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"Somnyama Ngonyama − Salut à toi, lionne noire !", première monographie de l’artiste et "activiste visuelle" sud-africaine, Zanele Muholi

Article rédigé par franceinfo Afrique
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L’artiste et militante est engagée de longue date contre l’homophobie et la haine raciale.

Zanele Muholi, artiste et militante sud-africaine née en 1972, présente dans Somnyama Ngonyama − Salut à toi, lionne noire ! 96 autoportraits qui questionnent la représentation du corps noir, l’injustice et la place de la femme noire dans la société d’aujourd’hui. Cette monographie est accompagnée de 24 textes inédits de poètes, auteures et commissaires d’exposition placés en regard des images.

Un entretien avec Renée Massai, conservatrice en chef au musée Autograph ABP de Londres, centre d’art dédié à l’exploration de l’identité par le biais de la photo et du film, referme cet ouvrage.

Les huit photos de Zanele Muholi et textes présentés sont tous extraits de Somnyama Ngonyama − Salut à toi, lionne noire !, beau livre édité par delpire&co en 2021.

"Une fois couchées - Nous sommes - maîtresses de nous-mêmes, vulnérables - pelotonnées, - protectrices - semblables aux autres. - Une fois couchées - Nous sommes – Nues - malades, fatiguées - Malades et fatiguées d’être malades et fatiguées - et puis, lorsqu’on ne se recouche pas, renvoyées - Nous reposons nos yeux juste une minute - Dans l’attente qu’Olympia termine sa toilette avant de reprendre le travail - Sans t’inviter à nous enfourcher - Sans rejouer avec toi - Claquées. Une fois couchées - nous te regardons - nous nous cachons – nous - nous arrêtons - nous communions avec nos dieux - Sacrés. - Essayant juste d’avoir une minute à nous - Nous nous relevons - Retrouvons nos forces - Violentes, félines, redoutables - Nous complotons, projetons. - Nous sommes - Des odalisques séduisantes- nous voulons que - tu nous aimes - Bien sûr nous voulons que tu nous aimes, aies envie de nous – Désirables - Gardant le pouvoir - Majestueuses au repos - Privilégiées - Nous nous amusons – Nous - réécrivons notre histoire - Honorons nos ancêtres - Nous sommes aux commandes - Nous nous accrochons et guérissons - Libres." Carla Williams, écrivaine et rédactrice spécialisée dans la photographie.    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"Le premier portrait de la série, ‘Bester I’, fut pris en 2015 dans l’île de Mayotte, un département français de l’océan Indien, non loin de Madagascar. Imaginant ma mère jeune, j’ai entouré mes épaules d’un paillasson, j’ai appliqué de la pâte à dentifrice sur mes lèvres, j’ai accroché des pinces à linge dans mes cheveux et à mes oreilles." Zanele Muholi    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"L’autoportrait, intitulé ‘Bester V’, est en l’honneur de Bester Muholi (1936-2009), la mère de Zanele, une survivante, une victime des lois ségrégationnistes de l’apartheid qui l’ont séparée d’amants, de mères, de filles ou d’amis. Devenir la mère, se donner son nom, prendre sa place, clamer son existence, jouer, interpréter, créer un Moi à la fois elle-moi-vous-nous, à la fois spécifique et générique, un portrait et une allégorie, un hommage plein d’amour et une satire cinglante : c’est ce qu’explore la déclaration frontale et le regard pénétrant de Bester." Tamar Garb, professeure à la chaire Durning Lawrence pour l’histoire de l’art à l’University College London.    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"La photographie qui donne le titre à la série ‘Somnyama Ngonyama’ est celle d’une Muholi au teint d’un noir d’ébène, avec une magnifique crinière tout aussi noire. L’image me désarçonne un peu, une lionne n’a pas de crinière, si ? Une recherche m’apprend que c’est rarement le cas. Or nous en voyons une dans cette série. Il me suffit toutefois de réfléchir pour comprendre que la crinière est un attribut clé pour un lion, alors comment aurait-elle pu représenter une lionne si elle ne l’avait pourvue d’une crinière, sans laquelle elle nous aurait apparue faible. Et la faiblesse, ce n’est pas Muholi. Cette photographie audacieuse est une proclamation sans concession du pouvoir de la négritude, de même qu’on ne peut prononcer le nom Somnyama Ngonyama sans se prosterner et lever les bras, comme on le ferait devant le membre d’une famille royale." Jackie Mondi, écrivaine, poétesse et professeure.    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"Je ne me sens pas tenue, pour ceux qui ont appris la signification des objets ou qui la connaissent de montrer des menottes pour parler d’une condamnation. Ainsi, dans ‘Bhekezakhe’, j’utilise des serre-câbles. Actuellement, les agents de sécurité ou les policiers s’en servent comme substituts pour appréhender un criminel avec la même force de retenue que des menottes. La photo transforme un objet ordinaire fonctionnel et bricolé en une parure esthétique, alors que son sujet est la sécurité, la société, la brutalité – la détention." Zanele Muholi    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"’Ntozakhe’ s’inspire de la statue de la Liberté, évoque l’idée de liberté – la liberté que toutes les femmes devraient avoir – ainsi que la fierté : la fierté de qui nous sommes, nous les Noires avec notre corps de femme. De quel genre de liberté parlons-nous ? De quelle couleur la statue de la Liberté est-elle ? De quelle race est ce monument en l’honneur de Lady Liberty ? Je pensais à des Noires, militantes des droits civiques et humains criminalisées, et aux innombrables femmes prisonnières dans leur vie, qui ne sont libres ni dans leur condition domestique ni dans la société – celles de couleur notamment." Zanele Muholi    (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"Le repositionnement de langages visuels par rapport aux artefacts culturels semble judicieux non seulement si nous pensons au marché africain sur le continent ou ailleurs dans la diaspora, mais aussi à celui du marché de l’art contemporain. Voilà qui entraîne un autre questionnement sur ‘Somnyama’, intimement lié à l’ironie inhérente à votre façon de jouer avec les provocations ethno-vestimentaires de la série : la réunion d’accessoires comme le raton laveur H&M, le porte-clés en fausse queue de chien ou de renard dans ‘Senzekile II’, les stylos et baguettes dans ‘Nolwazi II’. Autant de portraits qui dialoguent ouvertement avec l’imagerie ethnographique du XIXe siècle, où vous employez des tenues vestimentaires issues de la photographie anthropologique rappelant par exemple les photos du début du XIXe siècle de Duggan Cronin (1874-1954), photographe sud-africain d’origine irlandaise." Renée Mussai, conservatrice en chef au musée Autograph ABP à Londres.      (ZANELE MUHOLI, COURTESY OF STEVENSON GALLERY, CAPE TOWN/JOHANNESBURG, AND YANCEY RICHARDSON GALLERY, NEW YORK)
"Je suis allée au Japon pour la première fois en avril 2017. Après avoir vu beaucoup de femmes en kimono, je me suis interrogée sur l’aspect que pourrait avoir une Afro-Japonaise. J’ai appris que les gens louent des kimonos qu’ils portent pour se faire prendre en photo. Qu’est-ce que ça signifierait pour moi si j’en louais un, me suis-je demandé. Y a-t-il des documents historiques susceptibles d’être récupérés par un Afro-Japonais grandissant à Kyoto entre, disons, 1960 et 1990. Comment ses parents étaient-ils arrivés au Japon ? S’ils y étaient nés avec la double identité de Japonais et de Noir, ont-ils la même façon de considérer le kimono ?" Zanele Muholi    (ZANELE MUHOLI, COMMISSIONED BY AND COURTESY OF AUTOGRAPH ABP, LONDON)
Couverture du livre "Somnyama Ngonyama − Salut à toi, Lionne noire !" (EDITIONS DELPIRE&CO)

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