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Témoignage du porteur de valises de la campagne de Balladur en 1995

Alexandre Galdin était ce qu'on appelle le porteur de mallettes de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. Il a livré son témoignage au magistrat qui enquête sur le volet financier de l'affaire Karachi. Le juge s'interroge sur l'origine des fonds qui ont permis de financer la campagne du candidat. Il suit notamment la piste de rétrocommissions (de pots de vins) qui pourraient être liés aux contrats d'armement passés par le gouvernement Balladur.
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La quarantaine élégante, cet homme grand aux lunettes rondes ne peut s'empêcher de rire aux éclats lorsqu'il résume son activité de l'époque : transporter des mallettes bourrées d'argent liquide ! Alexandre Galdin a à peine 20 ans lorsqu'il entre dans la vie politique. Attaché parlementaire de René Galy-Dejean, il est embauché en 1995 pour étoffer l'équipe de campagne d'Edouard Balladur. Il fait partie de ces "petites mains" de la cellule financière du candidat. "Une vingtaine de fois, on m’a demandé de déposer à la banque une mallette avec de l’argent liquide. Les montants allaient jusqu’à 500 mille francs. A chaque fois que j’entrais dans mon bureau, la mallette était là et, donc, je ne savais pas d’où elle venait ".

Au QG de campagne du candidat, rue de Grenelle à Paris, le jeune attaché parlementaire croise aussi bien les ténors de la droite, les ministres François Léotard et Nicolas Sarkozy que les conseillers les plus prometteurs, Brice Hortefeux ou Nicolas Bazire.

Sérieux, discret, peut-être ambitieux, Alexandre Galdin ne pose jamais de question sur l'origine de l'argent qu'il manipule. Jusqu’à cette journée du 26 avril 1995, trois jours après la défaite de Balladur au premier tour de l’élection. "Ce jour là, je vois au QG des piles de billets de 500 francs et de 200 francs, uniquement des grosses coupures, raconte l’ancien attaché parlementaire. Il y en avait sur tous les bureaux de la trésorerie. Un peu sidéré, je pose la question : « Qu’est-ce c’est que tout cet argent ? . On me répond : Ne pose pas de question, ça ne te regarde pas. J’ai accompagné le trésorier de la campagne pour porter à la banque tout cet argent dans une grosse valise marron pleine de liasses de billets. Je me souviendrai toujours de la tête des responsables (du Crédit du Nord) quand on a ouvert la valise, leurs regards effarés. Comme moi, ils s’étonnaient du montant" .

De l'argent des fonds secrets de Matignon

Par la suite, Edouard Balladur expliquera que les 10 millions de francs déposés ce jour-là à la banque correspondaient aux dons et aux recettes de la vente de t-shirts et de gadgets pendant les meetings. Impossible, selon Alexandre Galdin : "C’était mensonger, pas crédible. Les quêtes dans les meetings ne rapportaient que des pièces. Moi, j’avais la conviction que cet argent provenait des fonds secrets de Matignon. Ce qui aurait été légal. Inavouable, mais légal " , commente l’ancien "porteur de valises".

Définitivement retiré de la vie politique depuis 2008, Alexandre Galdin couchera peut-être un jour sur le papier son incroyable histoire. Aujourd’hui, il estime avoir repris sa liberté de parole. L’an dernier, il a été entendu comme témoin par le juge d’instruction Van Ruymbeke dans le volet financier de l’affaire Karachi. "Je ne sais pas s’il y a un lien avec l’attentat de Karachi, mais cette affaire est suffisamment grave" , dit-il, "pour collaborer avec la justice. Et ce, quels que soient les pistes du juge, quels que soient les mis en cause" .

Les balladuriens ont toujours nié avoir financé illégalement leur campagne de 1995. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel avait validé les comptes de campagne du candidat malchanceux.
Le juge Van Ruymbeke semble pourtant avoir des éléments étayant l'hypothèse de pots de vins liés à des contrats d'armement passés par le gouvernement Balladur avec le Pakistan et/ou l’Arabie Saoudite. En septembre dernier, le magistrat a notamment mis en examen Nicolas Bazire -chef de la campagne d'Edouard Balladur-pour complicité d'abus de biens sociaux.

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