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25 janvier 2011: la révolution égyptienne ou le passage d’un général à l’autre

Dans la foulée de la Tunisie, l’Egypte connaît ses premières manifestations anti-Moubarak en janvier 2011. Le président en place doit se retirer face à la pression populaire. Mais il ne faut que deux ans à l’armée pour reprendre le pouvoir. Le général Sissi remplace Moubarak après le renversement du pouvoir islamiste élu. Retour sur les principaux épisodes d’une révolution confisquée.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une partisane de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak porte un portrait de lui et du général Abdel Fattah al-Sissi, devant l'Académie de police avant le procès de l'ancien président, le 25 août 2013 au Caire. (Engy Imad / AFP)

25 janvier 2011: «Après Ben Ali, à qui le tour?»… Dans les rues du Caire, les manifestants, en écho au président tunisien chassé mi-janvier par une révolte populaire après vingt-trois ans de pouvoir, demandent un changement en Egypte. «A bas Moubarak!», crie la foule hostile à l’homme, âgé de 82 ans, qui dirige le pays depuis vingt-neuf ans. Outre le rejet du pouvoir, les manifestants réclament un large changement politique et social.
 
Cette date du 25 janvier a été ensuite célébrée comme celle de la révolution égyptienne. Aujourd’hui, il est fortement déconseillé de manifester ce jour là…


La chute de Moubarak
1er février 2011: plus d'un million de manifestants dans le pays. Marée humaine place Tahrir, au Caire, cœur de la contestation. La révolution est en marche, le pouvoir hésite entre répression et négociations, l’armée servant d’arbitre.
 
11 février 2011: le président Moubarak démissionne après 30 ans d'un règne sans partage et remet ses pouvoirs au Conseil suprême des forces armées, dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui. La répression du soulèvement a fait au moins 850 morts. Au cours des journées révolutionnaires, l'armée, qui a l’essentiel du pouvoir politique mais aussi une grande place dans l’économie du pays, a géré le départ de Moubarak et organisé une «transition pacifique» vers «un pouvoir civil élu».

Le président égyptien Mohamed Morsi à Rome, le 13 septembre 2012. (ALBERTO PIZZOLI ALBERTO PIZZOLI / AFP)

Premières élections démocratiques
30 juin 2012: le candidat des Frères musulmans Mohamed Morsi, élu avec 51,73% des voix, devient le premier président issu d'un scrutin libre en Egypte. Il est aussi le premier islamiste et le premier civil à présider le pays. En août, Morsi élargit son indépendance politique en écartant le maréchal Tantaoui, ministre de la Défense et chef du Conseil suprême des forces armées. Il le remplace par le général Abdel Fattah al-Sissi, chef du renseignement militaire.

Le président élu doit rapidement faire face à la contestation des laïques qui lui reprochent notamment la nature de la Constitution qu'il fait voter. S'ajoute à cette contestation politique un climat économique et social difficile. L'Egypte qui connaissait structurellement une situation économique difficile subit de plein fouet (dans le tourisme notamment) les conséquences de la révolution et des violences qui l'ont accompagnée. De nombreuses grèves secouent le pays. 

Un an après son élection, la situation politique reste très tendue et les contestations montent dans le pays, alors que le pouvoir islamiste a du mal à réformer.

Graffiti anti-Morsi sur un mur du Caire. (MOHAMMED HOSSAM / ANADOLU AGENCY)

Coup d'Etat du général Sissi
3 juil 2013: après des manifestations monstres réclamant le départ de M.Morsi, l'armée le destitue et l'arrête. Il dénonce un coup d'Etat et appelle ses partisans à défendre sa «légitimité». Le général Abdel Fattah al-Sissi annonce que le président de la Haute cour constitutionnelle Adly Mansour prend la direction du pays.

La répression des Frères musulmans et de partisans de Morsi accompagne le renversement du pouvoir civil. 

Des Egyptiens manifestent leur joie le 3 juillet 2013 place Tahrir au Caire après la déposition par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi. Les manifestants brandissent notamment un portrait du nouvel homme fort du pays, Abdel Fattah al-Sissi. (AFP - Khaled Desouki)

14 août 2013: les forces de l'ordre lancent l'assaut sur deux places au Caire où campaient des milliers de pro-Morsi. Plus de 700 d'entre eux sont tués dans la capitale en quelques heures. Au total, plus de 1.400 manifestants pro-Morsi ont été depuis tués dans cette vague de répression, des dizaines de milliers emprisonnés et des centaines, dont M.Morsi, condamnés à mort. Fin 2013, les Frères musulmans sont déclarés «organisation terroriste».

Mais la répression s'est rapidement élargie pour inclure la jeunesse laïque et de gauche, et des dizaines de militants se sont retrouvés en prison pour des manifestations organisées sans l'aval des autorités. «La révolution est revenue au point zéro», analyse Mozn Hassan, fondatrice de l'organisation Nazra pour les études féministes. 

Des manifestants, le 11 novembre 2016, dans un quartier de Gizeh, près du Caire. Ils protestent contre les pénuries et les hausses de prix. «Manifeste pour le changement. La révolution est ton choix», peut-on lire sur la pancarte de la manifestante. (HESHAM FATHY / ANADOLU AGENCY)

8 juin 2014: Abdel Fattah al-Sissi se fait élire président (96,9% des voix...) après avoir éliminé toute opposition, islamiste d'abord, puis libérale et laïque. En janvier, une nouvelle Constitution, renforçant les pouvoirs de l'armée avait été approuvée par référendum.

12 novembre 2016: le pouvoir autoritaire du président Sissi fait face aux mêmes difficultés que ses prédécesseurs. Des attentats dans le Sinaï, mais aussi au Caire, affaiblissent encore un peu plus le tourisme, une des principales ressources du pays, tandis que les difficultés économiques s'accumulent. Résultat: la monnaie égyptienne est dévaluée et le régime lance des réformes drastiques avec notamment une réduction des subventions aux produits de base en échange d'un prêt du FMI. Les prix s'envolent, des produits manquent et le risque politique augmente...

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