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La Cour des comptes prescrit le contrôle des infirmiers et des kinés

Dans son rapport annuel présenté ce mardi, la Cour des comptes pointe notamment l’explosion des dépenses de soins dispensés par les infirmiers libéraux et les kinés, très peu contrôlés.
Article rédigé par Isabelle Chaillou
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (La Cour des comptes épingles les dépenses des kinés et des infirmiers libéraux © MaxPPP)

Une hausse des dépenses de santé plus forte que la moyenne, des contrôles trop rares, la Cour des comptes épingle dans son rapport présenté ce mardi deux professions du secteur de la santé qui ne seraient pas assez surveillées. Les magistrats,  experts en matière de dépenses publiques, préconisent de placer les infirmiers et les kinés sous surveillance financière. 

Des dépenses en hausse rapide

Le premier constat de la Cour des comptes porte sur la colonne des dépenses pour les soins pratiqués par les infirmiers libéraux et les kinésithérapeutes. Ils ont pesé à hauteur de dix milliards d’euros sur les comptes de l’Assurance maladie en 2014. En plus, ces dépenses augmentent beaucoup plus rapidement que les autres dépenses de santé, soit une hausse de près de 6% par an. Une progression trop importante selon la Cour des comptes qui considère que cette évolution est en partie déconnectée des besoins réels de la population.

Rareté des contrôles

Les deux professions ciblées sont-elles des électrons libres ? La Cour des comptes n’est pas loin de cette conclusion quand elle met en avant l’absence quasi totale de contrôle. Seulement 87 procédures ont été engagées pour des infirmiers libéraux en 2013. Et pourtant les risques de fraudes sont nombreux souligne la Cour des comptes en évoquant des indemnités kilométriques gonflées pour les infirmiers ou encore des séances de kiné non effectuées par les patients mais bien facturées.

Surveillance réclamée

Pour maîtriser les dépenses, les magistrats délivrent une prescription. Ils préconisent en priorité un net renforcement des contrôles. La Cour suggère surtout de s'inspirer du modèle allemand. L’idée serait de fixer un montant maximal des dépenses pour ces deux professions. En cas de dépassement de l’enveloppe, les tarifs des actes de soins seraient alors revus à la baisse.

La défense des kinés : une revalorisation

Stéphane Michel, président du syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs teint à replacer les chiffres des dépenses dans le contexte national de la Sécurité sociale.

"Les honoraires des kinés représentent environ cinq milliards d’euros sur les 180 milliards de l’Assurance maladie, soit 3% des dépenses."

Sur le dérapage des dépenses, Stéphane Michel avance plusieurs arguments. "La démographie professionnelle augmente avec une absence quasi-totale de régulation du nombre d’installés. C’est notamment l’arrivée de diplômés communautaires" selon le président des kinés qui qualifie de "massive" cette arrivée depuis cinq à six ans. 

Sur la critique de la Cour des comptes visant les tarifs à géométrie variable, Stéphane Michel rappelle que "les dépassements d’honoraires sont autorisés, à condition de respecter certaines règles". Les abus ? Ils représentent "un très faible pourcentage" .

"Le problème n’est pas le dépassement mais le tarif conventionnel. Avec un tarif aux alentours de 17 euros pour un acte moyen,  il n’est pas possible pour un kinésithérapeute francilien de proposer des actes dans des locaux accessibles, de se former, de délivrer de soins de qualité, d’assurer des mesures de sécurité et d'hygiène suffisantes."

La défense de la profession passe par le souhait d'une revalorisation des actes : Stéphane Michel, président du syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs

Les contrôles plus fréquents seront-ils les bienvenus ? "Ceux qui font des abus ou qui fraudent l’Assurance maladie seront sanctionnés et nous ne les défendrons pas" conclut Stéphane Michel.

"Un rapport à charge" selon les infirmiers

La présidente du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, Annick Touba, est tout aussi critique que son confrère kiné sur le compte-rendu de la Cour des comptes. "Il n’existe aucune étude fiable sur ce que fait la profession qui a doublé ses effectifs en quinze ans" déclare-t-elle. Sur la progression des dépenses, elle conseille aux magistrats de comparer la courbe avec "l’augmentation de la population âgée dépendante".

Pour le risque de fraudes et le gonflement des indemnités kilométriques avancés par les experts des comptes publics, la présidente du syndicat infirmier demande aussi une étude comparative.

"En pourcentage, nous ne sommes pas plus fraudeurs que les autres professions de santé. Il faudrait plutôt mettre en avant la demande et les besoins en soins, selon les régions."

La sécurité sociale doit faire son boulot réplique Annick Touba, présidente du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, qui rappelle que les infirmières sont conventionnées et obéissent à des règles.

En résumé, c’est "un rapport à charge" d’après la responsable syndicale qui reproche notamment aux magistrats de la Cour des comptes de ne pas avoir étudié "le nombre d’hospitalisations que l’on évite le samedi et le dimanche en étant les seuls professionnels au domicile du patient" .

 

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