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Croissance : Hollande et les dirigeants européens parlent-ils la même langue ?

Les conservateurs au pouvoir dans les autres pays de l'UE restent opposés à une renégociation du traité de discipline budgétaire. Au grand dam du candidat socialiste français.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
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François Hollande brandit un drapeau français et un drapeau européen, dimanche 29 avril à Paris-Bercy. (MOUSSE-POOL / SIPA)

La croissance, un objectif prioritaire pour l'Europe ? Depuis plusieurs jours, de multiples déclarations laissent penser que les dirigeants européens, jusqu'à présent focalisés sur la réduction des déficits, se convertissent à la nécessité de booster une croissance au point mort. Dimanche 29 avril, le quotidien espagnol El Pais a affirmé que la Commission européenne envisageait de se lancer dans une politique d'investissements à hauteur de 200 milliards d'euros en infrastructures, énergies renouvelables et technologies de pointe. Un chiffre qui "ne se fonde sur aucune réalité", a rectifié la Commission. Il n'empêche : la question de la croissance est clairement revenue au centre des préoccupations en Europe.

François Hollande, qui menace de ne pas ratifier le traité de discipline budgétaire si un volet sur la croissance n'y est pas ajouté, voit dans ces initiatives un geste des dirigeants européens en sa direction. "Depuis des mois, les peuples européens regardent vers la France et à mesure que le scrutin donne une certaine direction, je sens les positions, y compris des chefs de gouvernement conservateurs, évoluer en fonction des pronostics. Tant mieux ! Très bien. Qu'ils nous attendent, nous arrivons, nous venons, nous serons là, au rendez-vous !" a-t-il lancé dimanche lors de son meeting de Bercy, à Paris.

Des réformes structurelles incompatibles avec le programme du socialiste

Les sondages prédisant l'arrivée prochaine du candidat socialiste à l'Elysée sont-ils pour quelque chose dans ce soudain intérêt des Européens pour les politiques de croissance ? Difficile à dire. D'autant que, parmi ces dirigeants conservateurs cités par François Hollande, bon nombre n'ont pas tout à fait la même conception des moyens à utiliser pour créer de la croissance. Le 18 avril, le président du Conseil italien, Mario Monti, avait annoncé qu'il donnerait désormais la priorité à la croissance plutôt qu'à une politique d'austérité susceptible d'aggraver encore la situation de son pays, déjà en récession. Une déclaration interprétée en France comme allant dans le sens de François Hollande.

Mais vendredi, le même Mario Monti a remis les points sur les i, dans un communiqué commun avec le très libéral président de la Commission européenne, José Manuel Barroso : "La croissance doit se faire en se concentrant progressivement sur la compétitivité et non en augmentant les niveaux d'endettement." Les deux hommes, de même que le gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, semblent donc exclure toute relance par la dépense publique. Et derrière le mot de "compétitivité", il faut comprendre réformes structurelles (flexibilité sur le marché du travail, etc.). Tout ce dont ne veut pas entendre parler François Hollande.

C'est du côté de l'Allemagne que les propositions du socialiste français provoquent les plus fortes réticences. Angela Merkel a beau avoir annoncé la préparation d'un "agenda croissance" d'ici le sommet européen du mois de juin, la chancelière reste fermement opposée à toute renégociation du traité de discipline budgétaire, tout comme le président de l'Eurogroupe, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker.

Les propositions de Hollande, pas si impopulaires en Europe

Parmi les mesures contenues dans le mémorandum que souhaite adresser François Hollande, s'il est élu, à ses homologues européens, figure la création d'euro-obligations. Fin 2011, l'Allemagne s'y était vivement opposée. La France, qui défendait (sans le crier trop fort) une mutualisation des dettes européennes pour mettre fin à la crise, avait dû manger son chapeau. A priori, l'Allemagne devrait rester intransigeante sur ce point. Même si François Hollande précise que ses euro-obligations ne serviraient pas à mutualiser les dettes, mais à "financer des projets industriels d'infrastructure".

Les trois autres points contenus dans ce mémorandum – augmentation des possibilités de financement de la Banque européenne d'investissement, taxe sur les transactions financières et mobilisation de fonds structurels européens non utilisés pour financer des projets – sont en revanche beaucoup moins polémiques. Le secrétaire d'Etat allemand aux affaires européennes s'y est même montré favorable lors d'un récent colloque dont Le Monde s'est fait l'écho.

Un sommet informel dès début juin ?

Au-delà de la bonne volonté d'Angela Merkel, François Hollande compte aussi sur une alternance en Allemagne lors des élections de septembre 2013. Le leader des sociaux-démocrates allemands, Sigmar Gabriel, s'est montré en adéquation avec le socialiste français, en mars, lors d'une réunion de dirigeants de gauche européens. En attendant, la France devra batailler ferme si elle veut imposer ses vues.

En cas d'élection, François Hollande pourrait se retrouver en première ligne très rapidement. Une réunion informelle entre les chefs d'Etat et de gouvernement sur le thème de la croissance pourrait se tenir plusieurs semaines avant le sommet européen, prévu les 28 et 29 juin. C'est du moins ce qu'a annoncé, jeudi, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. Une possibilité que le député de Corrèze n'a pas manqué de relever dans son discours de Bercy : "Tiens, c'était prévu au mois de juin, ça viendrait plus tôt... Je vous le dis, on nous attend, on nous attend !"

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