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Afrique du Sud : nouvelles violences contre des étrangers

Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a condamné le 1er avril 2019 les violences xénophobes qui ont fait trois morts courant mars dans le pays. Les assaillants accusaient les victimes de "voler" le travail à des Sud-Africains, et de "profiter indûment" du système social et éducatif.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Heurts entre la police et des habitants d'un township près de Johannesburg, le 19 mai 2008, lors de violences xénophobes dans la plus grande ville d'Afrique du Sud. (STRINGER / AFP)

"Les récentes violences au KwaZulu-Natal (province du nord-est) contre les Malawites (ressortissants du Malawi, pays d’Afrique australe, NDLR) et d'autres ressortissants sont particulièrement regrettables", a déclaré le chef de l'Etat dans un communiqué. "Il n'y a aucune justification pour ces actes criminels. Si des communautés sont mécontentes, leurs doléances doivent être transmises au gouvernement et cela doit se faire dans le cadre de la loi", a insisté Cyril Ramaphosa.

Trois personnes ont été tuées au cours de ces violences à caractère xénophobe. Un groupe d’une centaine de personnes a pillé et incendié des petites boutiques, a rapporté la BBC. L’un des propriétaires, un étranger, a tiré sur le groupe, tuant deux personnes, selon la police. Une troisième victime, une femme, s'est tuée en tombant d'un toit alors qu’elle était poursuivie par des assaillants. Dans le même temps, "une cinquantaine de personnes ont cherché refuge dans un poste de police, après avoir été expulsés pendant la nuit par un groupe de chômeurs sud-africains", rapporte le site de la radio-télévision publique britannique. D’autres se sont réfugiées dans une mosquée.

L’Afrique du Sud a besoin "de la circulation croissante des personnes"

Pour Cyril Ramaphosa, les ressortissants étrangers vivant en Afrique du Sud "contribuent largement au développement" du pays. "Le développement de l'Afrique dépend de la circulation croissante des personnes, des biens et des services entre les différents pays (...). Nous ne permettrons pas à des criminels de retarder ce processus", a-t-il affirmé.

La ministre des Affaires étrangères Lindiwe Sisulu, son collègue de la Police Bheki Cele et des diplomates de plusieurs pays africains se sont réunis le 1er avril en urgence à Pretoria pour discuter de la crise. Lindiwe Sisulu a assuré faire tout son "possible pour que tout le monde soit en sécurité". "Si vous me demandez s'il s'agit de xénophobie ou de criminalité, ce sont les deux", a ajouté son adjoint, Luwellyn Landers. Ce dernier a précisé qu'environ 300 Malawites avaient été déplacés par les violences.

Des Sud-Africains manifestent contre des attaques xénophobes à Johannesburg le 23 avril 2015. Sur l'affiche tenue par la jeune femme au centre, on peut lire : "Nous nous opposons à la xénophobie." (JEROME DELAY/AP/SIPA / AP)

L'Afrique du Sud est régulièrement le théâtre de violences xénophobes, nourries par le fort taux de chômage et la pauvreté. "Certains se plaignent que des étrangers puissent travailler (dans le pays) alors que le taux de chômage y est très élevé, atteignant 27%" fin 2018, rapporte la BBC. Les mêmes pensent que ces personnes profitent "indûment du système social et éducatif sud-africain".

"L’Afrique du Sud est le pays le plus industrialisé du continent africain, ce qui y attire chaque année des milliers d’étrangers qui cherchent à fuir la pauvreté, les crises économiques, la guerre et les persécutions politiques", explique le site South African History On Line (Histoire sud-africaine en ligne). La majorité d’entre eux venant de pays africains comme le Zimbabwe, le Malawi, la RDC, la Somalie ou l’Ethiopie. D’autres peuvent aussi venir du Pakistan et du Bangladesh. Le nombre exact de ces migrants sans papiers n’est pas connu.

Des violences xénophobes fréquentes

"Dans l’Afrique du Sud post-apartheid, les attitudes xénophobes ont imprégné la société, alimentant d’innombrables attaques contre des citoyens non sud-africains. Résultat : des milliers de ressortissants étrangers ou de personnes considérées comme des ‘marginaux’ ont été harcelés, attaqués ou tués", rapporte le site sud-africain saferspaces.org.za.

En 2015, sept personnes avaient été tuées lors de pillages visant des commerces tenus par des étrangers à Johannesburg (nord-est) et à Durban (est). En 2009, 3000 Zimbabwéens avaient dû être évacués des lieux où ils vivaient en raison de menaces proférées contre leur communauté.

L’année précédente, des émeutes xénophobes avaient fait 62 morts dans le pays. Dans le même temps, "des dizaines de personnes avaient été violées, presque 700 blessées et plus d’un millier d’autres avaient dû quitter leur logement. La plupart des victimes étaient des ressortissants de pays comme le Mozambique, la Somalie et le Zimbabwe. Cependant, un tiers d’entre elles étaient des Sud-Africains, visés parce qu’ils avaient refusé de participer aux manifestations violentes ou parce qu’ils étaient mariés à des étrangers", poursuit saferspaces.org.za.

Les violences de fin mars 2019 interviennent à un mois et demi des élections législatives. Selon les derniers sondages, le Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin du régime de l'apartheid en 1994, est assuré de l'emporter.

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