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Vidéo "Il faut se bouger vite" : victimes du réchauffement climatique, ils ont porté plainte contre l'Europe

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Durée de la vidéo : 3 min
Temoignage Cop24
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Article rédigé par Valentine Pasquesoone
France Télévisions

Dix familles, principalement européennes, ont porté plainte en mai 2018 contre les institutions européennes pour "inaction climatique". Franceinfo a interrogé ces agriculteurs, hôteliers et gardes forestiers, dont l'action en justice marque une première. 

"Nous voyons des discours, mais où sont les actes ?" Alfredo Sendim, agriculteur depuis près de trente ans à Montemor-o-Novo (Portugal), ne cache plus sa colère. Depuis plusieurs années, sa coopérative agricole fait face à des périodes de sécheresse plus fréquentes, et bien plus intenses. Les pluies se font plus rares, les températures peuvent désormais atteindre 49°C au mois d'août et les arbres récemment plantés ne résistent plus.

En s'appuyant sur son exemple personnel, l'éleveur et cultivateur de 52 ans dénonce les ravages du réchauffement climatique, objet de la COP24, qui s'ouvre dimanche 2 décembre en Pologne. Et face au manque de réponse politique, Alfredo Sendim a décidé d'agir. Avec neuf autres familles, originaires du Portugal, de la Suède, de Roumanie ou du Kenya, l'agriculteur a porté plainte, jeudi 24 mai, contre le conseil et le parlement européens pour "inaction climatique". Leur projet, le People's Climate Case, est une première à l'échelle de l'Europe et leur plainte a été jugée recevable en août par la Cour de justice de l'Union européenne, relève Le Monde.

"J'ai perdu toutes mes terres"

Tous s'estiment directement victimes du réchauffement climatique. La famille de Maurice Feschet, 72 ans, cultive de la lavande dans la Drôme depuis cinq générations. Mais, pour la première fois, le fils de Maurice Feschet, Renaud, a dû développer une nouvelle activité – l'élevage de poules en plein air – pour subvenir à ses besoins. Du fait de conditions climatiques plus difficiles, leurs revenus liés à la lavande ont baissé de plus de moitié depuis 2010. 

En 2010, on faisait 50 tonnes de fleurs de lavandin. A l'heure actuelle, on a beaucoup de mal à faire 20 tonnes. Il fait chaud à 30°C en mai, et arrivé en juillet, on n'a plus d'eau pour arroser.

Maurice Feschet, cultivateur de lavande à la retraite

à franceinfo

Giorgio Elter, cultivateur à 1 800 m d'altitude dans les Alpes italiennes, dit avoir perdu "l'intégralité" de sa production de fraises et de framboises. En cause ? La fonte rapide des glaces dans les Alpes depuis maintenant dix ans. "Pour nous, c'est la vie, c'est la réserve de l'eau douce, pour l'activité humaine et l'agriculture, s'inquiète Giorgio Elter. On pourrait les perdre complètement au cours des 50 prochaines années." Les rennes élevés en Suède par Martina Fgällberg peinent désormais à se nourrir, en raison d'hivers plus chauds. "Ils n'ont plus accès au lichen de la terre, et doivent manger celui des arbres à la place, regrette-t-elle. Mais il n'y en a pas assez pour tous."

Armando Carvalho, garde forestier portugais, a "perdu toutes [ses] terres" en octobre 2017, brûlées par un incendie. A plus de 2 000 km de là, les terres de Maike et Michael Recktenwald, installés sur l'île allemande de Langeoog, en mer du Nord, sont elles aussi menacées. "La marée est plus haute, et l’eau s’approche des dunes, constate Michael Recktenwald. Quand elle passera à travers, nous n’aurons plus d’eau potable sur notre île."

"L'Europe peut faire beaucoup plus"

Gérants d'un hôtel écologique, ils sont parmi les premiers à avoir rejoint le projet du People's Climate Case. Témoins de l'érosion des dunes de Langeoog, ils pourraient être contraints de quitter l'île d'ici vingt à trente ans. Ils en sont convaincus : l'Europe doit faire plus, et plus vite, pour garantir leur protection et celle de l'ensemble des Européens face aux dangers des dérèglements climatiques. "Elle doit prendre soin de la santé des gens, et s’assurer qu’ils peuvent vivre où ils le souhaitent", insiste Michael Recktenwald. 

À l'heure actuelle, l'UE s'est engagée à réduire d'au moins 40% ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, par rapport au niveau d'émissions de 1990. Pour les plaignants, un tel objectif porte atteinte à leur droit fondamental à la vie, à la santé, à l'activité et à la propriété, rappelle Le Monde"Ce niveau est sans ambition et ne protégera pas mes clients, défend Roda Verheyen, l'une des avocates du People's Climate Case. Nous demandons au moins 50 à 60% de réduction des émissions d'ici à 2030." 

Pour moi, le réchauffement climatique porte déjà atteinte aux droits de l'homme. Si cela est reconnu, tout acte, toute loi européenne proposant un niveau de protection climatique trop bas, pourra être examiné par la justice européenne.

Roda Verheyen, avocate du People's Climate Case

à franceinfo

Les plaignants espèrent qu'avec leur action, les institutions européennes n'auront d'autre choix que d'agir vite. "Un 0,5°C en plus peut faire la différence entre un lieu vert et un endroit désertique", assure avec conviction Alfredo Sendim. Si rien ne change, "dans dix ans, notre terrain pourra se transformer en désert, sans rien", alerte-t-il. "Je pense que le réchauffement climatique va toucher la planète entière, abonde Maurice Feschet. Et c’est pour cela qu’il faut se bouger vite."

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