JO de Paris 2024 : Rio et Tokyo, ces Jeux olympiques qui se sont ouverts dans un contexte de crise
Alors que Paris s’apprête à donner le coup d’envoi des Jeux olympiques le 26 juillet, son organisation a fait face à plusieurs polémiques et obstacles. En cause : les questions autour de la propreté de la Seine, des étudiants délogés des Crous ou encore le salaire de Tony Estanguet pour n’en citer qu’une partie. Loin d’être un cas isolé, les organisations des Olympiades sont régulièrement le théâtre de perturbations. Par le nombre et l’ampleur des crises qui les ont touchés, les Jeux de Rio en 2016 et de Tokyo en 2020/2021 représentent des exemples à part.
Rio en 2016, un brasier politique et sécuritaire
Le 5 août 2016, quand le Brésil ouvre ses JO, le pays est à feu et à sang. Le peuple a envahi les rues des grandes villes du pays pour protester contre la corruption à la tête de l’État et la tenue des Jeux. La présidente du pays, Dilma Rousseff, est accusée d'avoir maquillé les comptes du pays. Elle est également impliquée dans le scandale Petrobras, du nom d'une entreprise pétrolière brésilienne, dans lequel Lula, son prédécesseur, mentor et actuel président du Brésil était aussi suspecté.
Le peuple brésilien, qui manifestait déjà pour l’annulation des Jeux et pour une redirection des fonds olympiques vers les secteurs de la santé et de l’éducation, réagit massivement dans la rue. Il réclame la démission de la présidente de la République, une situation explosive que le CIO avait affirmé "suivre de près".
Éloignée du pouvoir dès le 12 mai 2016, Dilma Rousseff n’assiste pas à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Le 31 août, elle est officiellement destituée. Elle sera blanchie en 2022 par le ministère public fédéral du Brésil (MPF) lorsque l’enquête de justice qui la visait est clôturée.
Dans le même temps, l’accueil de la Coupe du Monde et des Jeux olympiques est l’occasion pour la police brésilienne de resserrer la vis. Dans le cadre de "plans de sécurité publique", les autorités mettent ainsi en place des opérations brutales qui font des victimes. Dans ces interventions, qui ont souvent lieu dans les favelas, les forces de l’ordre appliquent une méthode violente : "Tirez d’abord, interrogez ensuite".
Selon l’organisation non gouvernementale Amnesty International, "en 2014 – quand le Brésil a accueilli la Coupe du monde de la FIFA – le nombre d’homicides commis par la police dans l’État de Rio de Janeiro a augmenté de 40 %". D’après Amnesty, en 2015 à Rio de Janeiro, un "homicide sur cinq" était commis par la police. Déployés dans les années 2010 pour sécuriser les favelas avant l’accueil de la Coupe du monde et des Jeux olympiques, les Unités de police et de pacification (UPP) constituaient au départ, selon Silvia Capanema, historienne maitresse de conférences à l’Université Sorbonne Paris Nord, "un espoir pour les favelas". "Elles représentaient la police de proximité. Mais petit à petit, les UPP ont aggravé les conflits. Elles ont aggravé les guerres pour le trafic de drogue, les règlements de compte… L’action de ces unités a exacerbé des tensions qui aujourd’hui sont extrêmes."
Si l’on ajoute à cela les polémiques de propreté de l’eau dans la baie de Guanabara (où se déroulent les épreuves de natation en eaux libres), la dizaine de morts sur les chantiers des JO ou encore les affaires de corruptions, les Jeux olympiques de Rio ne commençaient pas sur les bases les plus saines. Le soufflet de la "grande fierté" que ressentait, en 2009, les Brésiliens lors de l’obtention de l’organisation des JO 2016, est retombé. Si, d’après Silvia Capanema, les responsabilités des organisations du Mondial de football et des Jeux signifiaient que "le Brésil rentrait dans une cartographie internationale des organisateurs de grands évènements", et constituaient des preuves que le pays "était vraiment en train de concrétiser son émergence", il n’en fut en fait rien.
Cette crise n’a pour autant pas empêché les Jeux olympiques d’être une réussite et une vraie "fête populaire" durant laquelle les Brésiliens ont, pour un temps, mis de côté les tourments qui les assaillaient, note Silvia Capanema.
Tokyo 2021 : des JO sous cloche
L’organisation des Jeux olympiques de Tokyo a été chamboulé par la crise Covid. Prévu initialement entre le 24 juillet et le 9 août 2020, l’évènement a été décalé d’un an (du 23 juillet au 8 août 2021) à cause de la pandémie. Très enthousiaste à l’origine pour accueillir les JO, la population japonaise est à l’orée de la cérémonie d’ouverture largement défavorable à la tenue de l’évènement. Selon un sondage publié par le quotidien Asahi le 17 mai 2021, plus de 80% des Japonais se déclarent opposés à la tenue de l’Olympiade. Une opposition qui se fait encore plus forte lorsque le 8 juillet 2021, le gouvernement nippon annonce que les JO n’accueilleront pas de spectateurs et se dérouleront dans une "bulle sanitaire". Karyn Nishimura-Poupée, correspondante pour Radio France dans la capitale japonaise, se remémore un "contexte général de rejet".
Si elles ont moins d’ampleur qu’au Brésil, des manifestations s’organisent alors dans la péninsule pour appeler au boycott des Jeux olympiques. Ils réclament l’annulation des Olympiades et militent pour que le gouvernement concentre ses efforts sur la santé et la lutte contre la pandémie.
Ce rejet massif s’explique avant tout par la prégnance du Covid et de la peur que la maladie instiguait mais aussi parce que Karyn Nishimura appelle un "enchaînement de mini scandales". Pour le gouvernement les ennuis ou controverses s’accumulent : dirigeants forcés à la démission suite à la tenue de propos sexistes et grossophobes, souci de propreté de l’eau dans la Baie de Tokyo où se déroulent les épreuves en eau libre ou encore scandales de corruption qui éclatent. La publicité faite pour l’évènement est désastreuse. Symbole de cette impopularité, Toyota, un des principaux sponsors de l’Olympiade japonaise, avait renoncé à diffuser de publicités télévisées liées aux Jeux olympiques de Tokyo. Aucun responsable de la marque nippone n’a d’ailleurs assisté à la cérémonie d’ouverture.
Cependant, tout comme au Brésil, Karyn Nishimura note que pendant les deux semaines de compétition "les Japonais ont plus été pris par le sport". Une impression confirmée par un sondage d’opinion publique, publié le 9 août 2021 et réalisé par des médias japonais, puisque 64% des interrogés ont déclaré qu'il était positif que les Jeux de Tokyo aient eu lieu.
Après les polémiques sur l’organisation et un climat politique tendu depuis la dissolution, la France de 2024 connaitra-t-elle à son tour un "effet JO" ? Emmanuel Macron a en tout cas déjà appelé, le 23 juillet, les responsables politiques à une "trêve politique".
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