Cet article date de plus de deux ans.
Avec "Face to face", la MEP présente le travail de la jeune photographe Pamela Tulizo sur les Congolaises
Publié le 25/02/2022 16:06
Mis à jour le 25/02/2022 16:07
Temps de lecture : 1min
L’exposition parisienne réunit la série "Double identité" (2019) et "Enfer Paradisiaque" (2021).
Face to face , exposition visible jusqu’au 13 mars 2022 à la Maison européenne de la Photographie (MEP), permet de découvrir le travail de Pamela Tulizo , née en 1994 à Goma dans la région du Nord- Kivu, une zone déchirée par des années de guerre civile en République démocratique du Congo.
D’abord formée au journalisme, la jeune femme décide de s’orienter vers la photographie, un domaine exclusivement masculin mais qui va lui permettre une plus grande liberté d’expression. En 2019, sortie diplômée du Market Photo Workshop à Johannesburg, elle oriente son travail vers les questions sociales principalement liées à l’identité de la femme.
En 2020, elle reçoit pour sa série Double identité le prix Dior de la photographie et des Arts Visuels pour jeunes talents.
Pour devenir photographe, Pamela Tulizo qui a grandi dans une famille polygame et patriarcale a dû lutter contre les préjugés et les a priori de son père. Sur le site ARTS.CD dédié à la culture et aux arts congolais, elle raconte : "J’ai découvert la photographie quand j’étais encore trop jeune, entre 6 ou 7 ans. On avait un appareil photo chez nous, mais ce n’était pas possible que je le touche." Dans un entretien au magazine féminin "Marie Claire", elle ajoute : "Ma mère a été mon inspiration, mais c'est mon père qui a guidé ma démarche artistique autour de la femme. Il était distant, autoritaire. Quand je lui ai annoncé que je voulais être photographe, il m'a dit : ‘Ce n'est pas possible. C'est un travail dangereux, un travail d'homme. Toi tu n'es qu'une femme.’ Ça m'a révoltée, mais ça m'a fait réfléchir sur mon identité, sur qui je suis." (PAMELA TULIZO)
"C'est ma mère qui m'a sauvée. Sans ma mère je ne serais pas la femme que je suis. Et la femme, c'est le cœur de ma démarche", déclare Pamela Tulizo. La photographe qui a grandi à Goma, une ville surnommée par les médias la "capitale du viol", veut casser l’image négative des "femmes du Kivu" et montrer des images positives de celles qui luttent pour leurs droits et contre les inégalités. Si elle ne minime pas les souffrances et atrocités que nombre d’entre elles ont subi dans le pays, elle explique sur le média congolais Actualite.cd : "Il y a des femmes battantes, celles qui ont des histoires à raconter et qui sont pourtant ignorées par la presse, ignorées par le monde extérieur parce que l’image de la femme du Congo, l’image de Goma est caricaturée. Souvent, la femme vulnérable, la femme violée ou réfugiée est celle qui attire l’attention de la presse internationale plutôt que celle qui a de l’espoir, des rêves." (PAMELA TULIZO)
Cette démarche est manifeste dans sa série de portraits "Double identité" qui présente des Congolaises tiraillées entre leurs ambitions et le poids de la société, leurs différentes identités sociales. L’image met en scène une villageoise qui se regarde dans un miroir, où ses différents reflets montrent une infirmière, une entrepreneuse et une cheffe de chantier, des professions souvent inaccessibles à la gent féminine. (PAMELA TULIZO)
Pamela Tulizo aime aussi détourner les codes de la mode. Comme pour le photographe camerouno-nigérian Samuel Fosso (exposé aussi à la MEP), le vêtement joue un rôle capital dans son travail. Chez elle, l’habit permet l’émancipation et porte le poids du combat des femmes de son pays pour obtenir leur liberté. Le magazine de mode international "Numéro" explique à propos de la photo où une femme tête haute et regard digne fixe le spectateur : "Son corps est divisé en deux parties bien distinctes par une ligne qui la traverse de haut en bas : sur la moitié droite, elle est vêtue d'une veste fuchsia tachée, son visage est couvert de suie et de larmes. Sur la moitié gauche, elle porte un tailleur bleu immaculé, son visage est impeccablement fardé et orné d'une boucle d'oreille argentée. Un corps scindé en deux, illustrant la double identité de la femme africaine. Pauvre et souffrante aux yeux des médias, notamment occidentaux, la première suscite la pitié tandis que la seconde, apprêtée, confiante et maîtresse de sa propre vie, provoque l'admiration." (PAMELA TULIZO)
A Goma, qui ne compte ni école d’art, ni galeries, ni musées, la photographe pour aller plus loin dans sa démarche, a ouvert un centre d’éducation pour femmes, le Tulizo Help Space. Dans ce lieu, elle veut former la jeune génération à la photographie. Citée par "Télérama", elle déclare : "Ce ne sont pas les talents qui manquent par ici, mais les opportunités. On a reçu bien plus de candidatures que prévu de la part de jeunes filles célibataires comme de jeunes mariées (car ici) les études s’arrêtent souvent là où le mariage commence." (PAMELA TULIZO)
Dans sa dernière série "Enfer paradisiaque" (2021), la photographe s’est interrogée pendant la période du Covid-19 sur le paradoxe de son pays aux ressources abondantes, "le paradis sur terre" pourtant réputé comme étant l’enfer. Quels sont les besoins indispensables des gens pour survivre en situation de crise (électricité, nourriture…) ?, questionne Pamela Tulizo. Pour illustrer cette démarche, elle a amené ses modèles dans des endroits populaires de Goma, habillées de somptueuses robes brodées de produits essentiels comme le charbon, les allumettes ou les ampoules. (PAMELA TULIZO)
Partager : l’article sur les réseaux sociaux
Partagez sur whatsApp (nouvel onglet) (Nouvelle fenêtre)
Partagez sur facebook (nouvel onglet) (Nouvelle fenêtre)
Partagez par email (Nouvelle fenêtre)
Partagez (Nouvelle fenêtre)
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.