Six nations 2024 : comment le XV de France est passé d’une équipe séduisante et conquérante à un collectif en souffrance

Le XV de France, peu impressionnant lors de ses deux premières sorties, affronte l'Italie pour son troisième match du Tournoi 2024, dimanche (16 heures sur France 2 et france.tv).
Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les joueurs du XV de France après la défaite face à l'Irlande dans le Tournoi des six nations, le 2 février 2024. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Un bilan comptable équilibré, mais peu de motifs de satisfaction. Quatrième du Tournoi des six nations après deux journées, avec une défaite cuisante à domicile contre l'Irlande (17-38) et une victoire à l'arraché en Ecosse (20-16), le XV de France n'a pas rassuré. Sur leurs deux derniers matchs, les Bleus ont particulièrement inquiété par le jeu déployé, brouillon et poussif. Des prestations loin de ce qu'ils ont pu montrer depuis l'arrivée de Fabien Galthié en 2020 et qui soulèvent des interrogations sur l'évolution et la progression du collectif.

Dans cette situation, il ne faut d’abord pas oublier le poids des (nombreuses) absences qui pèsent sur le groupe France. D’Antoine Dupont, qui va disputer son premier tournoi à 7 à Vancouver (Canada) pendant que ses coéquipiers du XV batailleront contre l’Italie, à Anthony Jelonch et Thibaud Flament, en passant par le très attendu Emmanuel Meafou, les Bleus sont orphelins de plusieurs joueurs clés.

"Il y a pas mal de blessés, des joueurs cadres absents, qui avaient un certain impact sur le rugby qui était proposé par le XV de France, des garçons très importants dans la rotation et dans l’animation offensive (...) Il faut le prendre en considération", note Jérôme Thion, ancien deuxième ligne international et consultant pour Canal +. Contre les Transalpins, les Français devront aussi faire sans leur nouveau capitaine, Grégory Alldritt, sorti sur blessure en Ecosse et pas encore remis.

Des absences qui n'effacent pas les inquiétudes

Mais tout ne peut pas non plus être mis sur le dos des absents et le mal dans le jeu tricolore semble plus profond en ce début d’année. "Le style de jeu avec ces joueurs-là aurait été le même. Quand tu vois les Irlandais, à la fin du match, on a oublié qu’ils n’avaient plus [Jonathan] Sexton, alors que pendant quinze ans, il avait le maillot vert avec le numéro 10, avance l'ancien demi de mêlée international Dimitri Yachvili, consultant pour France Télévisions. En Irlande, le système prend le dessus sur les joueurs. Nous, on a encore un temps d’adaptation."

A l’heure de démarrer ce nouveau cycle qui doit mener vers la Coupe du monde 2027 en Australie, le XV de France doit en effet s’adapter aux absents et à un staff, en partie modifié par rapport au premier mandat de Fabien Galthié, avec les arrivées de Laurent Sempéré (conquête et tâches spécifiques) et Patrick Arlettaz (en charge de l’attaque). "Il y a de nouvelles combinaisons, en touche par exemple. On a pu voir que ça ne marchait pas encore très bien. Il y a un temps d’adaptation pour le nouveau staff. Tout n’est pas à jeter, bien entendu, mais, forcément, des questions se posent", explique Dimitri Yachvili.

La touche, secteur dans lequel les Bleus ont globalement failli lors des deux premiers matchs (six lancers perdus), est une bonne image des difficultés rencontrées par les avants français. "Je pense que l’association Paul Gabrillagues-Paul Willemse a mal été choisie quand on a joué contre l'Irlande et qu’on a été ultradominés dans ce secteur, décrypte Jérôme Thion. Après, la touche, c’est beaucoup de communication et d’adaptation. Je pense qu’il faut laisser le temps à cette équipe de trouver la bonne carburation et les bons réglages." Le constat est aussi valable pour tout le pack tricolore, secoué et beaucoup moins dominateur en ce début de Tournoi.

"Pour l’instant, on ne comprend pas réellement comment ils abordent les matchs tactiquement."

Dimitri Yachvili, ancien demi de mêlée international

à franceinfo: sport

Le XV de France paraît également s’être perdu sur le plan tactique. D’un jeu efficace et flamboyant, à son apogée un soir de victoire historique à Twickenham en mars 2023 avec sept essais inscrits et 506 mètres parcourus ballon en main, il est passé à beaucoup moins d’assurance et plus de fébrilité. "Avant, on prenait les choses en main, il y avait des combinaisons, des mouvements, on gardait le ballon. Là, on fait un jeu quasiment que de la défense, on essaye de jouer les ballons de récupération ensuite. On n’est pas vraiment dans la construction", regrette Dimitri Yachvili.

La démonstration subie face au XV du Trèfle (cinq essais concédés et seulement 314 mètres parcourus) a particulièrement mis en valeur cette différence, selon l’ancien demi de mêlée international : "Quand tu vois les Irlandais jouer, tu te dis qu’on est quand même assez loin en termes d’innovations et de lancements de jeu. C’est plutôt ça qui est inquiétant."

Encore un blocage psychologique ?

Et si les balbutiements dans le jeu trouvaient aussi leur racine dans la déception de l’élimination face à l’Afrique du Sud ? "Je pense clairement que, juste après la Coupe du monde, le fait de devoir passer à autre chose a été très compliqué pour beaucoup de joueurs, expose Jérôme Thion. C’est une équipe en reconstruction. Ce Mondial a été un véritable échec (...) L'assumer, en parler, ça ferait du bien et ça ferait passer tout le monde à autre chose. Mais on l’a un peu occulté."

Au-delà de la défaite, les Bleus vivent aussi une saison particulière, forcément bousculée par le Mondial. "Les années post-Coupe du monde sont toujours très compliquées à assumer physiquement et psychologiquement, pour se remettre dans le bain et de nouveau être compétitif", assure Jérôme Thion. "On sait qu’ils ne jouent pas à leur vrai niveau actuellement, que c’est une phase qu’on connaît tous dans une carrière, pose Dimitri Yachvili. Ce n’est pas alarmant, mais il ne faut pas que ça dure." Face à l'Italie, plus faible des six nations, une victoire avec la manière est presque obligatoire pour s'éviter une vraie situation de crise.

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