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La remise d'un prix à un élu FN sème le trouble à la cérémonie du Trombinoscope

Le maire frontiste d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois, a été récompensé mardi par un jury de journalistes visiblement mal à l'aise. Des réactions embarrassées qui ont provoqué la colère des élus FN présents dans le public.

Article rédigé par Florian Delafoi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La présidente du jury, Arlette Chabot, et Gilles Leclerc, le président de Public Sénat, lors de la précédente cérémonie du Trombinoscope, le 28 janvier 2014, à Paris.  (MAXPPP)

Gilles Leclerc a renoncé. Mardi 27 janvier, le président de la chaîne de télévision Public Sénat devait remettre le prix de l'élu local de l'année 2014 à Steeve Briois, le maire d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), lors de la cérémonie du Trombinoscope, qui salue "l'action et le professionnalisme de personnalités politiques qui se sont particulièrement illustrées durant l'année écoulée". Mais, après son discours d'introduction, le journaliste descend de l'estrade pour ne pas croiser le lauréat. "Il n'y a pas de remise de prix en fait ?", s'exclame alors Marion-Maréchal Le Pen dans le silence plombant de l'hôtel de Lassay, résidence du président de l’Assemblée nationale.

Le jury de sept journalistes paraît bien mal à l'aise sur les images tournées par "Le Petit Journal" de Canal+. Un manque d'enthousiasme qui n'échappe pas au principal concerné. "Même s'il m'est attribué à contrecœur, ce prix me va droit au cœur", ironise Steeve Briois en réponse aux propos de Gilles Leclerc.

"Il ne s’agit pas d’une véritable récompense"

Le président de Public Sénat s’est montré très franc dès son arrivée sur scène quelques minutes plus tôt : "Arlette [Chabot], je vais être tout à fait honnête. Je n’étais pas spécialement volontaire pour cet exercice un peu particulier ce soir." Avant de préciser qu'il "ne s’agit pas à proprement parler d'une véritable récompense".

Gilles Leclerc profite ensuite de sa présence sur l'estrade pour s’attaquer au Front national et prendre ses distances avec cette remise de prix. "Aujourd’hui maire, mais aussi député européen, j’oubliais qu’au Front national on n'était pas forcément contre le cumul des mandats… Vous avez sans doute aussi en mémoire les bilans pas très fameux, vous en conviendrez, de vos collègues élus en 95." Des invectives qui font rire aux éclats les frontistes Marion-Maréchal Le Pen, Gilbert Collard et Stéphane Ravier, assis aux premiers rangs.

"Gilles Leclerc aurait pu recevoir le prix de la carpette !"

Mais l'ambiance s'électrise à l'issue de la cérémonie, après la réaction de Gilles Leclerc. Les élus FN laissent éclater leur colère dans les salons de l'hôtel de Lassay. Stéphane Ravier est le premier à interpeller le patron de Public Sénat, relate Le Figaro : "Gilles Leclerc aurait pu recevoir le prix de l''aplaventrisme' ! Le prix de la carpette ! Il est minable !"

Gilbert Collard monte aussi au créneau. "Le discours que vous avez fait est un discours de protection. Il fallait mettre un préservatif pour venir ! J’aurais été à la place de Steeve Briois, je vous l’aurais rendu, le prix. Si ça vous dérange de le remettre, ne le remettez pas", conseille le député Rassemblement bleu Marine à Gilles Leclerc, face aux nombreuses caméras et appareils photo. "Nous, on a reconnu un fait politique", se justifie timidement le président de Public Sénat.

Quelques minutes plus tard, Marion-Maréchal Le Pen s'avance vers Gilles Leclerc, déterminée à exprimer son mécontentement : "Franchement, c’est minable. Je suis regonflée à bloc, mais on va vous avoir et quand ça va arriver, ça va vraiment vous faire mal." Des propos que la députée frontiste ne regrette absolument pas. "J'ai trouvé ma réaction plutôt mesurée eu égard à ce qu'aurait pu susciter ce type de comportement. Non mais rassurez-vous, je suis allée voir Gilles Leclerc en rigolant et en souriant", répond-elle au Lab d'Europe 1.

"C’est le choix des Français"

"On se doutait qu'il y aurait une petite polémique", a confié mardi soir Bruno Dives, membre du jury et éditorialiste à Sud-Ouest, sur BFMTV. Un euphémisme qui cache mal l'embarras des jurés. Dès les premiers instants de la cérémonie, la présidente du jury, Arlette Chabot, avait souhaité faire une mise au point. "Le jury est influencé par l'actualité politique. Nous avons fait nos choix en décembre", avait tenté d'expliquer la journaliste devant un public bien calme, selon Le Figaro.

L'embarras est total à l'hôtel de Lassay, mais le jury tient bon devant les caméras. "On est solidaires dans la décision et dans la façon dont la remise du prix s'est déroulée", assure Bruno Dives au micro du "Petit Journal" de Canal+. Interrogée par BFMTV, Arlette Chabot tente, une dernière fois, d'argumenter ce choix controversé : "Ce n’est pas notre choix, ce n’est pas le choix des journalistes. C’est le choix des Français. Ce qui étonne, c’est que pour la première fois, il y a un prix qui revient au Front national, mais c’est la traduction de la progression du FN sur la scène politique française. Ni plus ni moins." Pourtant, ce sont bien les sept journalistes du jury qui ont décidé de couronner Steeve Briois ce soir-là. Une récompense qui leur semble, aujourd'hui, bien difficile à assumer.

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