Affaire Gérard Depardieu : de "Complément d'enquête" aux tribunes, retour en quatre actes sur les récentes polémiques

Depuis la diffusion de "Complément d'enquête" sur France 2 dans lequel "le monstre sacré" du cinéma français tient des remarques sexistes et sexuelles, le monde du 7e art est en ébullition.
Article rédigé par franceinfo
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Gérard Depardieu à Bruxelles, le 25 juin 2018. (THIERRY ROGE / BELGA / AFP)

Pour certains, il est le symbole de la misogynie et des violences sexistes et sexuelles, lui qui est accusé par 16 femmes de tels faits, et qui est mis en examen pour viols et agressions sexuelles depuis trois ans. Pour d'autres, Gérard Depardieu reste "le dernier monstre sacré du cinéma français". Depuis la diffusion, le 7 décembre sur France 2, d'un numéro de "Complément d'enquête" consacré à l'acteur, dans lequel il tient des propos obscènes, les polémiques s'enchaînent. En quatre actes, franceinfo vous résume les rebondissements de ces dernières semaines.

1 "Complément d'enquête" diffuse des images où il sexualise une enfant et insulte les femmes

Des images inédites de l'acteur français sont dévoilées dans "Complément d'enquête", jeudi 7 décembre sur France 2. Alors que Gérard Depardieu s'était rendu en 2018 Corée du Nord pour les 70 ans de la dictature, aux côtés de Yann Moix, l'écrivain et réalisateur en a tiré un documentaire, qui n'a jamais été vendu ni diffusé. L'émission de France Télévisions a pu se procurer près de 18 heures de vidéos filmées à l'époque et a choisi d'en diffuser plusieurs extraits. 

Gérard Depardieu y multiplie les remarques déplacées et dégradantes à l'égard des femmes. En visite dans un haras, il déclare notamment : "Les femmes adorent faire du cheval, elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle (...) C'est des grosses salopes." Une autre séquence choque particulièrement l'opinion. Au passage d'une cavalière âgée d'une dizaine d'années, il enchaîne : "Si [le cheval] galope, elle jouit."

Depuis, l'acteur est dans la tourmente. S'il n'a pour l'instant répondu qu'à RTL dans un entretien téléphonique (qu'il n'a pas souhaité être enregistré) pour remercier ses soutiens, sa famille a dénoncé "une cabale" dans une tribune publiée, dimanche 17 décembre, par Le Journal du dimanche. Ses avocats montent aussi au créneau dans les médias, rappelant la présomption d'innocence, comme sur le plateau de "C à vous" sur France 5. Yann Moix, de son côté, affirme dans une interview à TV Magazine, publiée jeudi 21 décembre, être "sûr à 99% que Gérard a tenu ces propos sur une cavalière qui n'était pas la petite fille. Gérard est incapable de tenir des propos comme ça sur une enfant". 

2 Emmanuel Macron prend sa défense

Souhaitant prendre la parole au lendemain du vote controversé sur le projet de loi immigration, le président de la République aborde également l'affaire Depardieu dans "C à vous", le 20 décembre. "Il y a parfois des emballements sur des propos tenus, je me méfie du contexte, j'ai compris qu'il y avait des polémiques (...) sur les mots qui étaient en décalage avec les images", déclare-t-il. Quelques jours plus tard, un huissier de justice, commissaire de justice et audiencier au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, mandaté par France Télévisions, confirme, après visionnage des rushs, que les mots prononcés par l'acteur visaient bien la fillette à cheval.

D'autres propos tenus par Emmanuel Macron dans l'émission font polémique. Il désavoue sa ministre de la Culture au sujet d'un possible retrait de la Légion d'honneur de Gérard Depardieu. Selon lui, cette distinction "n'est pas là pour faire la morale", et Rima Abdul Malak s'est "un peu trop" avancée. Le chef de l'Etat dit par ailleurs être "un grand admirateur de Gérard Depardieu (…), un immense acteur" qui "rend fière la France".

Emmanuel Macron rappelle aussi que "les violences faites aux femmes et l'égalité femmes hommes" sont "les deux grandes causes" de ses quinquennats. Pourtant, les associations féministes déplorent un manque d'empathie pour les plaignantes. "Il aurait pu dire que c'est insupportable de parler comme cela des femmes (...) Il aurait pu avoir un message pour les victimes de Gérard Depardieu et les femmes en général", a observé la présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, auprès de l'AFP. Dans une tribune publiée par le Monde, sous forme d'une lettre adressée à Emmanuel Macron, des membres de l'association MeTooMedia estiment, le 27 décembre, que ce soutien à l'acteur témoigne "d'une totale ignorance du champ des violences sexistes et sexuelles".

3 Des artistes dénoncent un "lynchage"

Une cinquantaine d'artistes prennent la défense de Gérard Depardieu dans une tribune publiée le 25 décembre par Le Figaro. Parmi eux figurent le réalisateur Bertrand Blier, les actrices et acteurs Nathalie Baye, Carole Bouquet Charlotte Rampling, Jacques Weber, Pierre Richard et Gérard Darmon, ainsi que les chanteuses et chanteurs Roberto Alagna, Carla Bruni, et Jacques Dutronc. "Nous ne pouvons plus rester muets face au lynchage qui s'abat sur lui, face au torrent de haine qui se déverse sur sa personne", est-il écrit. Pour ces personnalités du monde de la culture, il faut séparer l'homme de l'artiste : "Personne ne pourra jamais effacer la trace indélébile de son œuvre dont notre époque est à tout jamais marquée. Le reste, tout le reste, concerne la justice".

L'initiative provoque un nouveau scandale et fait valser le cinéma français. En cause notamment, la genèse de ce texte et son auteur, Yannis Ezziadi. Proche de Julie Depardieu, éditorialiste au magazine d'extrême droite Causeur, il est aussi, selon Le Monde, familier de la sphère du parti d'Eric Zemmour, Reconquête. 

Certains signataires prennent leurs distances quelques jours plus tard. "J'ai signé, affirme ainsi Carole Bouquet, vendredi sur Instagram. Cependant, je ne soutiens pas les idées et valeurs associées au journaliste porteur de cette tribune. Lui donner de la visibilité par l'entremise de Gérard me met, comme vous pouvez l'imaginer, profondément mal à l'aise!;". Nadine Trintignant a, elle aussi, fait état de son malaise au magazine Le Point. "J'ignorais en signant cette tribune par qui elle était écrite", explique la réalisatrice, qui "demande aux personnes (...) choquées de ne pas [lui] en vouloir de [sa] grave erreur".

4 D'autres veulent briser "la loi du silence" 

Une "contre-tribune" de 600 artistes, publiée sur le blog "cerveauxnondisponibles.net" et relayée dans Le Club de Mediapart, appelle samedi à "refuser la banalisation de propos et d'actes tels que ceux" de Gérard Depardieu. Les chanteuses Angèle, Louane, Suzane, et Pomme, la comédienne Corinne Masiero, ou encore l'humoriste Waly Dia font notamment partie des signataires.

Pour eux, "l'art n'a pas à être fait par des idoles hors de la réalité, l'art n'est pas du côté des caprices de star" et "la production de l'art n'est pas une abstraction située en dehors des dynamiques sociales". Ils exhortent le monde du cinéma à briser "la loi du silence".

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