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Argentine: elle retrouve son petit-fils 38 ans après

La chef de file des Grands-Mères de la Place de Mai vient de retrouver son petit-fils, Guido, 36 ans après sa naissance-disparition. Retour sur ces Argentines qui n'ont jamais baissé les bras et mené un combat sans faille.
Article rédigé par Frédérique Harrus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Guido Carlotto 36 ans et sa grand-mère Estela 83 ans (Reuters)

On les a appelées «les folles de la Place de Mai», puis «les mères de la Place de Mai», maintenant les années passant et l'âge aidant, elles sont les grands-mères de la Place de Mai.

Elles, ce sont des femmes qui ont bravé la dictature de Videla en réclamant des nouvelles de leur enfant disparu en tournant inlassablement en rond sur la place devant le palais présidentiel, un petit fichu blanc sur la tête. Au début, elles n'étaient qu'une poignée à oser défier le pouvoir pour savoir ce qu'il était advenu de leur fils ou fille. Le régime avait beau jeu de les traiter de folles.

De 1976 à 1983, l'Argentine a vécu sous une dictature militaire dirigée par le général Videla. Pendant cette période, tous les opposants au régime ou supposés tels, hommes comme femmes ont été arrêtés, emprisonnés, éventuellement torturés, exécutés et disparaissaient. Quand les femmes concernées étaient enceintes au moment de leur arrestation, ou mères d'enfants en très bas âge, le régime les menait à terme et «subtilisait» le bébé qu'il donnait à adopter à ses dignitaires méritants. Les jeunes mères étaient ensuite exécutées et disparaissaient comme tous leurs camarades d'infortune.

Souvent, les familles ignoraient l'existence ou le devenir du bébé qui, lui-même ultérieurement, ne savait pas que les personnes qui l'élevaient n'étaient pas ses parents biologiques. Petit à petit des survivants, compagnons de cellule et autres témoins divers ont signalé l'existence de ces bébés. Les folles de la Place de Mai se sont alors mises à la recherche, en plus de leur enfant disparu, de leurs petits-enfants inconnus. Même si longtemps, les autorités ont soutenu que ces enfants étaient décédés.

Le système mis en place par la dictature militaire a permis de maintenir le secret, avec la complicité active des familles ayant ainsi obtenu des bébés, ces dernières ayant trop peur de les perdre. A force d'enquêtes, de recoupements et surtout de persévérance, Estela Carlotto et ses compagnes de combat ont évalué le nombre de ces enfants adoptés à 500. 
Pour que leurs enfants soient identifiés en cas de découverte de dépouilles, elles ont créé une banque de données génétiques, qui permettait de relier un corps à l'une d'entre elles. Cette banque de données permettra finalement d'identifier les petit-enfants, bien vivants ceux là.

Certains d'entre eux ont eu des doutes sur leurs origines et se sont soumis d'eux-mêmes à cette comparaison génétique, révélant souvent qu'ils étaient en effet le petit-enfant de l'une d'entre elles. D'autres, en revanche, refusent de s'y soumettre, malgré de très fortes présomptions, ne pouvant envisager de découvrir que la seule famille qu'ils ont connue ne soit en réalité que les complices d'un système criminel (même s'ils en ont été les premières victimes). A peu près 110 enfants ont été identifiés à ce jour ce qui, a contrario, laisse supposer qu'environ 400 n'ont toujours pas été localisés ou formellement identifiés. 

La leader des Grands-Mères de la Place de Mai, aujourd'hui est folle. Folle de bonheur d'avoir enfin retrouvé Guido, son petit-fils de 36 ans. Le fils de Laura, sa fille décédée à 22 ans dans le centre de détention secret "La Cacha," à La Plata. «Je ne voulais pas mourir avant de le serrer dans mes bras. Je vais bientôt pouvoir l'embrasser. Je veux le toucher, regarder son visage,» a dit à des journalistes cette infatigable militante de 83 ans.

 

 «Il est identique à son père (un guérillero Montonero, ndlr), il ne peut pas nier qu'il est le fils de mon fils", disait quant à elle Hortensia Ardua, 91 ans, son autre grand-mère, depuis la province de Santa Cruz, en Patagonie. Force est de constater que la ressemblance entre les deux hommes est frappante.

 

Tout le monde s'accorde a reconnaître que cette militante intransigeante, nationalement voire internationalement connue, honorée et récompensée à maintes reprises méritait amplement de retrouver enfin son petit-fils. Mais 400 autres familles sont dans la même expectative, a rechercher un petit-fils ou une petite-fille qui leur est totalement inconnu. 
 

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