Activités des banques dans les paradis fiscaux : "Les administrations fiscales" doivent s’en saisir et mener des "enquêtes"
Selon un rapport de l'ONG Oxfam publié lundi, un quart des bénéfices des 20 plus grandes banques européennes se trouve dans des paradis fiscaux. Des bénéfices jugé "en déconnexion totale avec leur activité réelle" selon Manon Aubry, auteure de cette étude.
Les cinq plus grandes banques françaises, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale, ont affiché 5,5 milliards d'euros de bénéfices dans des paradis fiscaux en 2015, selon un rapport de l'ONG Oxfam publié lundi 27 mars. A l’échelle européenne, les 20 plus grandes banques ont déclaré un quart de leurs bénéfices, soit 25 milliards d’euros, dans les paradis fiscaux.
Ces bénéfices sont "en déconnexion totale avec l’activité réelle qu’elles mènent dans ces pays puisqu’elles n’ont que 7% de leurs employés dans ces États", a expliqué lundi sur franceinfo Manon Aubry, auteure de cette étude, et responsable plaidoyer justice fiscale à Oxfam.
franceinfo : Un quart des bénéfices des banques européennes sont réalisées dans les paradis fiscaux. Comment expliquer ce chiffre ?
Manon Aubry : C’est énorme. C’est une étude inédite. C’est la première fois que nous disposons de ces informations, de ces chiffres et uniquement pour le secteur bancaire. En regardant de très près, un quart des bénéfices des 20 plus grandes banques européennes sont dans les paradis fiscaux, ce qui est en déconnexion totale avec l’activité réelle qu’elles mènent dans ces pays puisqu’elles n’ont que 7% de leurs employés dans ces États qui ne représentent qu’1% de la population mondiale. On voit qu’il y a bien un intérêt pour elles à mener des activités dans les paradis fiscaux, à transférer leurs bénéfices dans les paradis fiscaux, elles ont assez peu d’activités là-bas.
Les banques investissent aussi beaucoup en Irlande et au Luxembourg. Pour quelles raisons ?
Cette étude nous a menés au cœur de ces deux pays. Au Luxembourg, les banques européennes réalisent près de 5 milliards d’euros de bénéfices. C’est plus que le Royaume-Uni, la Suède et l’Allemagne réunis.
Pour la première fois on a mis le doigt sur les activités complètes de ces banques dans les paradis fiscaux.
Manon Aubryà franceinfo
Par exemple, la Société Générale qui avait été épinglée par le scandale des Panama Papers réalise au Luxembourg plus de 500 millions d’euros de bénéfices, c’est plus que l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne réunies. Il faudra aller plus loin pour lutter contre l’évasion fiscale des banques et plus largement des grandes entreprises. Nous avons ces informations aujourd’hui. Il faut que les administrations fiscales s’en saisissent et que des enquêtes soient réalisées. On a ces données pour les 20 plus grandes banques européennes. Demain, il faut qu’on ait les mêmes informations pour Total, Carrefour... C’est l’enjeu du débat, l’extension de cette obligation de transparence à l’ensemble des entreprises multinationales.
Vous donnez des exemples, notamment Barclay, 5e banque européenne, qui totalise 557 millions de bénéfices au Luxembourg
Et tout cela, avec 42 employés, ce qui fait une productivité par employé de plus de 13 millions d’euros, ce qui est complètement aberrant quand on sait que la moyenne, toutes banques confondues, est de 45 000 euros. On peut parler des banques françaises, comme la BNP qui réalise 134 millions d’euros de bénéfices aux Iles Caïmans, le tout sans employés, sans impôts payés. En Irlande, le Crédit Agricole a un taux d’imposition à 2%. La Société Générale de son côté réalise quatre fois plus de bénéfices que de chiffres d’affaires.
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