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Haïti : «Il faut regarder ce pays avec le potentiel de ses habitants»

L’acteur et réalisateur français François Marthouret s’est intéressé à un marqueur de la vie politique haïtienne dans sa première œuvre pour le cinéma. Le film «Port-au- Prince, dimanche 4 janvier» est une adaptation du livre «Bicentenaire» de Lyonel Trouillot. Lequel revient sur le mouvement étudiant ayant eu raison du régime de Jean-Bertrand Aristide il y a plus de dix ans. Entretien.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Photo du film «Port-au-Prince, dimanche 4 janvier» de François Marthouret. Sortie française : 29 juillet 2015 (Crescendo Films)

«Port-au-Prince, dimanche 4 janvier» se focalise sur le jour de la célébration du bicentenaire de l'indépendance de l'île, où une manifestation étudiante contre le pouvoir est organisée. Pour évoquer la révolte qui gronde, l'oeuvre s'appuie sur les destins croisés de deux frères : Lucien est un leader étudiant et son petit frère, Ezekiel (alias Little Joe), une recrue des Chimères, les milices pro-Aristide qui ont semé la terreur pendant le deuxième mandat de l'ancien prêtre, devenu dictateur.   

Le réalisateur français François Marthouret (D) et l'affiche de son film «Port-au-Prince, dimanche 4 janvier» (© MONTAGE LA1ÈRE "Port-au-Prince, dimanche 4 janvier")

Qu’est-ce qui vous a interpellé dans le roman «Bicentenaire» de l’écrivain haïtien Lyonel Trouillot et dans ce mouvement de révolte? 
C'est d'abord la force et la beauté du livre de Lyonel Trouillot qui m’ont touché parce que ce qu'il raconte, cette jeunesse qui essaie de croire en un avenir meilleur, a des échos universels. Le fait que je ne connaissais pas bien Haïti m'a donné envie de découvrir ce pays par la curiosité inhérente à un film. C'est un regard décalé, mais respectueux, sur ce drame.

Vous avez tenu à tourner à Haïti avec des acteurs locaux. Qu'avez-vous ressenti en débarquant dans ce pays pour préparer ce film?
Quand on fait un film, on essaie de rassembler les documents nécessaires, les éléments qui peuvent nourrir l’imagination tout en étant, pour ma part, guidé par la base du film qui est le livre. En arrivant là-bas, je n’ai fait qu’engranger une série d’impressions par rapport aux nécessités du scénario. J’étais à la fois dans un état de demande, par rapport aux impératifs du projet, et d’écoute par rapport à ce que les gens me proposaient. J’ai un devoir de modestie. Mais j’ai été fasciné par Haïti, par la richesse et le malheur de ses contradictions. Il est clair que c’est un Etat qui souffre de graves problèmes économiques et politiques.

Il y a vis-à-vis de ce pays un changement de regard – un peu apitoyé ou charitable – qui doit s’opérer. Il faut sûrement l’aider à exploiter ses propres richesses plutôt que de continuer à le chaperonner, à le piller… Il faut regarder ce pays avec le potentiel de ses habitants. Aujourd’hui, comparé aux régimes précédents, il y a une liberté qui existait difficilement, ou pas du tout, auparavant. Cependant, cette liberté est entravée par les difficultés économiques et politiques qui pèsent sur ce pays. Encore une fois, je ne peux pas faire d’analyse globale parce que j’ai connu Haïti à travers mon travail dans un temps limité. J’ai juste découvert qu’il y avait un potentiel formidable dont il faut être attentif à laisser les Haïtiens exploiter eux-mêmes.

La société haïtienne «vit aujourd’hui une occupation molle avec une parodie de démocratie instituée par cette merveilleuse fiction que l’on appelle la communauté internationale». Un commentaire sur ce propos de Lyonel Trouillot, contenu dans le dossier de presse du film, à l’aune de votre expérience haïtienne?
Je n’ai pas l’outrecuidance de le commenter. Lyonel Trouillot est au cœur de l'actualité de son pays et c’est son analyse.

Une phrase de François Hollande prononcée lors de son déplacement sur l’île en mai 2015 a relancé le débat. Que pensez-vous du fait que les Haïtiens estiment que la France doive rembourser les 150 millions de francs réclamés à Haïti par Charles X en 1825 en dédommagement du fait qu’elle lui ait accordé l’indépendance en 1804?
Je suppose que si François Hollande en avait les moyens, il l'aurait fait volontiers. Ce qui m'étonne le plus, c'est que les Haïtiens aient payé au lieu de dire non. Je ne sais pas dans le détail ce qui les obligeait à régler cette somme. Cette dette reste évidente, à l'instar de celle des pays riches vis-à-vis des pays moins bien lotis. Les pays occidentaux, qui ont acquis une partie de leur richesse de cette façon, pourraient être plus solidaires de ceux qui ont été exploités. C’est une question qui mérite d’être examinée calmement et sans passion.



«Port-au-Prince, dimanche 4 janvier», un film de François Marthouret, avec Emmanuel Vilsaint et James Star Pierre
Sortie française : 29 juillet 2015
 

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