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Jean-Luc Mélenchon va-t-il finir tout seul ?

Le co-président du Parti de gauche ne cesse d'attaquer violemment le gouvernement. De quoi fragiliser son alliance avec le Parti communiste, coincé par la perspective de listes communes avec le PS aux municipales. Décryptage. 

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Jean-Luc Mélenchon durant un congrès du Front de gauche à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 18 septembre 2012. (REVELLI-BEAUMONT / SIPA)

Plus rien ne l'arrête. Jean-Luc Mélenchon tape à bras raccourcis, et avec la verve qu'on lui connaît, sur tout ce qui bouge, en particulier à gauche. La rupture avec le PS est consommée, et ses prises de position commencent à irriter jusqu'à ses alliés communistes au sein du Front de gauche. A un an des élections municipales, le co-président du Parti de gauche risque-t-il de finir tout seul ? Francetv info décrypte.

La rupture assumée avec le PS

Il en est issu mais ça ne se voit plus. Jean-Luc Mélenchon n'a plus rien à voir avec le Parti socialiste, et il ne se prive pas de le dire. Ses lieutenants derrière lui, qui, au cours du congrès du Parti de gauche dimanche 24 mars à Bordeaux, traitent les ministres socialistes de "salopards" et soulignent "l'échec du gouvernement". Avec ce vœu commun : "Qu'ils dégagent tous." Il faut "créer du conflit", puisque "le conflit crée la conscience", a harangué dans la foulée Jean-Luc Mélenchon, après avoir rappelé que "Dieu [vomissait] les tièdes".

Une virulence qui "étonne jusqu'à Libé", sourit Daniel Boy, directeur de recherche à Sciences Po. "Il y a un vrai problème sur la forme des attaques, pour savoir si elles sont acceptables ou non", souligne-t-il, joint par francetv info. "C'est une indignation et une volonté de la traduire", rétorque Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de gauche, qui martèle que ce que fait Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie, aux Chypriotes, est "mille fois pire que les mots que nous employons". "Notre vocabulaire est au diapason de la colère qui monte", assure-t-il à francetv info.  

"Il pense qu'il peut créer l'alternative à gauche en tapant sur nous", décrypte un ministre interrogé par Libération (article payant). C'est l'objectif. "Le message qui sort de notre congrès, c'est que nous sommes une force autonome", confirme Alexis Corbière. Et d’asséner : "Nous sommes en désaccord de A à Z avec la politique menée actuellement par le gouvernement socialiste, ce n'est pas pour cela que nous avons chassé Sarkozy." 

Les tensions palpables avec ses alliés du PCF

Allié au remuant Parti de gauche au sein du Front de gauche, le Parti communiste est coincé. "Il veille à ses alliances, je ne vois pas Pierre Laurent monter au créneau pour dire que Jean-Luc Mélenchon a raison", pointe le politologue Daniel Boy. Le patron des communistes refuse même systématiquement tout commentaire, raconte France Inter.

"Jean-Luc Mélenchon et les autres responsables du Parti de gauche sont libres de leur expression mais ces expressions n'engagent pas le Front de gauche", précise d’emblée Olivier Dartigolles, le porte-parole du PCF, à francetv info. "La question n'est pas de savoir si Moscovici est un salopard ou pas, mais de relancer un mouvement de mobilisation avec tous les gens qui ont espéré le changement durant la présidentielle", embraye-t-il. Avant de s'agacer : "Ce qui me tarde à moi, c'est de parler d’autre chose, que chacun prenne ses responsabilités !"

Sur le fond, Parti de gauche et Parti communiste semblent à l’unisson. "Les socialistes s'orientent vers une politique européenne et social-démocrate, avec de la rigueur budgétaire, ce que les communistes ne peuvent accepter", expliquait dès novembre le politologue Gérard Grunberg à francetv info, alors que les communistes s'érigeaient en force d'opposition. Tout en parlant de "pari suicidaire".

"Les tensions entre nous, c'est une pure invention solférinienne", balaye Alexis Corbière. Pourtant, Mélenchon n'épargne pas les communistes : "Aux dires de participants à une première journée de congrès à huis clos, le discours de Mélenchon à ses délégués du PG a lui aussi été 'très dur' contre les dirigeants communistes, sur leur négociation de l’amnistie sociale, comme sur l'autonomie de vote prônée au sein des députés PCF", rapporte Mediapart (article payant). Et les communistes le lui rendent bien : dans le JDD, un cadre du PC, "pourtant assez favorable à Mélenchon, met lui aussi en garde : 'Quand on tape tout le temps, on n'est plus entendu.'".  

Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche (G) et Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, le 21 février 2012 à Paris.  (JACQUES BRINON / AP / SIPA )

La périlleuse organisation des municipales

Mélenchon "n'a pas tellement de prétention électorale, alors que le PCF a un capital électoral à gérer, un capital qui s'amenuise d'élection en élection et dont la dimension municipale est importante et historique", décrypte Daniel Boy. "Georges Marchais en 1977 n'y allait pas de main morte non plus, mais dans le même temps, il était conscient des réalités, il parlait moins dru au moment des alliances électorales", rappelle-t-il.  

"La question déterminante pour les municipales, c'est : 'Qu’est-ce qui, dans cette élection, sera utile pour les populations ?'", élude Olivier Dartigolles du PCF, qui tient quand même à dire : "Il ne faut pas oublier que la droite est en embuscade et le FN en conquête dans certaines villes, donc nous sommes pour des rassemblements contre la droite qui amènent des politiques de gauche." Côté Parti de gauche, on réaffirme surtout "l’indépendance vis-à-vis de tous ceux qui soutiennent les politiques austéritaires du gouvernement".

"Evidemment les communistes dirigent des communes significatives qu'il faut garder, et bien sûr nos camarades ont demandé un délai de réflexion", reconnaît Alexis Corbière. En attendant, le Parti de gauche a publié ce week-end la liste des "60 premières villes" dans lesquelles il présentera des candidats quoi qu’il arrive. "Localement, des discussions s'ouvrent avec les écolos pour mener des listes concurrentes au PCF, si jamais ceux-ci s'alliaient aux socialistes dès le premier tour", raconte Mediapart, qui explique que "Mélenchon ne cache pas sa confiance en soi".

"Il se sent un peu freelance", assène Daniel Boy. "Mais en France, on ne peut pas être un desperado tout seul, on ne peut pas être élu sans parti", souligne le chercheur à Sciences Po, qui le trouve "très imprudent sur sa brèche". "On a bien vu que ce vocabulaire ne marchait pas, qu'on ne faisait pas basculer les classes populaires simplement en insultant le PS", ajoute-t-il.

"Nous voulons être une force d'attraction pour tous ceux qui rejettent la politique d’austérité", martèle Alexis Corbière, en citant pêle-mêle les socialistes déçus, les Verts comme Eva Joly, ou encore les "quatre millions de voix qu’on a apportées à Hollande". Pour le responsable du Parti de gauche, "c'est le PS qui s'isole, la scène politique a tendance à s'effondrer, on n'est plus dans une petite addition de cheptels électoraux". Et de toute façon, dit-il, il n'y aura pas de report de voix au second tour "s'ils nous traitent d’antisémites". "Ça va dans les deux sens."

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