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Bruno, miraculé du 11-Septembre : "Une date à jamais marquée dans ma mémoire"

Rencontre avec Bruno Dellinger, directeur d'une société installée à l'époque des attentats à New York au 47e étage de la tour numéro un du World Trade Center. Quinze ans après, il se souvient avec précision de ce terrible mardi. 

Article rédigé par Mathilde Lemaire, Cécile Mimaut
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Bruno Dellinger chez lui, près de Paris, en septembre 2016. Le 11 septembre 2001, il y a quinze ans, ce chef d'entreprise dont les bureaux étaient installés au 47e étage de la tour n°1 du World Trade Center commençait sa journée de travail avec ses trois employés quand le Boeing d'American Airlines est venu s'écraser sur la façade de la tour. (MATHILDE LEMAIRE / RADIO FRANCE)

Bruno Dellinger est Français. Directeur d'une société installée à l'époque des attentats au 47e étage de la tour numéro un du World Trade Center, il fait partie des miraculés du 11-Septembre 2001.

Quinze ans après, Bruno Dellinger se dit reconstruit et serein d'après ses propres mots, mais il se souvient avec précision de ce terrible mardi. Mathilde Lemaire est retournée le voir chez lui, en région parisienne.

Mathilde Lemaire - Franceinfo : Quinze ans après, quels souvenirs gardez-vous de ce mardi 11 septembre 2001 ? 

Bruno Dellinger : C’est une date à jamais marquée dans ma mémoire. La taille de l’évènement est telle et tout se passe dans un temps tellement raccourci. On n’a pas le temps sur le moment d’analyser, on reçoit tout comme un choc, les images les unes après les autres. 

C’est le bruit des réacteurs et l’avion qui fonce sur la façade, mes employés qui sont paniqués. Ensuite, une fois la descente achevée, qui est longue, c’est d’arriver dans la rue, de voir la tour en feu et de prendre conscience que c’est très grave, ce que je n’avais toujours pas réalisé.

On ne peut plus respirer, il fait plus noir qu’une nuit, silence total. J’ai cru que j’étais mort, tout simplement

Bruno Dellinger

Franceinfo:

Et puis c’est l’effondrement de la tour numéro deux. J’étais juste en bas. C’est un bruit qui dépasse l’entendement. L’arrivée de ce monstre d’acier et de poussière, de verre, de débris de toutes sortes qui me foncent dessus en l’espace de quelques secondes. On ne peut plus respirer, il fait plus noir qu’une nuit, silence total. J’ai cru que j’étais mort, tout simplement.

Comment avez-vous vécu les jours et les mois qui ont suivi ?

Pendant des semaines je me promenais dans la rue, je voyais des signaux de vie, un beau soleil, un taxi, une jolie fille. J’avais le message de vie qui rentrait par les yeux mais du fond des tripes me sortait le message inverse me disant "mais ce n’est pas possible puisque tu es mort". Là vraiment ça a été difficile à gérer parce que j’avais un fusible qui explosait dans la tête à chaque instant. Donc tout ça, c’est depuis longtemps oublié.

Comment vivez-vous le fait que la France connaisse depuis un an et demi cette violence aveugle du terrorisme ?

J’ai beaucoup d’empathie pour tous les gens qui vivent ces moments extrêmement douloureux. Chaque fois je suis bouleversé pour ces gens-là. Parce que je me souviens ce que ça a été pour moi. C’est terrible pour ces victimes d’attentats. Et c’est d’autant plus terrible que pour la plupart d’entre elles, elles sont considérées comme chanceuses.

Si on se pose la question de savoir si on a avancé sur ces sujets-ci depuis le 11 septembre, je crois qu’on peut facilement répondre qu’on a continué à reculer

Bruno Dellinger

Franceinfo:

Moi j’en ai fait l’expérience. J’étais dévasté à l’époque et on me disait : "Tu as de la chance de t’en être sorti". Je peux vous assurer que je ne voyais pas du tout les choses de cette manière. 

Ce traumatisme est-il derrière vous aujourd’hui ?

Ça va vous sembler étrange mais j’ai réussi à positiver autour de cette histoire. D’abord par l’exaltation, d’une certaine manière, de toutes les valeurs qui m’ont permis de passer à travers ces journées horribles, que ce soit le courage, la générosité des gens qui m’ont entouré, une volonté farouche de vivre et puis le vrai désir d’être à la hauteur. 

J’ai aussi une réaction de citoyen qui est celle de l’exaspération maintenant. Parce que si on se pose la question de savoir si on a avancé sur ces sujets-ci depuis le 11 septembre, je crois qu’on peut facilement répondre qu’on a continué à reculer. 

Vous faites un lien entre cet attentat du 11 septembre et les violences terroristes qui se poursuivent aujourd’hui ?

Il y a les moyens qu’on utilise pour lutter contre ces horreurs mais il y a aussi des questions plus fondamentales à se poser. Et je pense que nos sociétés sont vides de sens. Et qu’à partir de ce vide de sens, les gens peuvent être facilement manipulés.

Comment remettre du sens dans nos sociétés? Je pense que c’est vraiment une question à se poser

Bruno Dellinger

Franceinfo:

Ce que j’ai vécu moi m’a donné la conviction que si on croit en la civilisation, il est essentiel de porter ce message à titre individuel, c’est-à-dire de se conduire de manière exemplaire. On ne va pas changer le monde, sauf à ce que individuellement, les gens se comportent différemment.

Ecoutez l'intégralité de l'interview de Bruno Dellinger, Français rescapé des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Au micro de Mathilde Lemaire.

Dès 2002, Bruno Dellinger avait publié "World Trade Center, 47ème étage", aux Editions Robert Laffont.

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