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UMP : un pour tous ou chacun pour soi ?

Divisions idéologiques, combats de chefs… La majorité, d'habitude plutôt disciplinée, semble au bord de l'implosion. Stratégie électorale ou débordement ?

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Goodies portant le slogan de l'UMP "Ensemble, tout devient possible" lors du campus d'été de la majorité début septembre à Marseille.  (Bastien HUGUES/ FTVi)

Sept familles. L'UMP a désormais assez de courants pour faire un jeu de cartes. Mais pas de quoi se divertir.

Le diagnostic de Bernard Debré, urologue et député de la majorité à Paris, sur le parti est sans appel : "Poussée de fièvre et dépression nerveuse". Hervé Novelli, secrétaire général adjoint du parti, se veut, lui, plus positif : "Le moral ira de mieux en mieux au fur et à mesure qu'on se rassemble". Et justement, le rassemblement est loin d’être gagné.

A chacun son atout

A l’époque de sa création par Jacques Chirac en 2002, l’Union pour la majorité présidentielle avait pour mot d’ordre "écouter les citoyens, agir avec eux et pour eux". Mais il semblerait que les élus de l’Union pour un mouvement populaire d’aujourd’hui n’entendent pas tous les mêmes citoyens… A chaque coup dur, chacun prétend connaître la catégorie d'électeurs à séduire.

Le dernier en date, le basculement à gauche du Sénat le 25 septembre, n’a pas fait exception. Dès le lendemain de l’élection, le "collectif" Droite populaire, créé après les régionales de 2010, annonce son ouverture aux citoyens. Presque un mini-parti au sein du parti. 

Dans Le Monde, son cofondateur, le ministre des Transports Thierry Mariani annonce la couleur : "gagner la bataille des idées." Traduction : peser de tout son poids, soit une quarantaine de députés "sans états d’âme" et surmotivés, sur le programme de l’UMP en 2012.

"Rallumer la flamme de 2007"

Et c’est là que ça se corse. D’un côté, la Droite populaire met la barre à droite toute. Et sans complexe : "apéro saucisson vin-rouge", pétition contre le droit de vote des étrangers et inteview assumée à l’hebdomadaire d’extrême-droite Minute. Dans sa charte, elle met l’accent sur le patriotisme et la nation. Des valeurs "de la droite qu’il ne faut pas laisser aux extrêmes", martèle le député du Nord Christian Vanneste, autre pilier du collectif.

Pour lui, il s’agit de "rallumer la flamme de 2007", et retrouver l’esprit de la campagne de Nicolas Sarkozy. Sur la sécurité notamment, pas question de laisser le Front national retrouver ses plates-bandes. "Nous exprimons une sensibilité distincte, non diluée dans le centrisme mou", assène le député.

La bataille des idées

En face, la Droite sociale, fondée, elle aussi après la débâcle des régionales de 2010, par Laurent Wauquiez. Elle assume la défense des "classes moyennes" et fait de "l’assistanat" sa bête noire.

C'est aussi le créneau des Humanistes, entrés dans la partie mercredi 12 octobre 2011. "On avait l'impression que l'UMP fonctionnait sur une jambe", explique Marc Laffineur, secrétaire d'Etat à la Défense et cofondateur du mouvement avec Jean Leonetti, chargé lui des Affaires européennes.

En tout, 109 parlementaires ont rejoint les Humanistes. Dont l’ancien ministre des Sports Jean-François Lamour, un peu entre deux chaises : "Ce rassemblement ne s'oppose à la Droite populaire en aucune façon, mais ce que nous craignons c'est que cette voix là soit la seule qui s'exprime avec force."*

Et de louvoyer : "Avec leurs mots, parfois abruptes, ils expriment une vision de la droite française qui plaît à certains Français. Nous estimons nous qu'on doit pouvoir défendre une autre vision, différente, plus sociale."  En fait, les Humanistes cherchent à faire exister la droite modérée sans oublier de lorgner vers le centre. 

Egalement autour de la table, la Droite rurale, post-défaite aux régionales ou encore les libéraux qui, derrière Hervé Novelli, ne comptent pas non plus faire de la figuration.

"On n'a pas été habitués"

Et c’est sans compter les clubs et autre think tanks. Autant d’écuries qui peuvent subitement prendre de l’ampleur, comme Dialogue et Initiative de Jean-Pierre Raffarin, Génération France de Jean-François Copé, le Labo des idées de Valérie Pécresse ou encore France.9 de François Fillon.

"Il y a une vraie fébrilité, des différences qui se font jour, des stratégies de sous-groupes et on n’a pas été habitués", reconnaît Florence Haegel, politologue et chercheuse à Sciences Po.

Mais pour le moment, la majorité préfère fermer les yeux. "Il y a zé-ro problème", balaie Christian Jacob, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui en fait même un avantage : "Ça anime le groupe et c’est très bien !"

Ça ne coûte rien, justifie Jean-François Lamour, pour qui le mot division semble tabou : "Au final, comme en 2007, c’est Nicolas Sarkozy qui fera le programme, tranchera, arbitrera, alors autant donner de la voix !"

"Il est temps d’établir une règle du jeu"

Et c’est effectivement l’excuse invoquée par les courants. Selon le Parisien, Patrick Buisson, conseiller politique de Nicolas Sarkozy serait même à l’origine de cette multiplication des chapelles à l’UMP. Objectif : "Ratisser large". Mais ça n’est pas du goût de tout le monde.

"Là, ça part dans tous les sens, il va vraiment falloir que, comme en 2007, il y ait une commission du programme qui coordonne les propositions", s’énerve un membre du gouvernement. Ministre qui rappelle les bases : "Le rôle du parti majoritaire, c'est d'alimenter le projet du président, et pas l'inverse !"

"Il est temps d’établir une règle du jeu", plaide même en écho Patrick Devedjian, pourtant favorable à l’émergence de courants à l’UMP.

Pour la spécialiste de la droite partisane Florence Haegel, le plus marquant n’est pas tant la multiplication des courants que l’endroit où ils se multiplient : l’Assemblée, c’est-à-dire "hors du parti, qui prévoyait une organisation par courants dans ses statuts, pour mieux les contrôler".

"Le vrai risque", estime-t-elle, "c’est justement le manque de cohérence d’un programme qui essaierait de donner des garanties à tout le monde." Mais selon la politologue, le parti ne risque pas encore l’implosion : "Pour le moment, il y a des intérêts très forts qui maintiennent l’unité comme la contrainte électorale, les investitures…" 

Attention aux genoux !

C’est justement l’autre reproche qui pèse contre les chefs de courant : l'individualisme et les stratégies à plusieurs bandes pour 2017, voire 2022. Surtout en cas de défaite de la droite en 2012.

Et effectivement, de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand, les potentiels candidats (lien payant) dans cinq ans sont bien en vue dans les courants, qui se transforment alors en bonne excuse pour compter ses atouts. Les coups de griffes sans merci ont même déjà commencé pour les législatives à Paris, si l'on ne doit citer qu’un exemple !

"A essayer de sauter deux haies à la fois, on risque de s’exploser les genoux", avertit Nadine Morano, ministre chargée de la Formation professionnelle. Et le patron de l’UMP, Jean-François Copé, pourtant lui-même pas avare en piques contre son propre camp, de conclure : "Il y a des moments où il n'y a plus de place pour les querelles de personnes, et un de ces moments non négociables, c'est l'élection présidentielle." 

Six mois pour se réconcilier. Le compte à rebours est lancé.

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