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Normalisation en marche au Liberia, 13 ans après la fin de la guerre civile

De 1989 à 2003, le Liberia subi une une guerre civile qui a entraîné la mort de 250.000 personnes. Depuis, la paix est revenue dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest. Le 30 juin 2016, l’ONU a transféré aux autorités locales ses compétences en matière de sécurité, preuve du retour d’une certaine normalisation. Autre signe : la visite, le 27 juin, de la First Lady des Etats-Unis, Michelle Obama.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min

Michelle Obama s’est rendue à Kakata, près de Monrovia, dans un centre du Corps de la Paix (Peace Corps, volontaires américains œuvrant pour la paix dans le monde). Elle a échangé avec des adolescentes de milieux défavorisées sur l'importance de l'implication des femmes dans la gestion du pays et de l'accès à l'éducation. «Allez au lycée, à l'université si vous le pouvez. Et quand vous deviendrez les femmes que vous voulez devenir, revenez ici et apportez votre soutien à d'autres filles qui ont besoin d'aide», a-t-elle lancé.

Selon les données de l'ONU, seulement 37% des filles âgées de 15 à 24 ans savent lire au Liberia (contre un taux de 61% pour l’ensemble des 4,1 millions de Libériens).

Très touché par Ebola
D’une manière générale, à la suite de la guerre civile, le pays reste pauvre, avec un PIB de 485 dollars par habitant en 2013 (source FMI). «Les années de guerre ont anéanti (ses) capacités productives (…) et une part importante du capital humain : 5% de la population a été tuée, 75% des infrastructures scolaires et 95% des équipements de santé ont été détruits», constate le site du ministère français des Affaires étrangères. Conséquence : le Liberia fait partie aujourd’hui du groupe des pays «les plus pauvres et les plus faibles du monde», décrits par l’ONU.  

Il a ainsi été particulièrement touché par l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest avec plus de 4800 morts sur 11.300 victimes (pour quelque 28.600 cas recensés). C’est ce qui ressort d’un bilan sous-évalué de l’aveu même des Nations Unies. Mais le ministère libérien de la Santé a annoncé le 9 juin que l’épisode de la maladie était terminée.

Le pays retrouve ainsi un certain répit bienvenu. Répit renforcé par la décision de l’ONU de lui transférer ses compétences en matière de sécurité. Ce qui renforce l’impression d’une certaine normalisation. Après 14 ans de guerre civile, la Minul, Mission des Nations Unies au Liberia, dont les effectifs ont culminé à 15.000 hommes, avait été déployée pour assurer la sécurité et la protection de la population. Le conflit avait déstructuré les forces de défense et de sécurité du pays.

Une situation «stable» en matière de sécurité
Elue présidente en 2005 à l’issue de près de deux ans de transition et investie début 2006, Ellen Johnson Sirleaf a dissous l’armée, alors composée de miliciens, d’ex-rebelles et d’un nébuleux réseau d’unités spéciales, héritage du pouvoir de Charles Taylor. En 2013, cet ex-chef de guerre et ex-président de 1997 à 2003 a été condamné à 50 ans de prison, à La Haye par le Tribunal spécial pour le Sierre Leone, pour crimes contre l’humanité en raison de son rôle dans la guerre civile dans le pays voisin du Libéria (1991-2001).

Selon un rapport de l'ONU, les forces libériennes comptaient 5170 policiers et 2050 militaires à la mi-février. A la même date, la Minul comptait 1155 policiers et 3371 militaires, des effectifs appelés à se réduire progressivement. Mais les moyens respectifs de chaque partie ne sont pas les mêmes. Le budget de l'Etat libérien pour la sécurité est estimé à 90,8 millions de dollars (plus de 81,6 millions d'euros) dans la loi de Finances 2016-2017, qui doit encore être approuvée par le Parlement. Soit moins d'un quart du budget annuel de la Minul (344,7 millions de dollars, plus de 310 millions d'euros).

Certains habitants se disent peu rassurés par ce transfert de compétences et racontent d'amères expériences de racket, corruption ou abus de pouvoir par des porteurs d'uniformes, eux-mêmes mal payés et sous-équipés. Avec une palme de la mauvaise réputation pour les policiers. Pour autant, selon l'ONU, la situation en matière de sécurité au Liberia est généralement «stable», en dépit de difficultés pour les institutions libériennes «à intervenir avec rapidité et efficacité en cas d'atteintes violentes à l'ordre public».

Après une remise à plat, de nouveaux policiers et militaires ont été formés, notamment par des sociétés privées financées par les Etats-Unis et par l'ONU. Les mêmes ont également été sensibilisés à la lutte contre la corruption et au respect des droits de l'Homme.

Lutte anti-corruption
Autre signe d’une relative normalisation : la lutte anti-corruption semble marquer des points. Le patron de la compagnie minière britannique Sable Mining, Andrew Groves, a été inculpé dans le cadre de la procédure ouverte sur des accusations de pots-de-vin pour obtenir des concessions de minerai de fer, ont annoncé les enquêteurs. L’inculpation a été prononcée par une commission spéciale mise en place par la présidence après la publication, le 11 mai par l'ONG britannique Global Witness, d'un rapport sur l’affaire.


Selon l’ONG, Sable Mining aurait payé plus de 950.000 $ (855.900 €) à plusieurs responsables libériens entre 2010 et 2012. Le chef du parti au pouvoir Varney Sherman, ancien avocat de Sable Mining, et le président de l'Assemblée nationale, Alex Tyler, ont déjà été inculpés pour «crimes économiques» et arrêtés en mai dans cette affaire. Ils ont ensuite été remis en liberté sous caution. Les personnes mises en cause jusqu'à présent ont démenti toute malversation ou affirmé ne pas en avoir eu connaissance.

«Lorsque la présidente (Ellen Johnson Sirleaf) a annoncé que le Liberia était ouvert aux investissements, elle ne voulait pas dire qu'il était à vendre», a déclaré le chef de la commission d'enquête présidentielle, Jonathan Koffa, cité dans un communiqué.

Par le passé, Ellen Johnson Sirleaf, elle-même, a été la cible d'accusations de corruption et de népotisme, en particulier en faveur de ses fils. Dans le rapport, le nom de son beau-fils, Fombah Sirleaf, chef des services de renseignement libériens, apparaît aussi comme bénéficiaire de milliers de dollars de frais, notamment de voyages et de téléphone.

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