Témoignages "Notre petit garçon s'est effondré" : venus pour assister aux JO, des voyageurs dans l'incertitude après "l'attaque massive" sur le réseau SNCF
"Le rêve olympique brisé pour les Bordelais." Sur le groupe WhatsApp familial, Julien, 28 ans, joint à sa déception le message de la SNCF reçu quelques minutes plus tôt : "Votre train ne pourra pas partir de Bordeaux Saint-Jean à la suite d'un acte de vandalisme." La société de chemin de fer a annoncé, vendredi 26 juillet, avoir été victime dans la nuit de jeudi à vendredi de "plusieurs actes de malveillance concomitants touchant les LGV [lignes à grande vitesse] Atlantique, Nord et Est". Résultat, la circulation des trains est largement perturbée et environ 800 000 clients de la SNCF voient leurs plans chamboulés, dont ceux qui avaient prévu de se rendre à Paris pour assister à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et aux épreuves du week-end.
Pour Julien et Aurélie, ingénieurs à Bordeaux, en Gironde, le programme était ficelé : cérémonie d'ouverture chez un proche, épreuves de gymnastique et de kayak samedi, puis hockey sur gazon dimanche. L'espace d'un instant, ils ont cru devoir tirer un trait sur ce week-end. "On était devant la gare, prêts à abandonner, quand une dame nous a entendus et nous a proposé de faire du covoiturage jusqu'à Paris, raconte Julien à franceinfo. Pas sûr qu'on ait le temps d'aller suivre la cérémonie d'ouverture en famille, mais au moins, on ira voir les épreuves samedi."
Achille, 24 ans, a aussi dû se rabattre sur la voiture. L'étudiant qui a cofondé le groupe de supporters La Tribune bleue a prévu d'aller donner de la voix à Roland-Garros pour les épreuves de tennis, malgré l'annulation de son train au départ de La Roche-sur-Yon, en Vendée.
"Les JO, c'est une fois dans une vie, on n'a pas envie de rater ça. Donc on dépensera de l'argent dans l'essence et les péages."
Achille, étudiantà franceinfo
A la gare de Rennes, le train de Yannig, 65 ans, n'est jamais parti. Ce bénévole des JO était attendu dès vendredi soir dans la capitale pour la cérémonie d'ouverture. "A la place, on va la suivre à la radio, en voiture, avec mon fils", se désole celui qui arrivera dans la nuit à Paris. "J'avais le plaisir de contribuer à cette soirée, j'allais être un maillon dans son organisation pour qu'elle soit top et je suis éjecté de ça", confie-t-il. Si Yannig tenait un rôle secondaire sur les quais de Seine, impossible pour ce chef d'entreprise de laisser son poste vacant le week-end. "Je dois être à 7 heures au Grand Palais samedi pour les épreuves d'escrime. Je suis coordinateur de l'équipe qui reçoit le public, donc j'ai des responsabilités", explique-t-il.
Le bénévole assure avoir reçu un message laconique des organisateurs, vendredi matin. "Rien n'arrêtera les volontaires ! Les perturbations ne concernent que les lignes à grande vitesse. La circulation des trains régionaux et des RER n'est pas perturbée", est-il écrit dans ce mail consulté par franceinfo. "On est nombreux à venir de province, on dépense du temps et de l'argent dans l'organisation, mais on dirait que tout est prévu comme si tous les bénévoles étaient parisiens", s'agace Yannig.
"L'arrivée des packs d'eau ne nous a pas rassurés"
D'autres font le pari d'attendre que le trafic reprenne, comme Lionel. Arrivé à la gare de Bordeaux un peu avant 12 heures, il s'est retrouvé dans le train initialement prévu à... 8h41. "Je pense que beaucoup de voyageurs ont abandonné", estime ce Bordelais de 45 ans, installé dans une rame presque vide. A l'inverse, "des gens montent dans le train sans avoir le bon billet, car la SNCF a annoncé qu'on était acceptés, sans garantie de place assise", détaille Lionel, qui espère arriver à temps pour la cérémonie d'ouverture, "un moment qui ne se vit qu'une fois dans une vie".
Sabrina, son mari et leur fils de 10 ans n'ont pas eu d'autre choix que de s'armer de patience. La famille a attrapé le train de 5h40 à La Rochelle, en Charente-Maritime, pour arriver avant 18h30, heure à laquelle les accès aux quais seront fermés. A Poitiers, la voix du chef de bord a résonné dans les hauts-parleurs du wagon. "Au départ, c'était 30 à 35 minutes d'arrêt, puis une durée indéterminée, puis on a commencé à nous parler de bouteilles d'eau. L'arrivée des packs d'eau ne nous a pas rassurés", raconte Sabrina, 45 ans.
Les voyageurs ont finalement été invités à descendre. "Quand il a compris qu'on n'était pas sûrs d'arriver à temps à Paris, notre petit garçon s'est effondré. C'est la sortie de sa vie, c'est la première fois qu'il prend le train...", raconte cette professeure des écoles. Un peu plus tard dans la matinée, le train a fini par repartir, "un grand soulagement pour tout le monde", souffle Sabrina. Mais l'heure d'arrivée est incertaine, car "le train ne peut pas emprunter la voie classique grande vitesse et doit suivre plusieurs contournements", explique-t-elle depuis son train qui file vers Paris.
Reste la question du retour, car les perturbations devraient "durer au moins tout le week-end", selon la SNCF. Julien et Aurélie ne pourront peut-être pas fouler le sol du stade Yves-du-Manoir à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. "On doit impérativement être à Bordeaux lundi. Alors, on a réservé un bus dimanche au cas où, et tant pis pour le hockey sur gazon", affirme l'ingénieur. Sabrina et sa famille sont quant à eux censés rentrer samedi soir. "Si ça doit être dimanche, on se débrouillera. On prend les choses comme elles viennent maintenant, et on réglera les choses petit à petit", conclut Sabrina.
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