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Les soupçons qui secouent la fédération PS du Pas-de-Calais

Financement occulte, emplois fictifs... FTVi vous aide à comprendre l'affaire de corruption présumée qui sème la pagaille dans la fédération socialiste du Pas-de-Calais.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le député-maire de Liévin (Pas-de-Calais) répond aux questions d'un journaliste, le 9 décembre 2011 à Liévin. (PHILIPPE HUGUEN / AFP PHOTO)

C'est un système complexe, fait d'amitiés et d'inimitiés, d'élus et d'entrepreneurs, de conflits d'intérêts, d'échanges de bons procédés et de menaces. Le fonctionnement de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, et avec lui les méthodes de plusieurs de ses responsables, est peu à peu en train de voler en éclats.

Les révélations du Point et des Inrocks, publiées mercredi 7 décembre, ont levé une partie du voile, obligeant notamment Martine Aubry à demander, le lendemain, une commission d'enquête interne.

FTVi vous aide à mieux comprendre cette affaire de corruption présumée, et en quoi elle peut être embarrassante pour la direction nationale du PS.

1. Ancien maire d'Hénin-Beaumont et mis en examen en 2009, Gérard Dalongeville, balance ses anciens amis

Il n'a pas voulu plonger seul. Elu maire d'Hénin-Beaumont en 2001 et réélu en 2008, Gérard Dalongeville est poursuivi depuis avril 2009 pour détournement de fonds publics, faux en écriture et favoritisme dans une affaire de fausses factures. Niant d'abord tous les faits reprochés, il finit par parler en décembre 2010.

Dans une lettre adressée à la justice, il reconnaît que des entreprises de la région étaient escroquées par sa mairie, au bénéfice de la fédération socialiste du Pas-de-Calais. Mais il révèle aussi que ce détournement d'argent public n'est pas le seul fait de sa mairie : il balance deux noms, celui du député-maire de Liévin, Jean-Pierre Kucheida, et celui de Daniel Boczkowski, figure de la fédération socialiste du Pas-de-Calais et cadre dans une filiale de Veolia environnement.

2. Le député Kucheida, accusé de dilapider l'argent public...

Pour Gérard Dalongeville, le député Kucheida, élu depuis 1981, est l'homme-clé du système. En juillet puis en novembre 2011, la chambre régionale des comptes (CRC) a épinglé la gestion de la Soginorpa, un bailleur social que préside Jean-Pierre Kucheida. Appels d'offres douteux, cessions de terrains opaques, possibles abus de biens sociaux, dissimulations d'informations... Des pratiques illicites qui engendreraient, selon la CRC, des pertes d'argent public d'au moins 173 millions d'euros, comme le rapportait mi-novembre Le Figaro

3. ...de favoriser ses proches...

Interrogé par Les Inrocks, un syndicaliste CFDT de la Soginorpa décrit la société comme "une vache à lait qui sert dans tous les domaines. Il y a l'embauche de sympathisants politiques payés à des tarifs astronomiques (...). Il y a des emplois fictifs (...). Des salariés qu'on ne trouve jamais..."

Des allégations corroborées par Gérard Dalongeville, qui accuse également Kucheida de détourner de l'argent public à travers une autre société mixte, Adévia, dont le député-maire de Liévin est cette fois vice-président. 

4 ...et de se servir de sa carte professionnelle pour payer des frais personnels

Ce n'est pas tout. Selon Le Point, Jean-Pierre Kucheida a utilisé à plusieurs reprises la carte bleue de la Soginorpa pour payer des frais personnels (restaurants, parkings, voyages...).

Sa défense semble pour le moins hasardeuse. Dans Le Figaro, Kucheida reconnaît "une certaine légèreté" de sa part, évoquant des problèmes techniques avec sa carte bancaire personnelle. Mais auprès de nos collègues de France 3, il indique qu'il a utilisé la carte bleue de la Soginorpa parce que "sur le moment", il n'avait pas sa carte personnelle sur lui. Dans les deux cas, il assure avoir remboursé ces sommes. Et "si j'ai oublié quelque chose [à rembourser] au passage - ce n'est pas impossible -, je vous garantis que ce sera forcément à la marge", précise-t-il dans La Voix du Nord...

5. Des pressions entre élus PS et entrepreneurs pour financer la fédération

Le socialiste Daniel Boczkowski est un autre protagoniste, dans un autre tiroir du même meuble. Proche de Kucheida, "Boczko" est cadre chez Dalkia, une filiale de Veolia environnement spécialisée dans le chauffage urbain.

Selon Gérard Dalongeville, Boczkowski interviendrait sur "l'investiture des candidats PS". Les Inrocks expliquent que ceux-ci seraient "contraints, une fois élus, de renvoyer l'ascenseur par le biais de contrats avec l'entreprise Dalkia. L'argent récupéré sur ces contrats servirait au financement de la fédé".

Vendredi 9 décembre, Le Parisien révèle qu'une enquête préliminaire a été ouverte au printemps dernier à Lille pour "financement occulte de parti". Des accusations fermement démenties par la secrétaire générale et le trésorier de la fédération socialiste du Pas-de-Calais, deux proches de Jean-Pierre Kucheida.

6. Quelles conséquences pour Martine Aubry et François Hollande ?

Outre le volet judiciaire de l'affaire se pose désormais la question du volet politique. Selon plusieurs témoins, la patronne du PS, Martine Aubry, comme le candidat à la présidentielle, François Hollande, étaient au courant de ces dysfonctionnements.

Le député-maire de Liévin, Jean-Pierre Kucheida, au côté de François Hollande, le 29 janvier 2004 à Liévin. (SYLVAIN LEFEVRE / SIPA)
Selon "un éléphant du parti" cité par Les Inrocks, la maire de Lille avait passé un pacte avec Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais et ancien patron de la fédération PS du Pas-de-Calais. "Le deal était le suivant : je te laisse maître chez toi en échange de ton appui pour conquérir la tête du PS." Or si Martine Aubry l'a emporté sur Ségolène Royal en 2008 (de 102 voix d'avance), c'est notamment avec l'appui de la fédération du Pas-de-Calais, la plus importante de France en nombre de militants. 

Quant à François Hollande, il avait reçu le soutien de Jean-Pierre Kucheida durant la primaire socialiste. Le député de Corrèze lui avait d'ailleurs rendu visite à Liévin, en septembre dernier. Un soutien qui pourrait se révéler embarrassant si la justice décidait, dans les semaines prochaines, de poursuivre Jean-Pierre Kucheida. 

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