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"Les hausses d'impôts n'épargneront pas les classes moyennes"

Vincent Drezet, du syndicat Solidaires finances publiques, réagit après l'annonce de François Hollande de prélever 10 milliards de plus sur les ménages.

Article rédigé par Fabien Magnenou - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les ménages français verseront 10 milliards d'impôts supplémentaires en 2013, a annoncé François Hollande dimanche 9 septembre. (JOEL SAGET / AFP)

ECONOMIE – Des larmes, de la sueur et la main au porte-monnaie. Voilà ce qui attend les Français en 2013, à en croire François Hollande, invité de TF1 dimanche 9 septembre. Au total, l’Etat doit trouver 30 milliards d’euros pour repasser sous les 3% de déficit, comme le prévoient les textes européens.

Pour tenir le cap, le président de la République a notamment annoncé la levée de 10 milliards d’euros d'impôts supplémentaires sur les ménages. Cette hausse doit surtout peser sur les ménages les plus favorisés, mais elle n'épargnera pas les classes moyennes.

Francetv info a contacté Vincent Drezet, secrétaire général du syndicat Solidaires finances publiques (SFP), afin de faire le point sur les efforts que devront fournir les Français.

FTVi : François Hollande "va demander 10 milliards d'euros aux ménages, aux plus favorisés notamment." Est-il vrai que les impôts visent essentiellement les plus riches ?

Vincent Drezet : François Hollande a ciblé ses annonces sur l’impôt sur le revenu, dont la fameuse taxe à 75%. Mais elle est purement symbolique car elle concerne peu de personnes et rapporte peu, de 100 et 400 millions d’euros, quand l'impôt sur le revenu rapporte, au total, 55 milliards d'euros. La taxe à 75% n’impose pas le capital, ce qui pose problème. Et c’est un symbole temporaire, qui ne va pas rendre l'impôt plus progressif.

Pour l’instant, François Hollande fait de l’affichage sur les mesures qui concernent les ménages aisées. C’est quelque chose de nouveau, qu’on avait perdu l’habitude de voir depuis une douzaine d’années. Mais il n’y a pas la refonte fiscale qu’on aurait pu espérer. Les mesures sont plus ou moins symboliques. 

Les ménages aisés sont-ils également touchés ?

La nouvelle tranche d’imposition à 45% sur les foyers qui perçoivent plus de 150 000 euros par an est intéressante. Le seuil est plus bas, cela va concerner davantage de contribuables, mais qui restent tout de même aisés. Elle permet de forts rendements et elle est progressive. Autre mesure intéressante, le plafonnement des avantages fiscaux à 10 000 euros par foyer (contre 18 000 euros et 4% du revenu imposable). Cette mesure devrait permettre de récupérer entre 500 millions et 1 milliard d’euros.

Les classes moyennes sont donc épargnées par François Hollande ?

Non, puisque le gel du barème de l’impôt sur le revenu les concerne directement ! Jusqu'à présent, le barème était actualisé chaque année, pour tenir compte de l’inflation, de la hausse du coût de la vie. Quand le revenu augmente avec l’inflation, le taux d’imposition ne change pas. Quand le revenu stagne, le taux d’imposition baisse. Mais avec la nouvelle mesure, le barème de l’impôt ne sera pas indexé sur l’inflation. Du coup, les impôts seront plus lourds.

Des personnes qui n'étaient pas imposables auraient pu le devenir. Pour éviter de trop pénaliser les classes moyennes, François Hollande a donc décidé de geler les deux premières tranches de l’impôt (jusqu'à 5 963 euros et jusqu’à 11 896 euros de revenus annuels), qui concernent 20 millions de foyers. Ils ne subiront pas d'augmentation. En revanche, 16 millions de foyers fiscaux vont bien subir une augmentation, dans les classes moyennes et aisées, et certains basculeront dans la tranche supérieure.

D'autres mesures risquent-elles encore d'alourdir la note ?

Oui, puisque pour le moment, ce qui a été annoncé ne permet pas de recueillir 10 milliards d'euros. Hier, par exemple, François Hollande n’a pas précisé la hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG), qui est pourtant à l’étude. Cette hausse est séduisante, car la CSG rapporte à elle seule 90 milliards d’euros, directement à la source. Le problème, c’est qu’elle touche tout le monde, que l’on soit salarié à temps partiel ou milliardaire. Tous les contribuables seront donc concernés par cette hausse. 

Il ne faut pas non plus oublier que les classes moyennes sont tout de même perdantes, car elles ont perdu en prestations sociales, en qualité de l’emploi et donc de pouvoir d’achat et de niveau de vie. Pendant ce temps, les inégalités ont augmenté. 

Le milliardaire Bernard Arnault souhaite acquérir la double nationalité franco-belge. Ces hausses d'impôt alimentent-elles l'exil fiscal et la fuite des investisseurs ? 

Il y a une dramatisation de la question de l’exil fiscal, dont l’impact est pourtant marginal, voire nul. Ces Français partent pour différentes raisons, fiscales ou personnelles. Certains reviennent. Tout cela reste donc marginal. Malgré tout, il existe aujourd’hui un chantage économique à l’exil fiscal, d'autant que l’Union européenne refuse d’harmoniser les fiscalités.

Ce chantage est souvent le fait d’acteurs économiques qui ont pourtant été les grands gagnants des choix fiscaux passés. Aujourd’hui, malgré les mesures annoncées par François Hollande, l’impôt sur les revenus du patrimoine n'atteint toujours pas le niveau des années 1990, alors que c’était une période de croissance économique ! Un grand nombre de patrons parlent aujourd’hui au nom du monde de l’entreprise. Ce lobby forcené est choquant.

Il existe pourtant des personnalités qui revendiquent la solidarité fiscale. La vraie question aujourd’hui, c’est celle du consentement à l’impôt. On accepte de payer seulement si le système fiscal est équitable et que les impôts sont reversés en contrepartie dans des dépenses publiques et sociales dont tout le monde bénéficie.

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