Cet article date de plus de douze ans.

Montebourg, Varin, Peugeot : trois voix dans la tourmente PSA

FRANCE - Depuis l'annonce de 8 000 suppressions de postes au sein du groupe, un bras de fer verbal s'est engagé entre le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, et les dirigeants du groupe. Et chacun a choisi son style.

Article rédigé par Marion Solletty
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le président du directoire de PSA Peugeot-Citroën, Philippe Varin (à droite) aux côtés du président du conseil de surveillance, Thierry Peugeot, en conférence de presse à Paris, le 25 avril 2012. (ERIC PIERMONT / AFP)

Vécue comme un traumatisme, l'annonce le 12 juillet de la suppression de 8 000 emplois chez PSA-Peugeot Citroën appelle à la réaction. Forte si possible, réfléchie assurément. Dans ce dossier, trois voix portent au-dessus des autres par leur proximité brûlante avec le dossier : celle de Philippe Varin, président du directoire et patron du groupe, d'Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, et enfin celle, jeudi 19 juillet, de Thierry Peugeot, représentant de la famille fondatrice.

Trois puissants qui ont chacun choisi leur registre pour s'exprimer sur cette catastrophe qui vient frapper l'industrie française au cœur. 

• Philippe Varin appelle à la raison

Pour se défendre dans la tourmente, le patron de PSA parle raison. En interview, dans les matinales, sur les plateaux télé, Philippe Varin égrène les chiffres. "Fin 2011, nous avions 9,5 milliards d'euros de sécurité financière. Néanmoins, quand on consomme 200 millions d'euros de cash tous les mois, même avec cette sécurité financière, on ne pérennise pas l'emploi et tergiverser ne sert à rien", explique-t-il jeudi 12 juillet dans la foulée de l'annonce.

Il varie les formulations, mais sans changer de cap. Le marché européen "a perdu un quart de ses volumes en cinq ans", explique-t-il le jeudi. "Le marché européen s'est rétréci de 25% en cinq ans", répète-t-il le mardi.

Objectif : brosser patiemment le tableau d'une situation commerciale et industrielle intenable pour PSA. Cet ingénieur diplômé de Polytechnique mais passé par le terrain  - "J'ai passé trente-trois ans dans l'industrie", rappelle-t-il au Monde (article abonnés) - chez Pechiney puis dans la sidérurgie, utilise le langage qu'il connaît : celui de la rationalité. Il joue, surtout, son rôle de patron, qui doit pouvoir justifier une décision stratégique lourde de conséquences. 

• Arnaud Montebourg fait la leçon

Le ministre du Redressement productif est dans une problématique toute différente. Arnaud Montebourg, qui a grimpé les échelons de la politique en affirmant vouloir mettre le capitalisme au pas, doit faire la preuve de son engagement. 

Le socialiste veut se montrer sans concessions, maître d'école sévère face à cet écart de conduite flagrant. "Nous n'acceptons pas en l'état le plan", déclare-t-il peu après l'annonce. Les mots sont durs : sur France Inter, Arnaud Montebourg compare PSA à un "malade imaginaire", parle de "dissimulations".  Par presse interposée, il avertit le constructeur : "Le débat ne fait que commencer."

Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 17 juillet 2012. (BERTRAND GUAY / AFP)

L'avocat réputé pour ses dons d'orateur retombe pour l'occasion dans ses penchants lyriques. "Il y a, je crois, un devoir de Peugeot vis-à-vis de la nation France", déclare-t-il solennellement sur France 2.

Avec le patron de PSA, qu'il rencontre mercredi 18 juillet, la confrontation est violente. L'entretien, tendu, dure deux heures, sans que les deux hommes ne parviennent à conclure à l'amiable, selon plusieurs observateurs, dont Les Echos. La photo finale qui devait les rassembler est annulée.

• Thierry Peugeot joue les sentimentaux

Jeudi 19 juillet, un troisième homme clé entre en scène : Thierry Peugeot, président du conseil de surveillance du groupe et représentant de la famille Peugeot, qui détient toujours près de 30% du capital du groupe.

L'industriel, attendu au tournant, sait qu'il doit choisir ses mots. "Au-delà de ma propre réaction et de celle de ma famille, c’est tout le groupe qui vit mal [les attaques du gouvernement]", explique-t-il dans une interview au Figaro. Tout en répondant clairement à Arnaud Montebourg, Thierry Peugeot veut donner l'image d'un industriel touché au cœur. "Au restaurant d'entreprise, les salariés m’arrêtent, ils sont choqués, dans l’émotion", raconte-t-il.

Pour renforcer la fibre sentimentale, il multiplie les allusions qui fleurent bon la vieille industrie française. Le groupe, "créé au pays de Montbéliard il y a deux cents ans" par ses ancêtres, a "des valeurs d’humanisme et de respect", explique longuement l'héritier.

Thierry Peugeot fait taire au passage les rumeurs qui font état d'un mécontentement de la "famille" vis-à-vis de Philippe Varin, nommé en juin 2009 à la tête du groupe. "Il y a l’unanimité totale" derrière le président du directoire, assure-t-il. Pour le gouvernement, le message est on ne peut plus clair : à la barre du navire, les styles diffèrent, mais le front est uni.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.