Cet article date de plus de huit ans.

Laurent Gbagbo devant la CPI : un procès qui ravive de vieilles blessures

Les Ivoiriens attendaient ce procès avec impatience. Ceux qui le peuvent ont même fait le voyage, à la Haye, pour suivre son déroulement. De nombreux partisans de Laurent Gbagbo vont camper devant la CPI pour dénoncer «un procès inique». Le camp Ouattara ne cache pas sa satisfaction. De nombreux Ivoiriens s’interrogent sur son «impact véritable dans la société ivoirienne».
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo au cours d'une séance de confirmation des charges à la CPI, le 19 février 2013. (Photo Reuters/Michael Kooren)

Depuis Abidjan, le Front populaire ivoirien (FPI), le parti créé par Laurent Gbagbo dans les années 80, a donné le ton. «Quelle vérité peut-on prétendre rechercher dans un procès relatif à un antagonisme entre deux camps, où on ne s’intéresse qu’aux membres d’un seul et même camp»?, s’interroge le FPI.
 
Dans un long communiqué remis à la presse, l’ancien parti au pouvoir dénonce «la nature politique, arbitraire et inique de ce procès qui n’aurait dû jamais avoir lieu».
 
La vérité sur tout ce qui s’est passé durant la crise
Pour ses partisans, Laurent Gbagbo ne devrait pas être jugé à la CPI. «Monsieur Gbagbo est innocent de tout ce qu’on lui reproche», assure Stéphane Billon, interrogé par l’AFP à Abidjan. Il espère que ce procès va enfin permettre «de lever un coin de voile pour qu’on sache la vérité sur tout ce qui s’est passé».
 
De nombreuses voix reprochent à la CPI comme à la justice ivoirienne de ne s’intéresser qu’aux partisans de l’ex-président sans enquêter sur des exactions commises par le camp Ouattara accusé de pratiquer «la justice des vainqueurs».
 
L’ancien chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, est accusé d’avoir fomenté une campagne de violences pour tenter de conserver le pouvoir. La crise postélectorale avait fait plus de 3000 morts entre novembre 2010 et avril 2011. Il doit répondre de quatre crimes contre l’humanité : meurtres, viols, actes inhumains et persécutions.
 
«J’ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises… C’est l’armée française qui a fait le travail», a martelé Laurent Gbagbo dès sa première comparution devant la CPI fin 2011. Pour lui, la France est derrière le complot qui a entraîné sa chute. Il a promis de faire éclater la vérité lors du procès.
 
Une famille ivoirienne victime des exactions des milices pro-Gbagbo à Yopougon suit à la télévision la retransmission de la première audience de Laurent Gbagbo devant la CPI, le 5 décembre 2011. (Photo AFP/Issoufou Sanogo)

Aucun camp ne doit «s'exonérer»
Qu’ils soient partisans du président déchu ou ceux de son adversaire Alassane Ouattara, tous attendent de connaître ce qui s’est réellement passé. «En jugeant Laurent Gbagbo seul, on comprendra en fait une partie mais pas l’ensemble de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire», estime Yacouba Doumbia du Mouvement ivoirien des Droits humains. Il rappelle «qu’il y a des enquêtes pour indexer aussi le camp de Monsieur Ouattara» pour qu’aucun camp ne puisse s’exonérer et que le procès ait «un impact véritable dans la société».
 
Si aucun accusé du camp d’Alassane Ouattara n’est présent dans le box des accusés, Laurent Gbagbo comparaît, lui, avec son ancien ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé. L’ancien chef des patriotes ivoiriens l’a rejoint au quartier pénitentiaire de la CPI en mars 2014. Il est accusé, comme son mentor, de crimes contre l’humanité.
 
«En matière de crimes contre l’humanité, les responsabilités sont individuelles. Monsieur Gbagbo est là-bas aujourd’hui, ceux qui doivent y être, y seront» le moment venu, rappelle Joël Nguessan, porte-parole du Rassemblement des Républicains, le parti de monsieur Ouattara. Interrogé par l’AFP, il espère que la vérité sera dite par la justice internationale.
 
Un procès pour «apaiser les cœurs des Ivoiriens»
«Enfin, ce jour est arrivé ! On va juger Gbagbo pour tout le mal qu’il nous a fait», s’exclame Maïmouna, une mère ivoirienne qui a perdu son fils dans le quartier populaire d’Abobo, théâtre de nombreuses exactions. «Je veux qu’il paie parce qu’il a gâché beaucoup de choses dans ma vie», renchérit son compatriote Kassoum Dramé, handicapé après avoir reçu neuf balles à l’abdomen et dans la main.
 
Le procès de Laurent Gbagbo qui commence à La Haye semble avoir ravivé les blessures des victimes qui souffrent en silence depuis cinq ans. C’est le cas d’Amélie Léa, une Ivoirienne de 31 ans. Elle a perdu ses deux frères dans l’ouest du pays sous contrôle des hommes d'Alassane Ouattara. 
 
«Il y a des victimes de Laurent Gbagbo et des victimes de l’autre camp, celui de Ouattara», dit-elle. Elle espère que la CPI rendra une justice impartiale qui réjouisse toutes les victimes. «Un jugement… pour que nos cœurs soient apaisés», conclut-elle.
 
 

 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.