’étendre l’influence chinoise via des corridors commerciaux.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un ouvrier chinois sur le site d'extraction de gaz de Klameli, au nord-ouest de la Chine. Ce champ de gaz naturel se situe dans le bassin de Junggar, au Xinjiang. (AFP/DING YU XJ)

Lors d’une conférence le 21 novembre 2013 à CERI-Science-Po sur le Xinjiang, le géographe Alain Cariou a expliqué que «le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Asie centrale, via le Xinjiang, a été multiplié par 100 entre 1992 et 2000». Ce qui limite l’influence russe, traditionnelle, en Asie centrale.
 
Cette nouvelle présence économique de la Chine, qui exporte largement ses produits chez ses voisins, a été rendue possible par le réchauffement des relations entre Pékin et Moscou, dans le cadre de l’organisation du Groupe de Shanghai.
 
Des points de passage ont été ouverts aux frontières (comme la porte de Dzougarie vers le Kazakhstan) et des infrastructures de transport créées (autoroute M312 qui traverse le Kazakhstan vers le sud pour arriver à Tachkent, en Ouzbékistan, ou encore les routes ouvertes vers le Kirghizstan à travers la montagne) pour favoriser les échanges commerciaux par camions.
 
La Chine assure le financement de ces infrastructures en échange de concessions minières ou de contrats commerciaux, notamment.
 


A terme, le rail pourrait désengorger les ports
Dans le cadre du développement du rail, une voie ferroviaire transeurasienne est l’un des corridors les plus actifs et les plus courts qui permettent de relier la Chine aux consommateurs européens via la Russie.
 
Cette « voie ferroviaire permet de réduire les coûts du transport de 75% par rapport au fret aérien et maritime sur des produits à haute valeur ajoutée comme les ordinateurs, qui doivent approvisionner rapidement les marchés européens», détaille le chercheur Alain Cariou. Et d'ajouter : «Une tablette fabriquée à Chongqing (nord-est) mettra 16 jours par rail pour atteindre Duisbourg, en Allemagne (environ 10.000 km)Un conteneur qui partirait de Chine pour l’Europe en empruntant la voie maritime mettrait au minimum trois fois plus de temps.
 
Les convois de fret sont actuellement des convois Diesel, même si des trains à grande vitesse se développent en Chine. En 2014, une ligne TGV permettra de faire Pékin-Urumqi, la capitale du Xinjiang, en une douzaine d’heures contre 45 aujourd’hui (3.700 km).
 
Ces nouvelles voies d’acheminement par le rail ne représentent toutefois que «1% du commerce extérieur chinois», précise Alain Cariou qui estime qu’à terme, cela pourrait permettre de desserrer la pression sur les zones littorales et les ports saturés.
 
Création de zones franches
Le désenclavement du Xinjiang représente également un enjeu national : Pékin cherche à rééquilibrer l’ouest de son territoire, peu développé et peu peuplé, avec l’est industriel à forte densité de population.

Le gouvernement chinois a réalisé d’importants investissements pour développer la région, où fleurissent des zones économiques et des zones franches pour attirer des financements étrangers et chinois.
 
Pôle énergétique majeur, le Xinjiang possède un sous-sol riche en hydrocarbures et en minerais : 30% des réserves de pétrole du pays, 35% de celles de gaz, 40% du charbon et des terres rares. On y transforme également les produits bruts ouzbèks (gaz) et turkmènes.
 
Le Kentucky Fried Chicken de Karamay, ville située à la frontière kazakhe. (AFP/ZHANG XINMIN)

Sinisation à marche forcée
Dans ce contexte de développement économique, Pékin mène en parallèle une politique d'intégration des Ouïghours, pour tuer dans l’œuf les revendications indépendantistes et culturelles d’une partie de cette population musulmane d’origine turcophone, installée dans la région depuis plus de mille ans.
 
Située à la frontière kazakhe, Karamay, spécialisée dans l’extraction et le raffinage des hydrocarbures, est un exemple de ville chinoise en pleine zone ouïghoure. Sortie de terre après la découverte d’un immense gisement pétrolier au milieu des années 50, elle est aujourd'hui composée à 90% de Hans, l'ethnie majoritaire en Chine, dont le gouvernement central favorise l'installation. Karamay est devenue, en quelques années, une des villes chinoises les plus riches (PIB/habitant).

Dans ce contexte, on le voit, «les corridors commerciaux, qui pourraient conduire à terme les Chinois jusqu’en Iran et aux pays du Golfe, privilégient le business au détriment de pans entiers d’espaces marginaux du Xinjiang, où s’accroissent les inégalités territoriales et envers les populations turciques», conclut Alain Cariou.
 
Patrouille de police dans les rues du quartier ouïghour d'Urumqi, le 29 juin 2013, après une série d'attaques terroristes dans la région du Xinjiang. (AFP/Mark Ralston)

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