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Le financement du projet Hollande, entre "rêve" et "crise"

En voulant "faire payer les riches" pour financer les 60 mesures de son projet présidentiel, François Hollande soigne sa gauche. Mais le retour à l'équilibre budgétaire a aussi un coût : celui de quelques mesures revues à la baisse. 

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le candidat PS à la présidentielle, François Hollande, le 26 janvier 2012, lors d'une conférence de presse à la Maison des métallos, à Paris. (PATRICK KOVARIK / AFP)

Vendre du "rêve français" malgré la crise et les déficits publics. Faire des promesses pour assurer "le changement" tout en s'engageant à ramener le budget à l'équilibre à la fin du quinquennat. Telle était la mission du candidat Hollande en présentant le chiffrage de son programme, jeudi 26 janvier lors d'une conférence de presse à la Maison des métallos, à Paris. Au moyen d'une philosophie qui cadrait bien avec le lieu : "faire payer les riches", tout en prenant garde de ne promettre "que ce qui est réalisable".

• Un chiffrage global mais pas vraiment détaillé

"Il y a deux financements à assurer", a expliqué le candidat PS à la présidentielle. Il faut d'abord trouver 29 milliards d'euros pour résorber le déficit public.

Mais François Hollande doit aussi financer les mesures contenues dans son programme, qui selon lui coûtent 20 milliards d'euros par an :
- 5 milliards d'euros pour son "pacte productif" en faveur de l'industrie et des PME
- 2,3 milliards pour le contrat de génération
- 2 milliards pour les emplois d'avenir
- 1 milliard pour la sécurisation et la formation professionnelle
- 500 millions à 2 milliards pour les 60 000 postes d'enseignants
- 200 millions pour les postes dans la police, la gendarmerie et la justice
- 1 à 5 milliards d'euros pour le rétablissement de la retraite à 60 ans pour les salariés ayant cotisé 41 ans
- 1 milliard pour la rénovation urbaine
- 500 millions pour l'Outre-mer
- 100 millions pour le doublement du nombre de centres éducatifs fermés

Le candidat socialiste a indiqué – mais seulement dans les grandes lignes – comment il comptait récupérer tout cet argent. Les 29 milliards d'euros destinés au "rétablissement des comptes publics" seront collectés en supprimant des niches fiscales et sociales. François Hollande ne les a pas listées mais a précisé que les hauts revenus seraient mis à contribution à hauteur de 11,8 milliards d'euros et les entreprises pour 17,3 milliards d'euros.

Les 20 milliards d'euros que coûtent ses mesures doivent quant à eux être "équilibrés par des réductions de dépenses ou des financements spécifiques" :
- 4 milliards d'euros récupérés en supprimant "une mesure qui conduit l'Etat à soutenir des opérations financières menées par des grandes entreprises sans aucun bénéfice sur l'économie", selon les termes de François Hollande.
- 1 milliard en revenant sur la réforme de la taxe professionnelle
- plus de 3 milliards en supprimant les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires
- 2 milliards en redéployant des allègements de cotisations sociales, qui serviront à financer le contrat de génération
- 2 milliards en maîtrisant les effectifs de l'Etat
- 5 milliards en augmentant de 0,1 % les cotisations vieillesse, afin de financer l'avancement de l'âge de la retraite

L'équipe du candidat a pris soin de ne pas rassembler ces chiffres sur un document. François Hollande s'est contenté de les annoncer oralement lors de sa conférence de presse. Ainsi, dans le livret de 40 pages destiné aux Français, les 60 propositions ne sont pas chiffrées une par une. N'y figurent que les objectifs globaux de recettes et de dépenses supplémentaires prévus pour le quinquennat.

• La philosophie du projet : faire payer les plus riches

Sur la lancée de son discours de dimanche au Bourget, le candidat PS a développé la philosophie du financement de son projet présidentiel. Que ce soit pour atteindre l'équilibre budgétaire ou pour financer les mesures contenues dans son programme, il a choisi de mettre à contribution les ménages les plus aisés et les grandes entreprises.

Il a ainsi cherché à tordre le cou à l'idée selon laquelle son programme se résumerait à un matraquage fiscal des classes moyennes. "Les classes moyennes ont été ponctionnées pendant 5 ans. Elles seront protégées", affirme-t-il, assurant que seuls seraient touchés les hauts revenus et ceux qui ont bénéficié des "cadeaux fiscaux" de la part de Nicolas Sarkozy.

A cette occasion, François Hollande a précisé sa "modulation du quotient familial" qui avait donné lieu à un cafouillage dans son équipe début janvier. Le plafond de l'avantage fiscal, actuellement fixé à 2 300 euros par enfant, sera rabaissé à 2 000 euros. Le candidat socialiste a garanti que les ménages gagnant moins de 6 smics ne verront aucun de leurs avantages remis en cause.

Pour parvenir à l'équilibre budgétaire, "le grand débat, c'est de savoir qui va payer ces 29 milliards. Le président et le gouvernement actuels ont choisi : ce sont les Français". Pour Hollande, ce seront donc les plus riches.

• Un "rêve français" écorné par les réalités budgétaires

"Toutes mesures annoncées sont intégralement financées", a insisté François Hollande. Il a promis que les décisions les plus importantes seraient prises dès le début de la législature et que, dans un souci de cohérence, il ne reviendrait pas dessus durant le quinquennat. Manière de se différencier de Nicolas Sarkozy, qui a dû revenir sur l'essentiel des mesures fiscales qu'il avait fait voter en 2007. "Tout ce qui est dit sera fait dans le quinquennat", certifie-t-il.

Peut-on en déduire que tout ce qui n'est pas dit ne sera pas fait ? François Hollande a été interrogé sur certaines mesures évacuées de la liste des 60 propositions, comme les 500 000 places d'accueil promises pour la petite enfance au moment de la primaire socialiste. "Je ne veux pas afficher d'objectif chiffré si je n'estime pas possible de le tenir", s'est-il justifié.

De même, sur le dossier du pouvoir d'achat, le candidat a renvoyé toute décision sur les salaires et une éventuelle revalorisation du smic à une future négociation avec les partenaires sociaux. Quant à l'allocation d'autonomie en faveur des jeunes, elle figure bien dans son programme. Mais François Hollande a subrepticement glissé qu'elle serait mise en œuvre "lorsque nous aurons les ressources financières nécessaires". La traduction même d'un "rêve français" que la crise soumet à rude épreuve.

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