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Comment les réseaux sociaux m'ont accusé à tort de terrorisme

Un jeune habitant de Grenoble (Isère) a été la cible de menaces sur les réseaux sociaux. En cause, un selfie avec une plaisanterie douteuse, posté quelques heures avant les attentats de Paris.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le selfie de Jax, posté quelques heures avant les attentats, depuis Grenoble (Isère), portait cette légende : "Lorsque vous verrez cette photo sur BFM, il sera trop tard." (INSTAGRAM / FRANCETV INFO)

Une blague de mauvais goût a valu 24 heures de garde de vue à Jax*. Accusé sur Twitter de faire partie des auteurs des attentats de Paris, ce jeune habitant de La Villeneuve, un quartier de Grenoble (Isère), a depuis supprimé son compte, échaudé par les réactions virulentes à son égard. 

Tout débute vendredi, vers 15 heures, quand il poste un selfie sur Instagram, accompagné d'une légende ambiguë : "Lorsque vous verrez cette photo sur BFM, il sera trop tard." La plaisanterie est certes d'un goût douteux, mais c'est une plaisanterie. "A la base, c'était un délire avec mes collègues, qui me vannent souvent avec Daech et la Syrie, avec ma tête, ma barbe et tout... A ce moment-là, comment pouvais-je imaginer la suite ?"

Dans la soirée, la capitale est plongée dans le sang. "Là, un pote repense à ma photo et fait une capture d'écran, pour la partager sur Twitter en me mentionnant. Comme il voit que ça tourne beaucoup, il la supprime." Il est déjà trop tard. "Un autre gars l'avait reprise (@youri_elm), avec plus de 10 000 abonnés. Son tweet avait fait 1000 retweets. Il n'a pas voulu le supprimer, alors qu'il a reconnu qu'il s'agissait d'une blague." De nombreux utilisateurs tombent dans le panneau et colportent la rumeur.

"Des gens idiots font tourner les photos sans vérifier"

La confusion fait d'abord sourire Jax. "Ce qui m'amusait, c'est de voir que des gens idiots ne vérifient pas l'information et font tourner des photos pour faire du retweet. Je pensais que les gens allaient se rendre sur mon compte et voir que j'étais en train de tweeter..." Mais au fil des menaces et des insultes, les choses évoluent. "Le 'C'est peut-être un tireur' est rapidement devenu 'C'est l'un des tireurs'. Vers 1 heure du matin, ça continuait et ça commençait à partir assez loin." Ses amis tentent d'endiguer la rumeur. En vain.

  (TWITTER)

Le réveil est douloureux. "Le matin, ma petite sœur vient me voir pour me signaler que ma photo circule. Pourtant, elle n'est pas très présente sur les réseaux sociaux." Un compte utilise même sa photo et un nom proche pour entretenir la confusion. "Là, je commence à prendre peur. Et puis c'est au tour de mon collègue de m'appeler, pour me demander ce qui se passe... Il me conseille d'aller m'expliquer à l'hôtel de police de Grenoble."

"Après la garde à vue, j'ai supprimé mon compte Twitter"

Jax se présente spontanément au commissariat, samedi matin vers 11 heures. Justement, il était attendu. "Sur place, le directeur de la PJ me reçoit, avec ma photo dans la main ! Il m'a dit que j'étais déjà identifié et que la police avait prévu de se rendre chez moi, avec l'appui du Raid." Lors de la première audition, le jeune homme explique sa plaisanterie, puis la police réalise une perquisition à son domicile. "Ils ont pris des photos de ma box pour confirmer que je m'étais bien connecté chez moi. Mais tout s'est bien passé, car les policiers ont compris dès le début qu'il s'agissait d'une blague." Jax est remis en cellule, avant une seconde audition, vers 17 heures, où il détaille sa journée de la veille.

Son ami est interpellé chez lui pour être interrogé. Son iPhone est fouillé, pour vérifier ses déplacements. Dimanche matin, le jeune homme quitte enfin le commissariat, sans être poursuivi. Son dossier va toutefois être transmis au parquet pour études, précise Le Dauphiné Libéré. "En sortant, j'ai supprimé mon compte Twitter. Il valait mieux que je m'en écarte, ça m'a servi de leçon. Le problème de ce réseau social, c'est que tout le monde se prend pour un journaliste. D'un côté, je regrette cette blague, mais de l'autre, c'est quand même une histoire de fou. Je m'en serais bien passé, n'empêche."

(*) Il s'agit d'un pseudonyme, à la demande de l'intéressé.

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