BD : dix joyaux à offrir à Noël
Pour vous aider à peaufiner votre Noël 2021, voici une liste avec les coups de cœur BD de la rédaction de Franceinfo Culture, à glisser sous le sapin.
Albums, romans graphiques, voici 10 joyaux extraits de la riche production BD de l'année. Vous pouvez aussi piocher dans cette liste des cinq pépites féministes inspirantes, ou dans celle-ci pour les amateurs de romans.
"Du bruit dans le ciel", de David Prudhomme
Dans ce récit autobiographique, David Prudhomme raconte l'installation de sa famille au début des années 80 à Grangeroux, près de Châteauroux. La maison est construite en pleine campagne, mais elle jouxte une ancienne base militaire américaine, construite en 1951, servant désormais d'entrepôts à l’OTAN. La vie de David est rythmée par les balades dans la campagne, ses virées avec son père, ses visites au "shérif", une figure locale, et aussi par le bruit des réacteurs des avions cargos irakiens chargés des armes vendues par la France à l'Irak, alors en guerre contre l’Iran. Et le dessin tient déjà une grande place dans sa vie.
David Prudhomme aime diversifier les genres, et il s'est cette fois attaqué à l'autobiographie avec un album d'une grande sensibilité, qui nous raconte à la fois le chemin initiatique d'un enfant sur le chemin de l'âge adulte, mais aussi l'histoire d'une famille, et celle d'un territoire marqué par la présence de ce terrain militaire voué à être transformé. La finesse du trait dans la peinture des personnages et des paysages, la qualité des textes impriment à cet album une atmosphère très particulière, qui laisse dans son sillage une impression persistante. L'album figure dans la sélection officielle Angoulême 2022 et a déjà décroché le Prix RTL de la Bande dessinée 2021, le Prix de la Nouvelle République au festival BD Boum 2021.
(Futuropolis, 208 pages, 25 €)
"Bons baisers de Limón", d'Edo Brenes
Traduit de l'anglais (Royaume-Unis) par Basile Béguerie
Ce premier roman graphique de l'auteur Edo Brenes est une enquête sur une histoire familiale complexe. A l'occasion d'un retour dans sa famille, un jeune costaricain étudiant à Londres, fouille dans les photos exhumées d'une vieille malle de son grand-père, puis dans la foulée, interroge les membres de sa famille. Cette enquête va révéler un lourd secret. D'une ligne claire, en jouant sur les codes couleur et un travail typographique sophistiqué, l'auteur accompagne le lecteur dans un récit aux nombreux personnages, qui entremêle présent et passé. Exclusivement raconté en bulles, ce premier roman graphique aborde avec subtilité les thèmes de l'amour, de la famille, de la fraternité, de la transmission et de la nostalgie, en jouant habilement avec les frontières entre fiction et réalité.
(Casterman, 280 pages couleur, 23 €)
"Soleil mécanique", de Lukasz Wojciechowski
Traduit du polonais par Gabriel S. Colsim
Dans les années 30, Bohumil Balda est un architecte tchèque de fiction (inspiré par Le Corbusier), adepte de l'avant-garde moderniste. Obsédé par la lumière et la forme des toits, fasciné par le travail des architectes allemands, il se méfie néanmoins des théories nazies. Mais il finit après l'annexion de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne nazie par céder au désir de grandeur et dessine pour eux un bâtiment spectaculaire, qui signera aussi sa chute. L'auteur, Lukasz Wojciechowski, lui-même architecte, aborde avec cet album incroyable la question de l'esthétique et des rapports entre architecture et politique. Il a choisi pour cela de donner à son récit une forme narrative minimaliste ultra efficace : l'album, format à l'italienne, a été entièrement dessiné avec le logiciel d'architecture Autocad, et intègre des fausses photographies des réalisations de son architecte fictif.
(Éditions Ca & Là, 144 pages, 16 €)
"Polly", de Fabrice Melquiot et Isabelle Pralong
Polly est l'histoire d'un enfant né avec une "ziziette", autrement dit un sexe non défini. Les parents de Polly prennent cette nouvelle avec philosophie, mais le monde médical et administratif n'aime pas le flou. Fille ou garçon, il faut choisir. Les parents de Polly décident qu'il sera un garçon, et la médecine se charge de "réparer" Polly… A travers un récit intime, qui traverse toute une vie, ce roman graphique aborde avec une infinie délicatesse mais sans aucun tabou la question mal connue des enfants intersexués. Pépite de la catégorie fiction jeunesse du salon du livre jeunesse de Montreuil, ce très beau roman graphique a également a reçu le Prix Töpffer Genève 2021.
(La joie de lire, 152 pages, 21,90 €)
"Alice Guy", de Catel & Boquet
Catel et Boquet poursuivent avec ce nouvel opus leur travail sur des grandes figures de femmes qui ont marqué leur temps. On découvre ici avec émerveillement la vie d'Alice Guy, pionnière autant que les frères Lumière ou Gaumont dans le domaine du cinéma, dont la vie et l'œuvre ont pourtant été quasi gommés de l'histoire. Comme d'habitude, le tamdem Catel et Boquet fait mouche : humour, clarté, vivacité servent le récit de la vie de cette figure oubliée du cinéma. (Casterman, 400 pages, 24,95 €)
"L'heure H", d'Erri de Luca, Paolo Castaldi et Cosimo Damiano Damato
Traduit de l'italien par Danièle Valin
Première incursion du grand romancier italien Erri de Luca dans la bande dessinée. L'idée du livre est née d'une collaboration avec son ami dramaturge Cosimo Damiano Damato, au départ un scénario, qui a séduit un éditeur italien, Feltrinelli. L'ouvrage est paru en France à la rentrée aux éditions Futuropolis, traduit par Daniele Valin. L'album retrace l'histoire d'amour dans les années 70 de Sara et Sebastiano, épris l'un de l'autre mais aussi de justice sociale et engagés dans le mouvement qui va conduire au soulèvement ouvrier de leur région, autour de l'usine sidérurgique Italsider, à Tarente dans les Pouilles, au Sud de l'Italie. On retrouve ici l'engagement politique de l'écrivain, mis en images par les dessins évocateurs et puissants de Paolo Castaldi.
(Futuropolis, 112 pages, 18 €)
"Nowhere girl" de Magali Le Huche
La dessinatrice pour la jeunesse Magali Le Huche raconte dans ce premier roman graphique sa propre histoire, celle de son entrée en 6e et la phobie scolaire qui s'en est suivie. Heureusement, outre la présence bienveillante de ses parents et de sa sœur, il y a les Beatles, à qui elle voue une passion sans réserve. Pendant que ses copines écoutent en boucle Patrick Bruel, Magali, elle, ne jure que par les Fab Four, qui le lui rendent bien, apparaissant dès qu'elle a un coup de mou. Grâce à eux, elle finit même par trouver la force de retourner en classe. Le dessin vif et l'humour de Magali Le Huche sonnent juste pour dire et dédramatiser les difficultés, parfois, à quitter l'enfance. Un petit bijou, qui retenu l'attention du jury du salon de Montreuil, en lui décernant la Pépite dans la catégorie BD.
(Dargaud, 120 pages, 19,99 €)
"La jeune femme et la mer", de Catherine Meurisse
(mise en couleurs Isabelle Merlet)
Une dessinatrice débarque au Japon pour peindre la nature, et renouveler sa "banque d'images mentales par trop occidentale". La visite d'un tanuki à la porte de sa résidence l'embarque dans une aventure en pleine nature, où elle fait la connaissance d'un peintre poète en quête de "l'état qui permet de peindre un tableau", et aussi de la belle Nami, jeune femme rescapée du naufrage évoqué par la célèbre Vague d'Hokusaï. La dessinatrice retrouve dans cette nature somptueuse des échos troublants à ses paysages d'enfance, ressentant sans cesse une impression de "familière étrangeté". Ce nouvel album en forme de conte, où cohabitent des planches magnifiques de paysages japonais et le trait drolatique de l'autrice de La légèreté est un enchantement.
(Dargaud, 116 pages, 22,50 €)
"Le jeune acteur, aventures de Vincent Lacoste au cinéma", de Riad Sattouf
On ne présente plus Riad Sattouf, qui nous régale depuis quelques années avec les aventures d'Esther et avec son autobiographie L'Arabe du futur. Il nous a réservé cet automne une surprise en publiant le premier opus d'une nouvelle série d'aventures, celles de Vincent Lacoste, acteur qu'il a déniché il y a quelques années pour incarner le rôle d'un adolescent dans son premier film, Les beaux gosses. Riad Sattouf nous plonge cette fois dans l'univers du cinéma, et dessine un portrait aussi drôle que tendre de ce jeune garçon devenu acteur par hasard. On y découvre à l'occasion également la passion du dessinateur pour le 7e art, pour Truffaut et pour ses acteurs. Une valeur sûre, qui figure dans la sélection officielle du festival d'Angoulême 2022.
(Les livres du futur, 21,50 €, 140 pages)
"Des vivants", de Louise Moaty, Raphaël Meltz, Simon Roussin
Des vivants raconte l'histoire des membres du "réseau du Musée de l'homme", qui, entre 1940 et 1942, se sont engagés pour défendre de la France libre et dont beaucoup ont payé de leur vie cet engagement. Exceptionnel par son format et par son contenu, Des vivants est le fruit d'un travail de recherche remarquable, effectué par Louise Moaty et Raphaël Meltz. Le tamdem a bâti son récit à partir des voix des protagonistes, uniquement avec des mots réellement prononcés, extraits de documents qu'ils ont rassemblés : lettres, journaux, procès verbaux, d'enquêtes, rapports de résistance… Un travail phénoménal pour extraire ces verbatim et nourrir un scénario et des dialogues au plus près de la réalité historique, dans un mode présent, et vivant. Simon Roussin met en scène cette somme avec un trait vif et coloré, qui rend un bel hommage aux acteurs de ce réseau de résistance tombé dans l'oubli.
(Éditions 2024, 260 pages, 29 €)
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