Aux prises avec Daech, la Tunisie s'allie avec l'Otan
Deux chiffres résument la menace potentielle qui pèse sur la Tunisie. Selon le ministère tunisien de l’Intérieur, Daech compterait entre 4000 et 5000 combattants en Libye, dont 30 à 35% seraient Tunisiens. De plus, de nouvelles recrues étrangères de l’organisation djihadiste seraient transférées massivement de Syrie et d’Irak en raison de ses récents revers au Proche-Orient. Des recrues qui seraient majoritairement originaires du Maghreb, précise kapitalis.com, sans détailler par pays.
Second chiffre : l’EI aurait embrigadé 3000 Tunisiens au Proche-Orient, qui constitueraient l’un des premiers contingents étrangers de l’organisation, sinon le premier. Ces derniers «sont particulièrement craints par la population syrienne en raison de leur cruauté affichée et revendiquée», croit savoir metronews.
De plus, selon le ministre de l’Intérieur Najem Gharsalli, cité par Le Figaro, les autorités tunisiennes ont empêché «plus de 12.000» de leurs ressortissants «de rejoindre les rangs des djihadistes à l’étranger». Fantasme ou réalité ? Il est évidemment difficile de se faire une idée précise de la situation. Mais une chose est sûre : les auteurs des trois gros attentats recensés en 2015 «sont passés par les camps libyens», note Jeune Afrique.
Contrebande
Aujourd’hui, la Tunisie est particulièrement touchée par la désagrégation de l’Etat libyen. Elle accueille ainsi sur son sol un million de réfugiés libyens (sur une population de 11 millions de Tunisiens), aux dires de son président, Béji Caïd Essebsi.
Par ailleurs, les échanges commerciaux bilatéraux ont été stoppés. Ils «ont chuté de plus de 75%, une centaine de sociétés tunisiennes opérant sur le territoire libyen ont dû cesser leur activité, et le prix des hydrocarbures, fournis jusqu’en 2011 à un tarif préférentiel, a flambé», rapporte Jeune Afrique.
La situation a favorisé les trafics et la contrebande. Conséquence redoutable : «Dès la chute de Kadhafi, armes et explosifs sont entrés massivement en Tunisie». Les frontières sont d’autant plus poreuses que les populations locales, notamment dans le sud, sont souvent parentes des tribus libyennes voisines…
Dans ce contexte, on comprend mieux que les Tunisiens s’inquiètent pour leur sécurité. Pour se protéger, ils ont décidé de construire un mur (qui est plutôt un fossé !) entre Ras Jedir et Dhehiba. L’ouvrage doit mesurer de 168 km et n’occupera qu’une partie de la frontière entre les deux pays, longue de 520 km.
Les Libyens n’apprécient guère cette initiative. Comme, d’ailleurs, les populations locales, «négligées par des décennies de stratégie économique ayant privilégié le littoral» (Le Monde). Des populations pour qui la contrebande est vitale. Et qui constituent, potentiellement, des réservoirs de djihadistes en raison de leur pauvreté…
Rapprochement avec l’Occident
Aujourd’hui, Tunis s’est rapproché des Occidentaux pour garantir sa sécurité. On savait déjà que ces derniers ont apporté leur aide, notamment en organisant des patrouilles aériennes au-dessus des foyers djihadistes tunisiens et en vendant des armes. La coopération est désormais institutionnalisée : lors de son voyage aux Etats-Unis en mai 2015, le président Béji Caïd Essebsi a obtenu que Washington accorde à son pays le statut d’«allié majeur non-membre de l’Otan».
Un statut qui lui permet «d’avoir accès à une coopération militaire renforcée» avec les USA, «plus particulièrement en matière de développement, d’achat d’armements et de formation militaire», note le site businessnews. Les Tunisiens auront aussi accès «aux technologies avancées, armement de dernière génération et de renseignements de haut niveau».
Il s’agit d’envoyer «un signal fort sur notre soutien à la décision de la Tunisie de se joindre aux démocraties du monde entier», selon le Département d’Etat américain. Pour autant, rétorque le chercheur Hasni Abidi sur le site de RFI, «il est illusoire de croire que c’est une récompense pour le parcours démocratique de la Tunisie» : «ce n’est pas (le) souci majeur» des Américains. Ceux-ci entendent disposer d’un pôle stable pour éviter la déstabilisation de tout le Maghreb par la mouvance djihadiste. «Une guerre en Tunisie équivaudrait à un conflit aux portes de l’Europe», rappelle Jeune Afrique.
Pour autant, le nouveau statut ne fait pas plaisir à tout le monde. Notamment à l’Algérie. Celle-ci a ainsi «à subir (…) les desseins de cette organisation militaire (l’Otan, NDLR), qui a tendance à finaliser son projet d’encerclement de notre pays», commente Algérie Patriotique. «Après le flanc Ouest caractérisé par une alliance stratégique "Maroc-Otan", voilà que le flanc Est, c’est-à-dire la Tunisie, tombe lui aussi dans les mailles de l’Otan. Il n’y a pas lieu d’être devin pour savoir que la cible est toujours l’Algérie», estime un universitaire cité par le site. Des conséquences diplomatiques de la lutte contre le terrorisme…
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