Défilé du Front national : "Marine a un boulevard devant elle"
Ils étaient quelques milliers de frontistes à manifester à Paris, mercredi, en l'honneur de Jeanne d'Arc, mais les yeux rivés sur les élections municipales à venir. Reportage.
C’est "une amie Facebook" qui a poussé Giselle, 56 ans, à faire le trajet Lyon-Paris, mercredi 1er mai, pour participer au traditionnel défilé du Front national en l’honneur de Jeanne d’Arc. Plantée devant la banderole de la fédération Rhône-Alpes, le manteau grand ouvert et le drapeau tricolore bien haut, elle attend "un gros changement" et "dansera dans la rue quand Hollande sera parti". De là à énumérer ce qui ne va pas... Dominique, 61 ans dont une vingtaine à militer au Front, vient en soutien. "Racket, fiscalité, insécurité", jette-t-il en vrac derrière ses petites lunettes de soleil malgré le ciel gris plombé. "On prendra le pouvoir avant la guerre civile", l’interrompt un troisième, qui bombe le torse sous son tee-shirt du FNJ, la branche jeunesse du parti, malgré ses 40 ans bien tassés : "On va jouer le jeu de leur fausse démocratie et on va la prendre doucement mais sûrement…"
Les jeunes du FN en première ligne
Comme lui, les militants et sympathisants frontistes, de 4 300 selon la police à 15 000 selon les organisateurs, sont gonflés à bloc. Blousons Lonsdale et crânes rasés sont bien présents par petites grappes, mais ça n’est pas le gros des troupes. Le FNJ, en première ligne, enchaîne les slogans – "France ! Marine Li-berté !", "On est chez nous" – et entonne la Marseillaise à tue-tête toutes les cinq minutes.
Sur leurs tee-shirts bleu blanc rouge, "le réveil français, c’est nous". Un nouveau slogan, explique Mathieu, crieur au porte-voix, qui les a notés sur un petit papier pour ne pas les oublier. Derrière la banderole, Audrey, étudiante en psycho dans l’Essonne, qui milite depuis six mois et veut "montrer qu’il y a du monde prêt à s’investir au FN", ou Boris, 25 ans, employé dans la chirurgie esthétique qui veut "défendre la préférence nationale".
"Ce qui m'a convaincue, c'est sa volonté de gouverner"
A quelques dizaines de mètres de là, Jocelyne, 55 ans, militante depuis le discours d’investiture de Marine Le Pen à Tours en janvier 2011. "Ce qui m’a convaincue, c’est sa volonté de gouverner la France", explique-t-elle, les mains dans les poches de son long manteau de cuir marron, brushing parfait et perles discrètes aux oreilles.
"Si les Français dégagent Hollande, elle gagne, c’est sûr, elle a un boulevard devant elle", s’anime-t-elle, tandis que son mari, chauve, hâlé, emmitouflé dans une sobre parka noire, marmonne : "Le chômage, le mariage [des homosexuels], des vieux partis avec de vieilles solutions…" A côté de ce couple d'enseignants parisiens, Sandrine, serveuse à Bourg-en-Bresse, tient dans ses bras son petit chien, dont les poils sont assortis à sa teinture de cheveux. "De gauche" d’habitude, "la situation actuelle" l’a poussée au FN et elle pronostique "un grand pas de fait" aux prochaines élections.
C’est évidemment l’objectif de Marine Le Pen, qui entame son discours avec "le chemin qu’il nous reste à parcourir pour gagner", puis salue le "travail inlassable, humble, et pas vain" des militants. Et appelle ceux qui sont "sans parti, venus de l’établi ou fonctionnaires", à "transformer nos victoires idéologiques en victoires politiques".
"Les municipales, ce sera la première marche"
Raymond, militant de Haute-Loire, a les yeux qui pétillent et la moustache poivre et sel qui frise. "C'est pas que j'adhère à ses idées, c'est qu'elle traduit parfaitement les miennes. Bien sûr qu'elle peut arriver au pouvoir, on est là pour ça !", glisse le sexagénaire, qui sera lui-même candidat à Craponne-sur-Arzon, le poing bien fermé sur son petit drapeau soigneusement enroulé. Sans cesser d’agiter le sien, Rémi, 52 ans et coupe en brosse réglementaire, jauge la foule sur la pointe des souliers : "Ça m'a l’air pas mal." Puis tente en vain de convaincre la candidate des législatives de juin 2012 à Clichy (Hauts-de-Seine) de rejoindre sa liste pour les municipales : il n’a que 18 noms sur les 45 requis.
"Ce sera la première marche", confirment en chœur Mylène et Christelle, conseillères régionales de Picardie de sortie avec leurs écharpes tricolores. "Nous disons la vérité depuis longtemps et ce que nous disons s’est avéré", clament les deux quadra sur leur 31, qui énumèrent "la crise éco, les licenciements massifs et l’insécurité".
Il n’y a que Geoffrey, 25 ans, gros collier hawaïen bleu blanc rouge sur son blouson noir, crâne rasé, barbe timide et grands yeux gris, pour douter que "les Français soient prêts pour un pays d’extrême droite". Mais son oncle, boulanger francilien, habillé Lonsdale de pied en cap, est plus optimiste. Même piercing sur la langue que son neveu, il engloutit un jambon-beurre de rigueur en faisant l’éloge de la préférence nationale. Estime qu’Hitler "a juste été un peu trop loin" et reste persuadé qu'on "va bientôt donner sa chance à un groupe extrême à qui on n'a jamais donné sa chance".
"Le pouvoir est à nos portes, il n’en faut pas beaucoup", souligne Marion Maréchal-Le Pen, qui répond en coup de vent derrière les échafaudages de la tribune. Et le député du Gard Gilbert Collard, venu directement du plateau d'iTélé et encore couvert de fond de teint, de conjecturer : "Je ne dirais pas 'le changement c’est maintenant', mais 'le changement ce sera dans quelque temps'."
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