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De Pompéi à Pétra, ces joyaux qui tombent en ruines

L'Unesco a lancé un ultimatum au gouvernement italien, car le site de Pompéi est mal conservé. Guerre, rigueur budgétaire, érosion, catastrophe... A travers le monde, de nombreux chefs d'œuvre sont menacés.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
La Maison des gladiateurs s'est effondrée en novembre 2010 sur le site archéologique de Pompéi, près de Naples (Italie). (CIRO LUCA / REUTERS)

Quelques centaines d'années, et puis patatras. Malheureusement, les ruines aussi meurent parfois. Quand une maison de Pompéi s'est écroulée il y a trois ans, la communauté scientifique s'est mobilisée. Le président de la commission nationale de l'Unesco en Italie, Giovanni Puglisi, a même lancé un nouvel ultimatum au gouvernement italien, samedi 29 juin, le pressant d'engager des "mesures appropriées" d'ici à la fin de l'année. 

L'Unesco publie une liste du patrimoine mondial en danger, régulièrement actualisée, sur laquelle figurent actuellement 44 sites, dont la vieille ville de Jérusalem, la ville de Tombouctou (Mali), le port marchand de Liverpool (Royaume-Uni) et plusieurs sites syriens, dont l'ancienne ville d'Alep. Mais elle n'est pas exhaustive. Des ONG, telles que le World Monuments Fund ou le Global Heritage Fund, recensent aussi des sites remarquables et menacés. Voici quelques exemples de chefs d'œuvre en péril. 

1A Pompéi, le laisser-aller balaie les cendres en graviers

Un ouvrier passe devant les ruines de la Maison des gladiateurs, qui s'est effondrée le 6 novembre 2010, sur le site archéologique de Pompéi (Italie). (ROBERTO SALOMONE / AFP)

En novembre 2010, l’effondrement de la Maison des gladiateurs alerte l'opinion sur le piteux état du site. Erosion, surveillance insuffisante, dégradations, constructions illégales sur la zone classée... Pompéi, victime de l'éruption du Vésuve en 79 de notre ère, n'est guère chouchoutée par les autorités. Un "Grand projet Pompéi" est toutefois lancé, avec l'aide de fonds européens. Une quarantaine de sites doivent être restaurés d'ici à 2015.

Certes, la directrice des fouilles rappelle que "ces maisons n’ont pas été construites pour durer des milliers d’années", dans un entretien à Sciences et Avenir. Mais le tourisme de masse, lui, n'est pas remis en cause. Le gouvernement italien estime que le nombre de visiteurs va atteindre 2,6 millions par an en 2017, contre 2,3 millions actuellement.

2A Pétra, le tourisme de masse gravé dans la roche

Le Khazneh du site de Pétra (Jordanie), ici en juillet 2012, souffre de l'érosion due au temps et au passage de centaines de milliers de visiteurs par an. (MANUEL COHEN / AFP)
Avec près d'un million de visiteurs par an, la cité nabatéenne, située en Jordanie, est en danger. En 2009, un bloc tombe dans le Siq, ce corridor rocheux qui mène au site. Un an plus tard, la façade d'une tombe s'effondre. Cette même année, la fréquentation journalière du site antique augmente de 25% pour atteindre 4 015 visiteurs, alors que la capacité maximale est de 2 000, précise l'ONG Petra National Trust (en anglais).

De nombreux dangers menacent Pétra, dont les sabots des ânes, qui rabotent les marches du site. A force de caresses assassines, les visiteurs ont même érodé le Khazneh (en photo) de près de quatre centimètres en dix ans, selon Alonzo C. Addison, auteur de Disappearing World: 101 of the Earth's Most Extraordinary and Endangered Places, cité par USA Today (en anglais).

3A Famagouste, l'abandon et l'inaction

Des visiteurs se promènent sur les anciens murs du port de Famagouste (Chypre du Nord), en février 2008.  (FATIH SARIBAS / REUTERS)

La cité médiévale de Famagouste (Chypre du Nord), bâtie pour l'essentiel aux XVe et XVIe siècles, a été classée, en 2010, parmi les douze sites les plus menacés du monde par le Global Heritage Fund. La plupart des monuments sont laissés à l'abandon et risquent de s'effondrer, dont le mur d'enceinte, long de quatre kilomètres. 

4Le Krak des Chevaliers, victime d'une guerre de trop

Le fameux Krak des Chevaliers, perché sur la route qui relie Homs à Tartous, en octobre 2005. Le conflit syrien menace le site, près de mille ans après sa construction. (OLIVER BERG / DPA / AFP)

Réputée imprenable, cette forteresse exceptionnelle est confiée en 1142 à l'ordre des Hospitaliers, puis elle se pare de plusieurs ouvrages défensifs. L'Unesco a inscrit cette citadelle de l'ouest de la Syrie sur sa liste des biens en danger, fin juin, comme cinq autres sites du pays.

Car l'édifice n'échappe pas aux tourments du conflit syrien. L'an dernier, les combattants rebelles y ont élu domicile, avant d'être la cible de frappes. "Le régime se fiche de la protection de cette zone historique", expliquait l'un d'eux à l'AFP, en juillet 2012. Cette vidéo témoigne de la violence des combats, marqués par des bombardements.

5A Carthage, l'avidité de Ben Ali au service de l'immobilier

Une vue générale du site archéologique de Carthage, près de Tunis, le 10 février 2013. (ZOUBEIR SOUISSI / REUTERS)

L'antique rivale de Rome fait grise mine. En 2008, le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali déclasse plusieurs sites, inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. La spéculation immobilière ronge alors les vestiges de Carthage jusqu'à la révolution de 2011. Après une mission menée en 2012 (PDF), l'Unesco signale deux types de dommages : "les agressions à mobile financier" et "les négligences des autorités archéologiques responsables".

Certains dégâts sont irréversibles. "L’Odéon doit (...) faire l’objet d’une campagne de restauration de façon à sauvegarder ce qui subsiste de sa morphologie", regrette le document. Depuis, les riverains se sont constitués en associations pour protéger le lieu des immeubles qui le défigurent, comme l'explique ce reportage de France 24.

6Craco, un glissement de terrain vers l'oubli

Vue aérienne du village de Craco (Italie), prise en octobre 2008. (GUIDO ALBERTO ROSSI / TIPS / AFP)

Ici, personne ne vous entend crier. La ville de Craco, située dans la province de Matera (sud de l'Italie), est abandonnée depuis un glissement de terrain, en 1991. La menace, toujours présente, livre à l'abandon ce joyau fondé aux environs de l'an mil, avec sa tour normande. Des moines viendront s'y installer, au XVIIe siècle. La notice du World Monuments Fund ajoute que le site a été occupé dès l'époque mycénienne (X-IXe siècles av. J-C.). 

7Sur un site maya du Belize, une méprise sur un chantier

Un bulldozer devant la pyramide Maya du site Noh Mul (Belize), le 10 mai. La pyramide, haute de 30 mètres, a été réduite à un amas de débris. (JULES VASQUEZ / AFP)

"Ils ont utilisé les matériaux de la pyramide pour remblayer des routes." Le directeur de l'Institut d'archéologie du Belize, Jaime Awe, ne s'en remettra pas. En mars dernier, des ouvriers veulent du remblai pour réparer des routes. Avec leur bulldozer, ils s'attaquent au site maya Noh Mul, vieux de 2 300 ans, situé près de la frontière avec le Mexique.

Le temple, haut de 30 mètres, est réduit à un vulgaire monticule. Le complexe archéologique se trouvait sur un champ de canne à sucre privé, mais il était sous la protection de l'Etat.

8Et en France ? Oradour et Saint-Maclou en sursis

Le 10 juin 1944, les soldats allemands massacrent les habitants d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne). Le site est classé monument historique deux ans plus tard, après la Libération. Près de soixante ans après, les ruines menacent aujourd'hui de s'écrouler. Chaque année, l'Etat consacre 150 000 euros à la consolidation des murs, pour assurer la sécurité des lieux. Mais à terme, cela ne suffira pas.

L'église Saint-Maclou de Bar-sur-Aube (Aube) attend aussi un miracle. Interdit au public depuis 1954, ce bijou du XIIe siècle se serait effondré depuis longtemps sans ses étais de fortune. La ville doit trouver 4 millions d'euros. Impossible, comme l'expliquait le maire à nos confrères de France 3. Ce cas est loin d'être isolé. Ici et ailleurs, des associations tentent de sensibiliser l'opinion sur la sauvegarde du patrimoine français, comme Vieilles maisons françaises.

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