Cet article date de plus d'un an.

Reportage Amiante, gravats toxiques... Après le séisme en Turquie, le risque de vouloir rebâtir hâtivement les villes dévastées inquiète

Article rédigé par franceinfo - Marie-Pierre Vérot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L’architecte Ece Tuncay accuse les autorités locales d'Adiyaman. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)
Dans la ville d’Adiyaman, non loin de l’épicentre du séisme qui a fait plus de 41 000 morts en Turquie le 6 février, tout est à reconstruire. Les grues s’activent, mais certains dénoncent des chantiers lancés dangereusement à la hâte.

Ufuk Bayir a donné rendez-vous au pied de l’horloge de la ville d’Adiyaman, en Turquie, devenue un symbole du séisme qui a dévasté le sud du pays le 6 février dernier. L’horloge s’est arrêtée à l’heure où la terre a tremblé, à 4h17, non loin de l’épicentre du séisme. Où que l’on tourne les yeux, on ne voit que des ruines.

>> Séisme en Turquie : "On a dû regarder des centaines de corps pour tenter de retrouver son fils", témoignent des familles qui cherchent encore leurs disparus

Alors que Bruxelles accueille une conférence des donateurs pour la reconstruction des provinces turques dévastées par le séisme, on estime à plus de 100 milliards de dollars le coût des dégâts, sans compter la reconstruction : comme Adiyaman, ce sont des villes entières, quasiment rasées, qu’il faut rebâtir.

300 000 bâtiments sont inhabitables

Ingénieur cartographe et secrétaire général de la Chambre des architectes d’Adiyaman, Ufuk Bayir, 
estime que la ville doit être entièrement repensée.

"Selon moi, il faudra démolir au moins 60% ou 70% de la ville. Car au moins 30% du centre-ville a été détruit et 60 % des bâtiments restant sont inhabitables. Et ils présentent un grand danger."

Ufuk

à franceinfo

Dans les onze provinces, ce sont près de 300 000 bâtiments qui sont concernés. Ce n’est pas le seul danger aujourd’hui. Un peu partout, les grues s’activent déblayant les décombres. "Le gouvernement est arrivé trop tard pour sauver des vies, l’aide est venue trop tard, mais ils ont très rapidement commencé à ramasser les gravats, explique Ufuk Bayir. C’est une compagnie privée qui a obtenu le marché pour débarrasser les décombres. Elle vient de commencer, mais déjà, elle déverse les gravats dans une zone humide et cela va avoir un grand impact sur l’environnement. Sans compter tous ces énormes nuages de poussière..."

Ufuk Bayir, ingenieur topographe, estime que la ville d’Adiyaman doit être entièrement repensée après le séisme. (MARIE-PIERRE VEROT / FRANCEINFO)

De l’amiante et des gravats toxiques partout

Dans ces nuages de poussière qu'évoque Ufuk flotte de l’amiante, tandis que partout, des gravats toxiques jonchent le sol. Le risque pour la santé ne commence qu’à être évoqué : dans leur hâte à débarrasser pour reconstruire, les autorités ont été peu regardantes. Il faudrait aussi, ajoute-t-il prendre en compte les usages, les villes dans leur globalité avant de reconstruire.

Reconstruire les villes turques détruites par le séisme est une tâche colossale. (MARIE-PIERRE VEROT / RADIO FRANCE)

Juste en face se trouve une montagne de gravats : le jour du séisme, l’hôtel Isias s’est effondré en quelques minutes, ensevelissant vingt-quatre enfants venus de Chypre pour disputer un tournoi de volley-ball. Ece Tuncay, architecte, accuse les autorités :

"Aucune construction ne peut débuter sans que la municipalité ne le sache et sans son accord. C'est elle qui fixe les règles : elle nous donne les règles que l’on doit respecter. Nous avons suivi les indications des autorités."

Ece Tuncay

à franceinfo

"Si le terrain n’était pas adéquat, poursuit l’architecte, elles auraient dû nous le dire, nous donner des autorisations en fonction des sols, et on aurait pu prendre les mesures nécessaires afin d’éviter cette catastrophe." Pour l’heure seuls des promoteurs ou constructeurs ont été poursuivis, mais pas de fonctionnaire. Quant au fonds pour la reconstruction qui va brasser des dizaines de milliards de dollars, il a été promptement établi. Reste à en assurer la transparence, une nouvelle source d’inquiétude.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.