Cet article date de plus d'onze ans.

Chine. A quoi sert le Congrès du parti communiste?

A l'occasion du 18e Congrès du Parti communiste chinois, qui s'ouvre aujourd'hui, francetv info vous emmène au cœur du comité permanent du bureau politique, le lieu où se décide l'avenir de la Chine.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Les neuf membres du comité permanent du bureau politique, le 22 octobre 2007 à Pékin. (TEH ENG KOON / AFP)

CHINE – On les appelle les neuf empereurs de Chine. Ils ne se réunissent publiquement qu'à de rares occasions, et on sait peu de choses de leurs conciliabules privés. Certains sont inconnus du grand public et n'exercent aucune fonction gouvernementale. Mais leur surnom n'est pas usurpé : les membres du comité permanent du bureau politique du Parti communiste sont au sommet de l’appareil du pouvoir chinois. Un appareil que le Parti s’apprête à renouveler à l’occasion de son 18e Congrès qui s’est ouvert jeudi 8 novembre à Pékin.

Qu'ils soient neuf comme lors des dix dernières années, ou sept comme le pronostiquent les observateurs pour les cinq années qui viennent, ils sont les hommes les plus puissants de Chine. Sous la houlette de Xi Jinping, qui deviendra numéro un du Parti à l'issue du Congrès, ils seront en charge de la politique de la deuxième économie mondiale jusqu'au prochain congrès de 2017.

A première vue pourtant, la Chine, avec son président, son Premier ministre, son gouvernement et son Assemblée nationale populaire, possède un système institutionnel proche de ce que nous connaissons en France. En fait, l'essentiel du pouvoir est ailleurs, au sein du puissant Parti communiste chinois. "Ce que disent les textes, c'est que l'Etat est plus important que le parti. En réalité, c'est l'inverse", remarque Stéphanie Balme, chercheuse au Centre d'études des relations internationales (Ceri) de Sciences-Po, de retour d'une mission de dix ans en Chine.

Le parti est supérieur à l'Etat

Tel un parasite sur son organisme hôte, le Parti communiste, au pouvoir depuis 1949, a colonisé l'ensemble de l'Etat sur lequel il exerce une tutelle complète, fondée sur la Constitution qui fait référence à plusieurs reprises au rôle dirigeant du parti. Le chef de l'Etat, Hu Jintao, est d'abord celui du PCC et le numéro un du comité permanent. Chaque institution, chaque ministère et chaque entreprise publique possède son comité du parti. Au sein de ce dernier, on trouve toute une série d'organes rattachés aux grandes thématiques (économie, agriculture, sécurité publique), chargés d'élaborer la politique que les ministères se contenteront de mettre en musique.

L'Assemblée nationale populaire et la Conférence consultative du peuple chinois sont de simples chambres d'enregistrement qui se réunissent une semaine par an. Les huit partis "démocratiques", alliés des communistes pendant la guerre civile (1945-1949), sont tenus d'accepter l'autorité du PCC et n'exercent qu'un rôle mineur. L'armée populaire de libération est l'armée du parti, pas celle de l'Etat chinois. "Toutes les grandes affaires sont d'abord réglées par le Parti communiste", résume Jean-Luc Domenach, directeur de recherche au Ceri.

Les membres du comité permanent du bureau politique, le 21 janvier 2012 à Pékin. (ZHANG DUO / XINHUA)

De la même manière, les pouvoirs d'un homme politique chinois ne se mesurent pas à son rang institutionnel mais au poste qu'il occupe au sein du PCC. Dans son livre The Party, le journaliste australien Richard McGregor remarque avec amusement que la plaque d'immatriculation de la voiture du secrétaire du parti à Shanghai porte le numéro 00001 quand celle du maire et secrétaire-adjoint affiche le 00002.

Plus sérieusement, l'ordre dans lequel se fait la transition politique en Chine est révélateur. Le nouveau numéro un chinois, Xi Jinping, prendra d'abord le poste de secrétaire général du PCC (numéro un du parti) à l'issue du Congrès qui vient de s'ouvrir, avant de devenir président de la République populaire de Chine, l'année prochaine.

Des réunions secrètes

Dernier étage de la pyramide d'institutions que compte le Parti communiste chinois, le comité permanent, issu d'un bureau politique d'une vingtaine de personnes, est donc le saint des saints du pouvoir chinois. Son numéro un organise et dirige les débats, tout en s'occupant directement de la politique étrangère et des affaires militaires. Le numéro trois a la haute main sur l'économie. Les autres membres du comité permanent, de cinq à onze selon les époques, se partagent des portefeuilles thématiques, comme la sécurité publique, la finance ou la propagande.

Ils tiennent des réunions à huis clos rarement annoncées et dont le compte-rendu n'est pas publié. La fréquence de ces réunions, d'une fois par semaine à une fois tous les quinze jours selon les estimations, est donc difficile à apprécier. "C'est un parti clandestin, (…) on est dans un système à l'opacité totale", déplore Jean-Philippe Béja, chercheur au CNRS et au Ceri.

Une direction collégiale pour éviter un nouveau Mao

Au sein de ce cercle restreint, la prise de décision est collective. "Sous le mandat de Hu Jintao, l'hypothèse est que tout se décide par consensus. Nous n'avons cependant pas de fuites qui nous permettraient de savoir s'il y a des débats ou de la contestation, donc il est difficile de dire quelle est l'ambiance de ces réunions", développe Kerry Brown, directeur du Centre d’études chinoises de l’université de Sydney (Australie) et auteur d'une biographie du numéro un chinois, Hu Jintao: China’s Silent Ruler (Hu Jintao : le dirigeant silencieux de la Chine).

Si le comité permanent du bureau politique est une institution vieille comme la République populaire de Chine, l'équilibre actuel est une nouveauté voulue par Deng Xiaoping, le successeur de Mao Zedong et père de l'ouverture économique chinoise dans les années 1980. "La mise en place d’un pouvoir collégial, c’est la réponse de Deng au totalitarisme maoïste, à la gestion du pouvoir ultrapersonnalisée, totalement autocratique", analyse Stéphanie Balme. La fin du pouvoir personnel permet également au PCC d'éviter l'émergence d'un Mikhaïl Gorbatchev, le numéro un soviétique très critiqué en Chine pour avoir provoqué la chute de l'URSS.

Dix ans après avoir cédé le pouvoir à Hu Jintao (à g.), Jiang Zemin (à dr.) continue de jouer un rôle politique important. (MINORU IWASAKI / REUTERS)

Armée et sécurité publique, de puissants lobbys

Le comité permanent doit cependant composer avec d'autres centres de pouvoir. Si l'armée est placée sous la coupe du parti, elle n'en demeure pas moins un lobby. "Ils aiment bien avoir plus de matériel, comme chez nous, donc ils font pression pour obtenir plus de crédits, en montrant qu'il y a beaucoup de dangers", ironise Jean-Philippe Béja. La sécurité publique, dont le budget est depuis 2011 supérieur à celui de l'armée, est un acteur de plus en plus important sur les questions de justice et de maintien de l'ordre. "C'est une force absolument considérable, qui s'est structurée au moment des Jeux olympiques (…). Leur discours à eux, c'est l'Etat policier", dénonce Stéphanie Balme.

En outre, dans les trente et une provinces, municipalités et régions autonomes que compte le pays, le secrétaire du Parti communiste, bien que nommé par le pouvoir central, dispose d'une certaine autonomie, financière et législative. Le cas du dirigeant déchu Bo Xilai, qui avait mis en place à Chongqing un modèle de développement original, le prouve.

L'ombre des anciens

Enfin, les cadres retraités du parti continuent de donner leur avis sur les politiques menées et le choix des hommes. "Il faut les voir comme des patriarches, des gens qui exerceront un pouvoir important jusqu'à leur mort", explique Stéphanie Balme. Après sa démission de son poste de président de la Commission militaire centrale en novembre 1989, Deng Xiaoping est resté le numéro un officieux jusqu'à sa mort en 1997, alors même que son seul titre officiel était président de l'association des joueurs de bridge.

Aujourd'hui, si personne ne possède l'aura et le pouvoir d'un Deng Xiaoping, l'ombre des anciens, particulièrement celle de Jiang Zemin, 86 ans, et son bras droit Zeng Qinghong, est toujours là. Selon le South China Morning Post (article en anglais), les deux hommes ont joué un rôle dans la nomination de Xi Jinping comme successeur de Hu Jintao. Au delà des hypothèses, le maintien, malgré sa suppression temporaire en 2003 par Hu Jintao, du conclave estival de Beidaihe, cette station balnéaire où se retrouvent chaque année anciens et actuels dirigeants pour évoquer les sujets importants, est la meilleure preuve de l'influence persistante des retraités.

L'ancien président Jiang Zemin toujours influent

Cette année, pour la composition du nouveau comité permanent, "ils devraient être consultés, estime Bo Zhiyue, chercheur à l'université de Singapour. "Leur influence ou non dépend de chaque personnalité. Je pense que si Jiang Zemin est en bonne santé, il peut avoir une influence importante", poursuit ce spécialiste de l'élite politique chinoise. "Quand il n'y a pas de problème parmi les neuf, Jiang est moins puissant, relativise Jean-Luc Domenach. Mais quand il y a des problèmes, il y a besoin d'un arbitre…"

En cette année rythmée par l'affaire Bo Xilai, le scandale de la Ferrari et le retard de l'officialisation de la date du Congrès, Jiang Zemin s'est fait remarquer par quelques prises de parole médiatiques et deux sorties publiques dans les mois précédant le Congrès, comme le relève le Wall Street Journal (article en anglais). Des signaux manifestes de sa volonté de continuer à peser sur la marche du pays.

Le journal de 20 h présenté par David Pujadas consacre une page spéciale jeudi 8 novembre au Congrès du parti communiste chinois, avec Alain de Chalvron, le correspondant de France 2 à Pékin, des reportages consacrés à cet événement et le portrait de Xi Jinping qui doit succéder à Hu Jintao.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.