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Uramin : trois questions pour comprendre l'affaire qui empoisonne Areva

"Libération" affirme que le groupe nucléaire a dissimulé des informations à l'Etat au moment de racheter la société d'exploitation Uramin en 2007.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
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Un forage réalisé par le groupe Areva en Namibie, en mai 2012, après le rachat du groupe Uramin. (COLIN MATTHIEU / HEMIS.FR / AFP)

S'agit-il d'un "scandale d'Etat", comme l'écrit Libération ? Le journal affirme, jeudi 11 février, que le groupe Areva "a trompé l'Etat" lors de l'acquisition en 2007 d'Uramin, une société d'exploration minière propriétaire de gisements d'uranium en Afrique. L'opération s'est finalement révélée tellement désastreuse pour le géant du nucléaire que la justice soupçonne une escroquerie.

C'est quoi au juste Uramin ?

En 2007, Areva a racheté cette société minière canadienne pour 1,8 milliard d'euros. A ce tarif élevé, le groupe faisait l'acquisition d'une société qui ambitionnait d'exploiter des gisements d'uranium à Trekkopje (Namibie), Ryst Kuil (Afrique du Sud) et Bakouma (Centrafrique).

Mais l'exploitation de ces gisements s'est avérée beaucoup plus difficile que prévue,
la Centrafrique dirigée à l'époque par François Bozize refusant par exemple l'accès à la zone d'exploration de la mine. La Cour des comptes avait dénoncé début 2014 les faits au parquet national financier, qui avait ouvert une enquête préliminaire, puis saisi des juges d'instruction.

Dans quelles conditions s'est déroulé le rachat ?

Selon Libération, Areva, dirigé à l'époque par Anne Lauvergeon, aurait réalisé l'acquisition d'Uramin "en dissimulant sciemment des informations à son autorité de
tutelle", comme le révéleraient des "notes confidentielles", des "mails internes" et des "rapports caviardés" consultés par le journal.

Pour conclure la transaction, Areva devait obtenir l'aval de l'Agence de participation de l'Etat (APE). Dans l'entre-deux-tours de la présidentielle de 2007, celle-ci rend une première note, dans laquelle elle émet plusieurs réserves, écrit Libération. Elle pointe notamment une connaissance insuffisante des données techniques sur les réserves d'uranium et des conditions financières de l'opération, explique le journal.

Le rachat est tout de même validé trois semaines plus tard, après que l'APE a obtenu une "assurance raisonnable" après des investigations complémentaires d'Areva. Sauf que, d'après Libération, deux notes retrouvées lors d'une perquisition chez Daniel Wouters, directeur du développement de la division Mines d'Areva, montrent "que de nombreux éléments ont été sciemment dissimulés à l'Etat", comme les incertitudes sur les licences et permis miniers d'Uramin ou les doutes sur la quantité d'uranium exploitable. "Si nous avions eu ces informations, nous n'aurions jamais validé le projet", assure un ancien haut fonctionnaire de Bercy au journal.

Quelles sont les personnes impliquées ?

Malgré les écueils rencontrés après le rachat, Areva a tout de même réalisé des investissements massifs sur certains sites, notamment à Trekkopje (Namibie). Des millions sont "engloutis pour une production quasi nulle", écrit Libération. Selon le journal, "l'entreprise a dissimulé ce fiasco à l'Etat", actionnaire du groupe.

Le quotidien évoque notamment des propos qui auraient été tenus par Anne Lauvergeon en 2010. "Je ne veux pas passer [de dépréciation d'actifs] en fin d'année, débrouillez-vous, aurait lancé la patronne d'Areva à ses équipes. Ce n'est pas une question, c'est une commande. Vous me préparez très rapidement un plan minier qui permet de gagner de l'argent. Les commissaires aux comptes ne sont pas au courant. Dans un an, on pourra raconter autre chose." Une version démentie par l'intéressée : "Ce n'est pas elle qui a refusé de déprécier, mais la direction financière d'Areva", assure son avocat. Cela sera chose faite un an plus tard, en 2011.

Libération pointe aussi le rôle de Daniel Wouters, le directeur du développement de la division Mines d'Areva. Selon le journal, les enquêteurs auraient découvert
que le responsable – qui a refusé de s'exprimer – serait lié financièrement à certains actionnaires d'Uramin au travers d'une société spécialisée dans l'exploration des mines d'or, fondée en 2003.

Dernier nom de cette affaire : le "consultant en énergie" Olivier Fric, mari d'Anne Lauvergeon, qui aurait bénéficié de très nombreuses informations sur Uramin, découvertes à son bureau selon Libération. Il est suspecté par Tracfin de blanchiment de fraude fiscale et d'avoir spéculé sur le rachat par Areva, précise le journal. "Il peut être raisonnablement envisagé qu'[il] ait disposé d'une information dont n'ont pas bénéficié les autres acteurs du marché boursier, pour en tirer profit par l'entremise d'entités juridiques sous son contrôle", précise une note du service antiblanchiment de Bercy, déjà révélée par Charlie Hebdo et Le Monde. "Aucun élément retrouvé ne permet de compromettre pénalement mon client", répond son avocat.

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