Guerre en Ukraine : les frères Klitschko, le tennisman Stakhovsky, le biathlète Pidruchnyi... Que sont devenus les sportifs ukrainiens engagés dans l'armée ?
Il y a un an, ils avaient décidé de lâcher leurs crampons, leurs raquettes ou leurs gants de boxe pour s'engager auprès de l'armée ukrainienne face à l'invasion russe. Comme de nombreux athlètes ukrainiens, Vitali et Wladimir Klitschko, Vasyl Lomachenko, Sergiy Stakhovsky, ou encore Dmytro Pidruchnyi ont pris les armes pour défendre leur pays. Depuis, ils ont tous connu des destins différents. Certains ont servi quelques mois, d'autres continuent les combats, au péril de leur vie. D'après le ministère des Sports ukrainiens, plus de 3 000 athlètes, entraîneurs et employés du milieu sportif, se sont engagés pour défendre l'Ukraine. Face aux villes détruites, aux millions de réfugiés contraints à l'exil et aux lourdes pertes humaines, ils se sont mobilisés, depuis l'offensive du 24 février 2022.
"Mon engagement envers l'armée prendra fin lorsque la guerre sera terminée". Dans ces mots qu'il nous délivre, Sergiy Stakhovsky affiche son indéfectible motivation. Engagé de la première heure, l'ancien joueur de tennis, classé 31e mondial au sommet de sa carrière, se bat actuellement dans une unité équipée de mortiers, afin de soutenir la première ligne de l'armée ukrainienne sur le front de l'Est. C'est à Bakhmout qu'il sert, là où les combats font rage alors que de nombreuses régions du pays ont repris un semblant de normalité. "A Bakhmout, la situation est extrêmement difficile, nous raconte l'ancien joueur. Nous avons besoin d'un soutien plus massif, plus important et plus rapide. Et alors, nous pourrons très probablement expulser les Russes d'Ukraine."
Sergiy Stakhovsky, de la réserve au bataillon de combat
Il y a un an, tout juste retraité des courts après l'Open d'Australie 2022, le tombeur de Roger Federer au deuxième tour de Wimbledon en 2013 était en vacances en famille. Lorsque l'offensive russe est lancée sur l'Ukraine, il rentre au pays et rejoint la défense territoriale sans hésiter. Au départ, sa mission est de mettre à l'abri les civils pour procéder aux évacuations, alors que Kiev est bombardée. Il poste régulièrement des photos du conflit sur son compte Instagram, jusqu'à sa photo de profil, le montrant en tenue militaire, arme à la main.
Mais son engagement s'accentue au fil des mois. En septembre, il rejoint la quatrième brigade de réaction rapide de la Garde nationale. Il est notamment envoyé à Kharkiv, Koupiansk, Izioum, Iatskivka, ou plus récemment Bakhmout, ville du Donbass qui résiste encore aux assauts russes.
Depuis un an, la vie de Sergiy Stakhovsky a basculé. "Le plus dur, confie-t-il à franceinfo: sport, c'est de voir le désespoir et le chagrin des gens qui vous entourent, cette déception, cette tristesse, ce vide chez ceux qui ont tout perdu, que ce soit un membre de leur famille, leur maison, peu importe."
Les frères Klitschko, symbole de la résistance ukrainienne
Eux aussi ont fait partie des premiers à s'engager. Les frères Vitali et Wladimir Klitschko, deux légendes ukrainiennes de la boxe, ont certainement été les plus médiatisés. Le premier est maire de Kiev, et avec son frère, ils organisent la protection de la ville et de ses près de trois millions d'habitants. "Je défendrai Kiev, les armes à la main" , promettait l'élu en février 2022 face aux caméras. Gilet par balles sur le torse et arme à portée de main, Vitali Klitschko incarne le visage de cette première résistance, aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Très actif sur ses réseaux sociaux, le multiple champion du monde, qui a appelé à la paix à de nombreuses reprises depuis un an, fait état des actions menées en Ukraine, des dégâts causés dans le pays et des répercussions sur la population. Grâce à sa notoriété de sportif, il ne cesse d'interpeller le monde entier.
A ses côtés, son frère Wladimir Klitschko, lui aussi ancien champion du monde de boxe dans la catégorie des poids lourds. Quelques semaines avant le début de la guerre, il a rejoint la défense territoriale, qui est l'armée de réserve ukrainienne. "C'est l'amour pour ma ville, ma maison, ma famille, mes voisins, ma fille qui m'a amené ici aujourd'hui, que j'ai pris cette initiative et que je participe maintenant à cette défense territoriale", expliquait-il début février 2022.
Comme son frère, Wladimir Klitschko est actif sur le terrain et ses réseaux sociaux. Il interpelle notamment les pays occidentaux, leur demandant des armes supplémentaires, et multiplie les voyages politiques en Europe afin de porter la voix de l'Ukraine, comme au sommet de l'Otan à Madrid en juin, ou lors de sa rencontre avec le chancelier allemand Olaf Scholz, en septembre.
Les boxeurs répondent nombreux à l'appel
D'autres boxeurs ukrainiens se sont également investis au début du conflit. Comme Wladimir Klitschko, Vasyl Lomachenko, champion du monde poids plumes WBO, super-plumes WBO, poids légers WBA, WBO et WBC, a rangé temporairement les gants de boxe pour s'engager dans la défense territoriale. Il a ainsi rejoint le bataillon de Bilhorod-Dnistrovskyï, près d'Odessa, le 27 février, comme le montre cette photo publiée sur son compte Facebook, où il est vêtu d'un uniforme militaire, arme en bandoulière.
Même parcours pour Oleksandr Usyk, champion du monde poids lourds et champion olympique en 2012. Il est rentré au pays, quatre jours après l'offensive russe, pour prendre les armes, alors qu'il était au Royaume-Uni. "Vous ne combattez pas notre Etat ou notre armée, mais notre peuple. C'est notre terre", dénonçait-il dans une vidéo sur son compte Instagram. Sur une photo, publiée sur le compte du club de boxe de Kharkiv, il se dévoile, arme à la main. "Oleksandr Usyk a rejoint la défense territoriale de la capitale et de la région de Kiev", précisait alors la légende.
Depuis Vasyl Lomachenko et Oleksandr Usyk ont repris le fil de leur carrière sportive mais restent engagés sur les réseaux sociaux, surtout ce dernier. En décembre 2022, il pose par exemple aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le 7 février dernier, il prend encore la parole sur ses réseaux, s'adressant directement à Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), face au possible retour des athlètes russes lors des compétitions internationales comme les JO : "Vous voulez autoriser les athlètes russes à participer aux Jeux olympiques. Les forces armées russes ont envahi notre pays et tuent des civils. L'armée russe tue des athlètes et des entraîneurs ukrainiens et détruit des terrains de sport ainsi que des salles de sport. Les médailles que les athlètes russes vont gagner sont des médailles de sang, de morts et de larmes", clame-t-il.
Dmytro Pidruchnyi, un engagement dès son retour des JO
Pendant trois mois, le biathlète Dmytro Pidruchnyi, champion du monde de la poursuite en 2019 à Östersund (Suède), a lui aussi revêtu l'uniforme, servant aux côtés de la Garde nationale. "Immédiatement après mon retour des Jeux olympiques [de Pékin en février 2022], la guerre a commencé, et le 25 février, j'ai été envoyé dans l'une des unités de la Garde nationale d'Ukraine, pour laquelle, en tant qu'athlète, je servais depuis de nombreuses années", a-t-il raconté à franceinfo: sport.
"J'ai donc été appelé et je suis allé servir. C'était mon devoir. J'ai passé les trois premiers mois de la guerre dans cette unité, en suivant les ordres."
Dmytro Pidruchnyi, biathlèteà franceinfo: sport
Lors de cette mission, il effectue des tâches à l'arrière et des patrouilles dans sa ville natale, à Ternopil [à l'ouest de Kiev]. "Je n'étais donc pas directement au front. Je n'ai pas combattu, mais nous nous préparions au fait que cela pouvait arriver à tout moment", précise-t-il. En juin, le biathlète est autorisé à quitter son unité afin de pouvoir de nouveau "s'entraîner et représenter l'Ukraine lors de compétitions internationales". Il a d'ailleurs terminé cinquième du sprint lors des derniers championnats du monde d'Oberhof (Allemagne), le 11 février.
Des engagés mais aussi des morts
Quelques footballeurs se sont aussi mobilisés au début du conflit. S'il n'a pas rejoint l'armée, le défenseur de 23 ans Viktor Kornienko, international ukrainien du Shakhtar Donestk "a été très actif en aidant l'armée et la population en tant que volontaire, apportant de la nourriture et tout le nécessaire", nous a confirmé Oleksandr Glyvynskyi, l'attaché de presse de l'équipe nationale d'Ukraine. Andriy Bohdanov, qui joue au Kolos Kovalivka, et l'ex-footballeur Oleksandr Aliyev ont quant à eux rejoint des bataillons militaires. De même que Yuriy Vernydub, technicien du Kryvbass Kryvyï Rih (deuxième division) et ancien entraîneur du Sheriff Tiraspol (Moldavie) qui a crée l'exploit en s'imposant sur le terrain du Real Madrid en Ligue des champions le 28 septembre 2021.
"Dès les premiers jours de la guerre, tous les Ukrainiens ont soutenu l'armée, et les athlètes professionnels - biathlètes, boxeurs, joueurs de tennis et autres - ont rejoint les rangs des forces armées ukrainiennes pour défendre l'Ukraine. Tout le monde s'est uni, nous explique Oleksandr Glyvynskyi. Plus tard, lorsque l'armée et les bataillons de volontaires étaient déjà formés, les athlètes professionnels sont retournés au sport."
D’autres ont connu un destin plus tragique. Vitalii Sapylo, 21 ans, joueur de deuxième division du championnat ukrainien chez les jeunes, et Dmytro Martynenko, joueur amateur de 25 ans, ont perdu la vie lors des premiers jours de guerre. Diplômé de l'académie militaire, Vitalii Sapylo avait rejoint l'armée au début du conflit en tant que commandant de char. Il a été tué par les Russes en défendant Kiev. Dmytro Martynenko, "l'un des joueurs de football amateur les plus remarquables de la région de Kiev" selon Oleksandr Glyvynskyi, a été tué avec sa mère lors d'un bombardement russe, qui a frappé leur maison. Enfin, le monde du biathlon aussi a pleuré l'un des siens, Yevhen Malyshev, âgé de 19 ans, tombé au combat alors qu’il effectuait son service militaire.
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