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Thaïlande: des poupées contre la sinistrose

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 1min
En mai 2014, la junte réalisait un coup d’Etat en Thaïlande. Elle promettait de redresser l’économie, mais force est de constater qu’aujourd’hui, il n’en est rien.

Le taux de croissance reste faible, le tourisme est en baisse, l’endettement des ménages important et les investissements étrangers chutent. Tout ceci crée une forte inquiétude dans la population et pourrait expliquer que certaines personnes, pour calmer leurs angoisses, se tournent vers des pratiques ésotériques. L’adoption de poupées censées être habitées par les esprits d’anges prêts à éloigner le mauvais sort et apporter bonne fortune en est la dernière représentation.

19 photos d’Athit Perawongmetha et Christophe Archambault illustrent ce propos

beaucoup de gens s’étaient tournés vers amulettes en plasticine, une sorte de pâte à modeler, censées apporter la richesse. Aujourd’hui, des poupées hyper réalistes en plastique représentant des bébés et des enfants déclenchent un véritable engouement en Thaïlande.  ( REUTERS/Athit Perawongmetha)
directeur général adjoint du Département de santé mentale (DSM), cette pratique a pris de l’ampleur depuis que le pays traverse un net ralentissement économique. Le DSM ne considère pas cela comme le signe de déficiences mentales. La raison est sociale. (REUTERS/Athit Perawongmetha)
s’est accentué dans la dernière année depuis que des célébrités ont déclaré que leurs figurines leur avaient apportées gloire et succès. Depuis, les commandes s’envolent dans les magasins ou sur internet.  (REUTERS/Athit Perawongmetha)
Tout le monde a besoin de se raccrocher à quelque chose», dit Mananya Boonmee, 49 ans. Ma poupée s’appelle Nong Petch (bébé bijou). Elle pense que celle-ci lui a permis de gagner à la loterie en lui citant les numéros dans ses rêves. (REUTERS/Athit Perawongmetha)
grâce à sa poupée prénommée Ruay Jang. Elle collectionne des enfants-anges et estime que beaucoup de Thaïlandais sont à la recherche de réconfort: «Certaines personnes sont stressées à cause de l'économie, de la politique, de leur emploi et de leurs finances.» (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
beaucoup restent très superstitieux et font cohabiter leur croyances religieuses avec des notions d'animisme, d’astrologie ou encore de magie noire. Numérologie, cartomancie, fantômes font partie du quotidien. Les hommes politiques n’hésitent d’ailleurs pas à y avoir recours. (REUTERS/Athit Perawongmetha)
a essayé de calmer cet engouement en déclarant que lui-même n’avait jamais possédé ce type d’objet. Il a ajouté que les gens qui n’ont pas les moyens de s’en offrir ne devraient pas s’en procurer. Le prix peut varier de 1.500 bahts (40 $) à 30.000 baht (800 $).  (REUTERS/Athit Perawongmetha)
«Nous dormons ensemble dans le même lit, elle a son propre oreiller et ses propres couvertures» et ajoute «le matin, elle aime boire du lait à la fraise». Pour cette femme de 45 ans, c'est évident, «elle est beaucoup plus chanceuse depuis l'arrivée dans sa famille de la poupée, il y a huit mois». (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
La Thai Smile, filiale du transporteur national Thai Airways, a déclaré qu’une poupée doit payer son billet si elle veut profiter d’un siège mais en contrepartie des collations lui seront servies comme pour tout passager humain. Seule obligation que leurs ceintures soient attachées.  (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
à l’intérieur de ces drôles de passagers, l'Autorité de l'aviation civile de Thaïlande a interdit aux compagnies aériennes de vendre des billets pour ce type de passagers. (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
promenées en poussette et invitées au restaurant où, comme au Neta Grill, leur sont concoctés des menus spéciaux: quatre euros pour les grandes tailles et nourriture à volonté pour celles ne dépassant pas 1,10 mètre.  (REUTERS/Athit Perawongmetha)
ou des coiffeurs se sont même spécialisés dans le soin pour ces «bambins». Certains propriétaire désireux que leurs enfants surnaturels en plastique puissent élargir leur champ de connaissance les ont inscrits à des cours d’anglais.   (REUTERS/Athit Perawongmetha)
ces «nouveaux parents» habillent leurs progénitures de nombreuses reliques et amulettes mystiques. Les corps des bébés anges sont aspergés de cendre de défunts, d'eau sacrée et tatoués avec des mantras magiques.  (REUTERS/Athit Perawongmetha)
et veulent interdire aux moines bouddhistes de pratiquer ce type de cérémonie. Mais dans le temple Bangchak à Nonthaburi, les moines pratiquent régulièrement des cérémonies. «Nous avons une dizaine de personnes par semaine» qui viennent avec leurs poupées, raconte Phra Ajarn Supachai.  (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
trouvent cet emballement positif, car c’est un moyen pour certains de lutter contre la solitude et même donner un sens à leur vie, tout le monde n’adhère pas à cet enthousiasme. (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
un moine nationaliste très conservateur et célèbre pour ses dénonciations enflammées des dérives commerciales du bouddhisme thaïlandais, déclare à l'AFP : «Cela prouve que la société est en crise… Si vous vous sentez seul, c'est simple, il suffit de sortir et parler à vos voisins, d'interagir davantage avec les autres, de faire de bonnes choses!» Que ferait-il si on lui demandait de bénir une poupée ? Il n’hésite pas à répondre : «Maudit sois-tu, imbécile!» (REUTERS/Athit Perawongmetha)
de l’Université du Prince de Songkla, les anges-poupées semblent être particulièrement populaires auprès des femmes de la classe moyenne et pourrait «répondre à la nécessité de materner». (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
d’une coutume ancestrale datant du XIIIe siècle, Khuman Thong (garçon en or). Celle-ci consistait à récupérer les fœtus morts pour les transformer en statuette et ainsi conserver l'esprit fantôme de l’enfant. Des nouveaux parents pouvaient alors l’adopter. La figurine était censée protéger leur maison et leur apporter chance et bonne santé. Au début du XXe siècle, cette pratique jugée immorale a été interdite par le clergé.  (AFP PHOTO / Christophe Archambault)
professeur d’histoire des religions dans «Libération»: «Ces traditions anciennes étaient trop effrayantes et trop archaïques, et les vieilles croyances n’intéressent plus les Thaïlandais modernes. Les objets ont été modernisés et urbanisés pour s’adapter à la nouvelle Thaïlande, et l’idée à la base du Kuman Thong a pris la forme des anges-poupées». Le but reste toutefois le même: la recherche de la sécurité dans un monde incertain par le biais d’un talisman protecteur. (REUTERS/Athit Perawongmetha)

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