Affaire Gérard Depardieu : maintien, précisions, excuses… Comment les signataires de la tribune de soutien à l'acteur se positionnent-ils vraiment ?

Article rédigé par Clara Lainé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
L'acteur français Gérard Depardieu assiste à la cérémonie de remise des prix du sixième Concours national de conception de navires et de yachts, le 27 octobre 2017 à Istanbul (Turquie). (ONUR COBAN / ANADOLU AGENCY / AFP)
Une cinquantaine d'artistes ont signé, le jour de Noël, une tribune pour soutenir l'acteur accusé de violences sexistes et sexuelles. Après la publication de plusieurs contre-tribunes, certains signataires du texte initial rétropédalent.

Rétropédalage, mutisme, persistance… Les 56 signataires de la tribune publiée lundi 25 décembre dénonçant un "lynchage" à l'encontre de Gérard Depardieu ne font plus front commun. L'artiste de 75 ans, accusé par 16 femmes de violences sexistes et sexuelles, suscite un malaise grandissant depuis un reportage de "Complément d'enquête" diffusé début décembre. On y voit notamment l'acteur, en voyage en Corée du Nord, sexualiser une enfant et tenir de nombreux propos dégradants et sexistes à l'égard des femmes. 

Depuis, les réactions se multiplient et les contre-tribunes s'enchaînent. La dernière en date, signée par quelque 150 artistes et publiée lundi 1ᵉʳ janvier dans Libération, proclame que "l'art n'est pas un totem d'impunité". Face à cet emballement médiatique, plusieurs signataires du texte pro-Depardieu prennent leurs distances. D'autres, au contraire, réaffirment leur soutien à celui qu'ils qualifient de "dernier monstre sacré du cinéma français". Franceinfo fait le point sur les signatures de la tribune initiale, que certains ont peut-être paraphée de manière hâtive. 

Ceux qui persistent et (re)signent 

La censure. Une peur brandie par plusieurs soutiens de Gérard Depardieu, qui voient dans cette tribune l'occasion de défendre la liberté d'expression. Parmi eux, l'acteur Michel Fau a affirmé au micro de BFMTV que l'"'artiste doit rester extravagant, scandaleux, obscène et ingérable". 

Son indignation initiale est partagée par l'auteur de la tribune, Yannis Ezziadi, éditorialiste pour le magazine réactionnaire Causeur. Il apparaît scandalisé sur franceinfo : "De quel droit on empêcherait Gérard Depardieu, qu'est-ce qu'il a fait de condamnable ? Il a fait des blagues !" Des "blagues" que l'écrivain Jean-Marie Rouart, de l'Académie française, assimile sur BFMTV à "l'esprit gaulois de la France", peu après avoir lancé : "Est-ce que vous croyez que, chez Rabelais, il n'y a pas de grossièretés ?"

De leur côté, Carla Bruni, l'actrice Myriam Boyer, le chanteur Roberto Alagna, l'ancien directeur de la Cinémathèque française Serge Toubiana et la styliste Marie Beltrami mettent en avant la présomption d'innocence pour justifier leur engagement. Marion Lahmer, comédienne âgée de 31 ans, les rejoint. Elle a déclaré sur franceinfo avoir trouvé "dérangeant" de voir "la meute qui se met à aboyer contre cet homme et contre ces images mises bout à bout pour orienter une pensée et un avis sur cet homme".

L'actrice Nathalie Baye s'est pour sa part élevée contre "un lynchage qui fait gagner des sous aux journalistes". A cela s'ajoute l'argument de sa proximité avec le mis en cause : "Il peut dire des gros mots, mais moi, je sais que ce n'est pas du tout l'homme qu'on décrit d'une manière monstrueuse dans la presse people ridicule", a-t-elle clamé sur BFMTV.

Enfin, la chanteuse Afida Turner a justifié son soutien à Gérard Depardieu auprès du Parisien : "J'ai toujours aimé ses films, son franc-parler ; il peut être vulgaire, (...) faire des blagues sur le cul. Moi aussi, j'en fais toute la journée."

Ceux qui nuancent leur position

Les acteurs Yvan Attal et Gérard Darmon font preuve de davantage de retenue. Tandis que le premier a reconnu sur BFMTV ressentir un "malaise", le second a tenu à "rectifier" son paraphe au micro de RTL. "Attention, dire : 'on touche à Depardieu, on touche à l'art' et tout ça, c'est des conneries", a-t-il déclaré, juste après avoir expliqué qu'il a "une sainte horreur, au-delà de Depardieu, des hordes de chiens, ceux qui frappent un homme à terre, le bashing, l'acharnement". L'acteur a ensuite assuré avoir reçu la tribune par mail, et dit ne pas connaître son auteur.

C'est là le point de crispation principal : Yannis Ezziadi avait déjà tenté de réhabiliter l'écrivain Gabriel Matzneff, accusé de viols sur mineures, au moment de la sortie du film Le Consentement, adapté du livre de Vanessa Springora. Un profil clivant sur lequel Carole Bouquet et l'ex-agent Dominique Besnehard ont regretté de ne pas s'être assez renseignés. L'ancienne compagne de l'acteur s'est notamment dite "profondément mal à l'aise", précisant "ne pas soutenir les idées et valeurs" du polémiste du magazine Causeur, âgé de 32 ans.

Si la réalisatrice Josée Dayan a annoncé dans un communiqué à l'AFP ne pas retirer sa signature "pour l'instant" au nom de la présomption d'innocence, elle a cependant, elle aussi, exprimé ses regrets "d'être associée à l'initiateur de cette tribune dont [elle ignorait] l'engagement politique et qui s'est présenté comme un acteur voulant défendre Gérard". Une position partagée par l'acteur Charles Berling, qui a écrit sur son compte Instagram "[combattre] au quotidien les idées d'extrême droite portée par l'auteur [du  texte]".  

Ceux qui présentent leurs excuses

"Ma signature était un autre viol." L'acteur et réalisateur Jacques Weber fait volte-face. Dans un billet publié sur "Le Club de Mediapart", il revient longuement sur sa contribution à "cette pétition emphatique et sans discernement initiée par des gens malhonnêtes et dangereux." Adressant sa solidarité aux "milliers de femmes dans le monde qui souffrent d'un état de fait trop longtemps admis", Jacques Weber dit mesurer son "aveuglement", se désolidarisant officiellement de cette tribune, même si le texte publié dans Le Figaro ne mentionne pas (encore) ce revirement.

Sur LCI, le réalisateur Patrice Leconte a, lui aussi, fait part de sa culpabilité d'avoir signé, ayant "appris, après, de qui elle émanait (...) Je suis vraiment un âne et ça me servira de leçon ! (...) Comme le disait Brassens : 'Quand on est plus de deux, on est une bande de cons.'" Évoquant par ailleurs une "mise à mort" de Gérard Depardieu, il considère que l'acteur ne "fera plus jamais de cinéma".

Pierre Richard a également adressé son mea culpa sur son compte X (ex-Twitter) : après avoir été déchu de son rôle d'ambassadeur auprès de l'association "Les Papillons" qui lutte contre les violences faites aux enfants, l'acteur s'est dit "sincèrement désolé, bouleversé même", reconnaissant avoir signé "sans connaître la mouvance idéologique dans laquelle évolue la plume de cette pétition, mouvance à des années-lumière de [ses] engagements"


La réalisatrice, scénariste et autrice Nadine Trintignant a officiellement retiré sa signature de la tribune. Une annonce faite au magazine Le Point vendredi, accompagnée de la raison qui l'a poussée à soutenir Gérard Depardieu : "Je suis contre le lynchage médiatique que j'ai vécu avec violence dans la presse, qui parlait de crime passionnel au sujet de ma fille. Aujourd'hui, on en parle comme d'un meurtre et c'est bien". Sa fille, l'actrice Marie Trintignant, a été tuée par le chanteur Bertrand Cantat en 2003. Aujourd'hui âgée de 89 ans, Nadine Trintignant a rétropédalé après avoir découvert l'identité de l'auteur de la tribune : "Je demande aux personnes que j'ai choquées de ne pas m'en vouloir de ma grave erreur."

Enfin, l'acteur Jean-Claude Dreyfus s'est contenté d'un bref message posté mardi soir sur son compte X pour se désolidariser lui aussi de cette tribune.

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