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"Fiasco", "gâchis"... La frustration des députés après l'examen du texte de la réforme des retraites en commission

Les membres de la commission des affaires sociales ont terminé leurs travaux après 28 heures de débats, sans venir à bout des milliers d'amendements en discussion. Avec, dans la majorité comme dans l'opposition, la sensation d'un rendez-vous manqué.
Article rédigé par Audrey Tison, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, avec la présidente de la commission des Affaires sociales, Fadila Khattabi, le 23 janvier 2023. (LUDOVIC MARIN / AFP)

C'était l'acte 1 de la réforme des retraites à l'Assemblée : les trois jours de travail en commission des affaires sociales se sont achevé mercredi 1er février et les députés ne sont pas allés plus loin que l'article 2 du texte : le passage de l'âge légal de la retraite à 64 ans, dans l'article 7, ne sera pas abordé en commission. Et au terme de ces débats, il y a beaucoup de frustrations. Surtout chez les députés du camp présidentiel. Sylvain Maillard crie une nouvelle fois à l'obstruction de la part de la gauche, qui avait déposé plus de 6 000 amendements. "Ils nous disent qu'il n'y a pas de trou, pas de déficit. Et sur le même argument, une heure après : en fait, il y a un déficit, donc on va aller taxer le CAC40 et les milliardaires ! Nous avons fait notre travail, d'étudier, de répondre point par point, sur chaque amendement... Aucune construction, ou très peu, je le regrette."

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Même agacement au Rassemblement national, un groupe qui n'avait déposé que 75 amendements, espérant que l'examen aille jusqu'à l'article 7 sur l'âge légal à 64 ans. On n'y sera pas. Frustration également chez Les Républicains, parce que les débats n'avancent pas, mais aussi pour une autre raison, explique Stéphane Viry. "On avait senti la volonté du gouvernement d'enrichir le texte, notamment par des amendements. En l'état, ce n'est pas au rendez-vous. La majorité ne prend pas beaucoup d'amendements venant des oppositions constructives. J'ai le sentiment que tout ça est un gros gâchis." Pour lui, cette commission, c'est tout simplement un "fiasco parlementaire".

Un échauffement avant la séance plénière

Du côté de la gauche, les députés assument ces trois journées pendant lesquelles ils ont tenté de plonger dans le fond du texte. Notamment mercredi avec des propositions alternatives pour financer les retraites, en taxant les dividendes par exemple. "Il ne faut pas nous reprocher, à nous, d'entrer dans le vif du sujet, défend Antoine Léaument de La France insoumise, en parlant de la valeur du capital et de celle du travail. Nous sommes précisément en train de les mettre face à leurs propres difficultés. Et là, ça fera 28 heures où ils auront entendu parler d'un, les moyens de financer différemment, et de deux, ce que c'est de souffrir au travail. C'est pour ça que ça les rend fous !"

Ce travail en commission, c'était finalement un échauffement avant l'examen en plénière la semaine prochaine – même si la Nupes prépare des amendements supplémentaires pour la séance plénière, elle se tient prête à retirer en masse ses amendements afin d'accélérer les débats le moment venu. Et à gauche, on assume cette répétition des arguments contre la réforme : cela permet aux idées d'infuser, estime le socialiste Jérôme Guedj. "C'est ce que j'appelle le syndrome Dracula : il n'aime pas la lumière du soleil, il se transforme en cendres. Ce texte sur les retraites, c'est la même chose. Plus on éclaire chacune de ses propositions, plus on se rend compte du pipeau que ça représente. Et d'ailleurs, les Français l'ont très bien compris." La gauche compte sur les nouvelles manifestations de la semaine prochaine pour faire reculer le gouvernement.

De nouveaux échanges à Matignon avec la droite

Quant au camp présidentiel, il s'est un peu rassuré sur l'unité de ses députés, alors que des voix dissonantes s'élevaient ces derniers jours. En commission pas de signe de fébrilité, les macronistes ont voté comme un seul homme contre la quasi-totalité des idées des oppositions.

Mais loin du palais Bourbon, c'est à Matignon que cette réforme se négocie en parallèle : Elisabeth Borne a reçu mercredi Eric Ciotti et Olivier Marleix, le patron du parti et celui des députés Les Républicains. D'ultimes tractations pour espérer rallier les voix de la droite et obtenir une majorité. Invités à Matignon, Les Républicains s'attendaient à recevoir une "offre en bonne et due forme" de la part de la Première ministre. À la place, elle leur a demandé de re-détailler leurs exigences, en posant surtout cette question : pouvez-vous assurer que la majorité des LR voteront la réforme si le gouvernement lâche sur les carrières longues ? Oui, ont répondu les émissaires de la droite, à condition que cela permette bien aux salariés qui ont commencé à travailler avant 21 ans de partir au bout de 43 annuités de cotisation, sans attendre l'âge de 64 ans.

La balle est dans le camp du gouvernement, estiment Les Républicains qui s'attendent à une annonce rapide de la Première ministre. Pourquoi pas dès jeudi soir ? Elisabeth Borne est l'invitée de France 2.

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