Les déclarations du chef de l'Etat en réaction aux propos de Dominique de Villepin "sonnent comme un aveu"
C'est ce qu'estime Magali Drouet, la fille d'une victime de l'attentat commis à Karachi en 2002, dans un entretien publié dimanche par Le Parisien/Aujourd'hui.
Samedi à Lisbonne, Nicolas Sarkozy a promis que l'Etat communiquerait "naturellement" tous les documents sur ce dossier, en réaction aux déclarations de Dominique de Villepin vendredi soir.
L'ancien Premier ministre a indiqué dans le 20H de TF1 qu'il souhaitait être entendu dès la semaine prochaine comme témoin dans l'enquête du juge Renaud van Ruymbeke. Il a fait état de "très forts soupçons" de rétrocommissions vers la France en 1995, en marge de contrats d'armement avec le Pakistan.
Les familles épargnent Villepin
Les propos de Dominique de Villepin ont d'ailleurs incité les familles à "surseoir" à la plainte qu'elles envisageaient initialement de déposer contre celui qui occupait le poste de secrétaire général de l'Elysée en 1995. "Les familles ont accueilli très favorablement les déclarations de Villepin et ont décidé de surseoir jusqu'à son audition au dépôt de la plainte", a expliqué Me Olivier Morice à l'AFP.
Les parties civiles s'en prennent à Nicolas Sarkozy
Dès le lendemain des déclarations de Dominique de Villepin, alors qu'il se trouvait à Lisbonne pour le sommet de l'Otan, Nicolas Sarkozy s'est engagé à ce que l'Etat collabore à l'enquête. "L'Etat aidera la justice en lui communiquant tous les documents dont elle aura besoin, (...) en temps et en heure." Il s'est refusé à "entretenir une polémique qui n'a pas lieu d'être. La justice est saisie, qu'elle fasse son travail, qu'on n'essaye pas de me coller dessus des commentaires politiciens qui ne sont vraiment pas à la hauteur de la douleur des familles qui ont perdu leurs proches."
"Cela sonne comme un aveu", a riposté la fille d'un salarié tué en 2002 dans l'attentat antifrançais de Karachi. Le président "reconnaît qu'il existe des documents intéressant l'instruction qui n'ont pas encore été transmis", précise Magali Drouet dans Le Parisien/Aujourd'hui en France de dimanche. "En expliquant qu'il les donnerait 'en temps et heure', il ignore cette séparation des pouvoirs qu'il nous opposait avant pour ne pas s'exprimer sur le dossier", ajoute la jeune femme. Mais "ce n'est pas à lui de décider (...) Nous exigeons qu'ils transmettent ces documents le plus vite possible."
Magali Drouet, qui a signé avec une autre fille de victime, Sandrine Leclerc, un livre intitulé "On nous appelle 'les Karachi'", estime par ailleurs qu'"on sent de la panique au plus haut niveau de l'Etat", après les déclarations de Dominique de Villepin se disant prêt à parler avec la justice.
Selon Villepin, Chirac a ordonné l'arrêt du versement des commissions
Dominique de Villepin a confirmé que Jacques Chirac, élu président en 1995, avait ordonné l'arrêt du paiement des commissions convenues dans le cadre d'une vente de sous-marins au Pakistan en 1994, car on soupçonnait qu'une partie de l'argent soit détournée vers la France. "Il est important que la vérité soit connue dans ce dossier et j'ai d'ailleurs, dès cet après-midi, demandé au juge Van Ruymbeke, qui instruit ce dossier, de recueillir le plus rapidement possible mon témoignage et si possible dès la semaine prochaine", a dit Dominique de Villepin.
"Jacques Chirac, quand il est arrivé comme président de la République en 1995, a souhaité moraliser la vie publique internationale, c'est-à-dire interrompre les contrats qui pouvaient donner lieu à rétro-commissions", a-t-il ajouté. Ces rétrocommissions "illégales" revenaient "vers la France vers des personnes, des personnalités, politiques ou non politiques", a-t-il ajouté. L'interruption du versement de ces commissions aurait été à l'origine de l'attentat antifrançais de 2002.
L'argent de ces rétro-commissions, selon une piste suivie par la justice, pourrait avoir servi à la campagne présidentielle du rival de Jacques Chirac, Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était alors le porte-parole. Mais Dominique de Villepin a estimé qu'il n'avait eu à l'époque "aucune information spécifique circonstanciée" sur un risque terroriste en cas d'arrêt de versement des commissions.
De son côté, l'ancien président Jacques Chirac ne veut pas témoigner et n'a pas à le faire devant un juge dans cette affaire, selon son avocat.
Guéant dénonce les "insinuations" visant Sarkozy
Le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant a dénoncé dans un communiqué, peu après l'intervention de Dominique de Villepin, les "insinuations" visant Nicolas Sarkozy dans l'affaire Karachi, qui selon lui ne le "concernent en rien". Claude Guéant parle aussi de "rumeur malveillante" à propos des soupçons de financement illégal de la campagne Balladur en 1995. Il souligne que Nicolas Sarkozy n'a "jamais été le responsable, ni le trésorier, de la campagne de M. Edouard Balladur. Il en était le porte-parole". Voir les réponses des familles de victimes au communiqué de l'Elysée, sur le site de Guy Birenbaum.
Mission parlementaire
Bernard Cazeneuve, rapporteur PS de la mission parlementaire sur l'attentat de Karachi, a annoncé dans le Journal du Dimanche (JDD) qu'il comptait demander la réouverture de cette mission, se disant "choqué de constater que l'on a menti devant la représentation nationale".
La plainte envisagée par les parties civiles
Des familles des victimes de l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, qui avait fait 15 morts dont 11 Français salariés de la construction navale (DCN), avaient indiqué vendredi vouloir . "Notre plainte va viser le cheminement menant à la décision d'arrêter les commissions. Elle vise Jacques Chirac, Dominique de Villepin, Michel Mazens et Dominique Castellan", a précisé l'avocat des familles des victimes, Me Olivier Morice. Elles ont donc finalement décidé de s'abstenir de porter plainte contre Dominique de Villepin pour le moment.
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