Logiciels, applications : ces outils qui collectent vos données personnelles au profit des candidats en campagne
Saviez-vous que nous étions fichés, ou tout du moins ciblés, par les candidats en campagne électorale ? De nombreux logiciels ou applications recensent aujourd’hui nos données personnelles pour étudier nos comportements et nous démarcher. Enquête de Matthieu Mondoloni.
Ils sont quatre à sillonner les rues du 14e arrondissement de Paris pour un traditionnel porte-à-porte. Quand ils frappent à la porte de Jeanne pour lui demander si elle compte "voter à la primaire", elle s’exclame avec surprise : "Bien sûr... Mais pourquoi moi ? C’est bizarre. Comment vous vous trouvez là ?"
Si cette équipe de campagne de Nicolas Sarkozy est là, c’est grâce à une application qu'elle a elle-même créée. Elle s'intitule Knockin. "C’est une carte sur laquelle apparaissent des gens sélectionnés, explique son créateur, Paul Hatte, en montrant sur son smartphone de petits points rouges répartis sur une carte. Ça nous géolocalise au milieu des contacts à rencontrer. Là ce sont des personnes qui se sont inscrites sur sarkozy.fr".
Des "logiciels de stratégie électorale"
Pétitions, sondages en ligne... Si vous avez un jour répondu à la sollicitation d'un parti politique, votre nom et votre adresse se trouvent peut-être sur une application du même genre... Et pas seulement ! En plus de géolocaliser les sympathisants de Nicolas Sarkozy, l’application Knockin permet de recenser leurs centres d'intérêts.
Ces outils de campagne s'appellent des "logiciels de stratégie électorale". Les partis politiques et les élus sont parfois prêts à débourser plusieurs milliers d’euros par mois pour les utiliser.
La tendance profite à DigitaleBox. Cette start-up française agrège toutes les informations disponibles librement sur internet, et notamment sur les réseaux sociaux, au profit de certains partis politiques ou candidats. "À chaque fois que vous commentez ou likez un post Facebook (d'un candidat), à chaque fois que vous avez un nouveau follower sur Twitter, à chaque fois que vous répondez à un formulaire contact sur le site, la donnée arrive directement dans la base", explique Vincent Moncenis, l’un des cofondateurs de DigitaleBox.
Les partis politiques bénéficient d'une dérogation à la loi informatique et libertés
"Le but est de créer différents segments qui permettent à l’élu de bien orienter ses communications. Emails, réseaux sociaux, SMS… Il n’a plus qu’à adresser le bon message à la bonne personne via le bon canal", conclut Vincent Moncenis.
La pratique est bien légale. Car si la loi informatique et libertés interdit le traitement de ces données personnelles, il existe des dérogations applicables aux partis politiques et à toutes les associations qui traitent de politique.
"Mais la question n’est pas de savoir si c’est dans les clous ou pas. La question c’est de savoir si la population veut ça", souligne Adrienne Charmet de l'association la Quadrature du Net. Se dirige-t-on vers un modèle américain, bien plus permissif en la matière ? C'est ce que craignent les associations de défense des droits et des libertés. Préférences sexuelles, races, salaires, goûts vestimentaires... Aux États-Unis, tout est enregistré, stocké, étudié pour prédire les intentions de vote des citoyens.
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