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"Le Consentement", adaptation glaçante du livre choc de Vanessa Springora au cinéma

Pour son deuxième film, la réalisatrice Vanessa Filho porte à l'écran "Le Consentement", le livre de Vanessa Springora de 2020 qui avait fait l'effet d'une bombe décrivant l'emprise de l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff sur elle, alors jeune adolescente. Fidélité au texte, interprétation virtuose, un film événement en salles mercredi.
Article rédigé par Sabine Gorny
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Jean-Paul Rouve et Kim Higelin dans "Le consentement" de Vanessa Filho d'aprés l'ouvrage de Vanessa Springora. (Pan Distribution)

ll y a trois ans, Vanessa Springora publiait chez Grasset Le Consentement, un livre choc sur sa relation traumatisante, alors qu’elle avait 13 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, âgé de 50 ans à l’époque, et sur l’emprise durable qu’exerça sur elle ce prédateur sexuel. Transposer au cinéma cette autobiographie glaçante était périlleux. Vanessa Filho, la réalisatrice, réussit avec son film éponyme qui sort mercredi 11 octobre, le pari d’une adaptation fidèle, grâce à la performance incroyable de Jean-Paul Rouve, terrifiant en manipulateur pervers. Un film fort et glaçant qui devrait replacer encore un peu plus le principe du consentement au centre des discussions. 

Une autobiographie qui a fait bouger les lignes 

Souvenez-vous. En janvier 2020, le livre de Vanessa Springora faisait l’effet d’une bombe dans le milieu littéraire. Elle y racontait comment, à la fin des années 80, âgée de 13 ans, en mal de père et croyant à l’amour, elle était tombée dans les griffes de l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff. Fascinée par le charisme de cet auteur alors adoubé par le monde culturel parisien, elle y décrivait de façon implacable la relation d’emprise psychologique que Matzneff avait su mettre en place en raison de son prestige d’écrivain et de sa position dominante d’adulte.

Dans le sillage du mouvement #MeToo, le livre a connu un succès impressionnant, engendrant une polémique sur la pédophilie, la pédocriminalité et la liberté des mœurs dans les années 1980 et 1990. Que pouvait apporter le cinéma à un tel récit et à la puissance des mots de l’écrivaine ? On est en droit de se poser la question. Comment mettre en images une histoire si personnelle, au risque de trahir son autrice  ? 

Les mots du prédateur en voix-off

Vanessa Filho, dont c’est seulement le second film, évite cet écueil car elle s’est attachée à reprendre la trame du roman très fidèlement. Elle décrit la rencontre entre la jeune fille, campée par Kim Higelin – petite-fille du chanteur décédé en 2018 –, formidable en adolescente sous contrôle, et l’écrivain, interprété de façon magistrale par Jean-Paul Rouve, métamorphosé pour l’occasion et glaçant d’effroi tout au long du film. Puis, elle retrace la manière dont le prédateur, usant de ses mots, va l’enfermer dans cette relation toxique.

De façon clinique, Vanessa Filho parvient à décortiquer le mécanisme de l’emprise et les techniques de manipulation du prédateur sur cette jeune fille, inconsciente de son sort, au début du moins. Une emprise obtenue grâce à la littérature. Des mots dont, vaniteux et égocentré, Matzneff se gargarise. Des mots prononcés tout au long du film en voix-off par Jean-Paul Rouve – un parti pris de réalisation – qui donnent à voir et surtout à entendre la monstruosité de l’écrivain. "J’aurais été si fier que tout le monde me voie avec ma belle écolière", dit-il au hasard des centaines de lettres adressées à l’étudiante.

L’omerta du milieu littéraire 

Le film, interdit aux moins de 12 ans, est souvent difficile à regarder, même s’il ne met jamais le spectateur en situation de voyeur. Ce qui est insupportable, c’est de voir comment l’adolescente, hypnotisée par l’intelligence de Matzneff, éblouie par la faculté du monstre à convaincre et à mettre le milieu littéraire dans sa poche, va peu à peu lui céder, consciente pourtant qu’il y a là quelque chose d’anormal, mais ne trouvant pas chez sa mère (épatante Laetitia Casta) ni chez ses proches une aide quelconque pour sortir du piège qui peu à peu se referme sur elle.

L’occasion de se rappeler la complaisance de la sphère littéraire de l’époque, aveuglée par la célébrité, et l’omerta dont a bénéficié pendant des années Matzneff, protégé par ses pairs. L’occasion de revoir aussi le courage de l’écrivaine québecoise Denise Bombardier, décédée en juillet dernier. Elle est la seule en 1990, durant une émission d’"Apostrophes" de Bernard Pivot, au cours de laquelle Gabriel Matzneff se vante de ses conquêtes adolescentes devant un auditoire goguenard, à dénoncer le scandale de ses relations sexuelles avec des mineures, couvert par le prétexte de la littérature. Quand on sait que Denise Bombardier avait reçu des menaces suite à la diffusion de l’émission, on se dit que c’est aussi le procès d’une époque que dresse Le Consentement de Vanessa Filho. Un film glaçant. Et nécessaire.

Affiche du film de Vanessa Filho, "Le Consentement". (PAN DISTRIBUTION)


La fiche

Genre : drame, biopic 
Réalisateur : Vanessa Filho
Acteurs : Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta, Elodie Bouchez
Pays : France
Durée : 1h58
Sortie : 11 octobre 2023
Distributeur : Pan Distribution
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement.
Synopsis : Paris, 1985. Vanessa a 13 ans lorsqu'elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l'amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.

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