Le Burkina Faso suspend la diffusion de TV5 Monde, dénonçant des "accusations infondées" contre l'armée

Après plusieurs décisions visant des médias étrangers, la chaîne de télévision TV5 Monde est à son tour sanctionnée pour avoir diffusé un rapport mettant en cause l'armée burkinabée.
Article rédigé par Nathanaël Charbonnier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Photos du président de transition du Burkina Faso, Ibrahim Traoré. (OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

C'est un rapport de l'ONG Human Rights Watch qui a déclenché les sanctions. Un rapport relayé par de nombreux médias internationaux et qui accuse l'armée burkinabée de tueries. Après la BBC et Voice of America, la diffusion de TV5 Monde est suspendue "jusqu'à nouvel ordre" au Burkina Faso. Les sites de la radio internationale allemande Deutsche Welle, des grands quotidiens français Ouest-France et Le Monde, du quotidien britannique The Guardian, le portail d'actualité africaine Apanews et le site de l'agence d'information économique AgenceEcoFin, basée en Suisse et au Cameroun, sont également interdits pour le moment.

Dans son rapport, l'ONG désigne directement l'armée burkinabée, qu'elle accuse d'avoir tué 223 villageois dont au moins 56 enfants dans deux villages, le 25 février. Les faits se seraient déroulés dans les villages de Nondin et de Soro qui se trouvent dans le nord du pays, dans le district de Thiou.

L'ONG demande une enquête indépendante

Des précisions importantes, car il s'agit d'un endroit perdu près de la frontière avec le Mali, où les populations sont malmenées entre, d'un côté, les djihadistes qui les menacent et, de l'autre côté, les militaires qui s'estiment trahis par ces mêmes populations et les accusent de coopérer avec l'ennemi. C'est ce jeu de ping-pong impossible qui entraîne des tueries que l'on peut mettre soit sur le compte des militaires, soit sur le compte des terroristes.

Dans le cas présent, tous les témoignages recueillis par Human Rigths Watch semblent montrer du doigt les autorités burkinabées. L'ONG explique avoir contacté 23 personnes dont 14 témoins de la tuerie, et demande l'ouverture d'une enquête approfondie sur ces massacres, menée avec l'Union africaine, mais aussi avec les Nations unies afin de garantir son indépendance et son impartialité.

Un nouveau raidissement des autorités

Depuis une semaine, tous les médias qui ont relayé ce rapport et qui sont diffusés dans le pays se voient interdits d'émettre. Cela a été le cas de la BBC, de Voice of America, puis de TV5 Monde et plusieurs sites d'information étrangers, et cela jusqu'à nouvel ordre. Cette décision dénote un nouveau raidissement des autorités burkinabées qui, depuis plus d'un an et demi, ne cessent de se fermer au reste du monde.

Vous savez le Burkina Faso est dirigé depuis 2022 par un régime militaire issu de deux coups d'État, l'un en janvier, l'autre en septembre. Le pays a suivi la voie du Mali voisin, avant d'être rejoint par le Niger. Depuis que la junte militaire a pris le pouvoir, elle se replie sur elle-même. Cela a abouti au départ de la France et de ses soldats, et à la censure des chaînes et sites d'information français, comme RFI, LCI, Le Monde ou encore Libération. Il n'y a d'ailleurs plus de liaison aérienne directe entre Paris et Ouagadougou.

Il s'avère que la junte au pouvoir enferme le pays dans la dictature. Aujourd'hui, il n'est plus possible d'appeler certaines personnes au Burkina pour réaliser des interviews, les gens ne veulent plus parler par peur des militaires, peur d'être arrêté, emprisonné, voire tué. Le pays s'enfonce véritablement. Et le bilan est redoutable : on parle de 20 000 morts et plus de deux millions de déplacés internes. Plus personne au Burkina Faso n'est épargné par cette violence, qui touche tous les habitants de près.

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