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L'Egypte, au cœur de plusieurs réseaux criminels de trafic d'organes

Les autorités égyptiennes ont démantelé mardi 22 août 2017 un réseau international impliqué dans un trafic d'organes. Déjà en 2016, des hôpitaux illégaux qui organisaient un trafic de reins, avaient été fermés. Un effrayant business, alimenté par la pauvreté et le désespoir. Un trafic d'organes également lié à l'enlèvement et au meurtre de migrants.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Chaque mois, des milliers d’Erythréens fuient leur pays pour tenter de gagner l’Europe. S’ils ne sont pas arrêtés au Soudan voisin. Puis kidnappés et torturés dans le Sinaï pour contraindre leurs familles à payer une rançon.  (AFP - ASHRAF SHAZLY)

Le ministère égyptien de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de 12 personnes dont trois médecins et quatre infirmières. «Elles étaient en train d'opérer un homme pour lui prélever un rein et une partie du foie dans un hôpital privé» du gouvernorat de Gizeh, au sud du Caire, en échange de 10.000 dollars (8.500 EUR), a précisé le ministère.
  
Les autorités égyptiennes avaient déjà annoncé en décembre 2016 l'arrestation de 25 personnes «en possession de millions de dollars et de lingots d'or». Figuraient parmi elles des professeurs d'université, des médecins, des propriétaires de centres médicaux, des intermédiaires.
 
Le réseau comprenait «des Egyptiens et des ressortissants d'autres pays arabes qui profitent de la grande pauvreté de certains égyptiens pour pouvoir leur acheter leurs organes et les vendre pour une importante somme d'argent», affirmait l'Autorité en charge de la lutte contre la corruption dans les institutions publiques.

Exploitation de la pauvreté 
Des perquisitions ont été menées dans une dizaine de centres médicaux et laboratoires où des documents et données informatiques concernant le trafic ont été retrouvés.Selon les Nations unies, des centaines d'Egyptiens pauvres vendent leur rein chaque année pour acheter de quoi vivre ou rembourser leurs dettes.
 
Pour lutter contre cet effrayant trafic, le Parlement égyptien avait pourtant voté une loi en 2010 interdisant le commerce des organes humains, de même que les transplantations entre Egyptiens et étrangers, sauf dans le cas de couples mariés.
 
Selon le coordinateur de l'Organisation mondiale de la Santé, Luc Noël, « L'Egypte figure parmi les cinq premiers pays en termes de trafic illégal d'organes. Au coté de la Chine, du Pakistan, des Philippines et de la Colombie ».

Meurtres de migrants
Plus effrayant encore ces trafics touchent également les migrants de passage. En 2012, Antonio Guterres, alors patron du Haut-commissariat aux réfugiés de l'Onu (HCR), avait déclaré que certains réfugiés (migrants) dans le Sinaï égyptien avaient été tués à cause de ce trafic.

Dans les sables on a retrouvé de nombreux cadavres de migrants venus surtout du Soudan, d'Éthiopie ou d'Érythrée. Des cadavres présentant de larges cicatrices. On leur avait retiré des organes vitaux. On estime à 3000 le nombre de personnes tués dans le Sinaï entre 2009 et 2014.

Les témoignages de passeurs arrêtés en Sicile font état de collecte de reins, de foies, de cornées, prélevés sur des migrants. Des organes qui sont ensuite revendus sur un marché noir à destination de pays plus riches, comme les États-Unis ou les pays du Golfe.

Témoignages effrayants
Dès 2009, Mussie Zerai, président de l'agence Habeshia qui aide les réfugiés érythréens, recueillait les témoignages de migrants arrivés en Italie. 

«Des dizaines de migrants partis d’Ethiopie, d’Erythrée sont kidnappés au Soudan et en Egypte (Sinaï). Des reins, des foies sont retirés pour approvisionner le « marché de la transplantation» qui à sa base en Egypte.»

D’après les récits de plusieurs migrants arrivés en Italie, le prélèvement d'organes a d'abord été utilisé comme menace. « Des migrants étaient séquestrés et devaient faire payer les membres de leurs familles vivant en Europe, aux USA ou au Canada. Si le paiement n'était pas effectué dans les règles, on prélevait des organes.»
10% des 120.000 transplantations d’organes dans le monde seraient de nature illicite.

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