Vendée Globe : les héros heureux et malheureux d'une édition riche en rebondissements
• Yannick Bestaven, leader par le coeur
Même s'il n'a pas franchi la ligne d'arrivée de ce Vendée Globe en premier, Yannick Bestaven n'aura pas volé son sacre. Resté le plus longtemps en tête (près d'un mois), le skipper Maitre Coq IV a été le premier à franchir le mythique Cap Horn. Une consécration pour le skipper qui n'a pas caché sa joie en direct de son monocoque : "Passer le cap Horn, c’est déjà quelque chose pour un marin, sur un premier tour du monde en solitaire encore plus, mais en tête du Vendée Globe, c’est dingue !"
Des soucis techniques lui avaient ensuite fait perdre le leadership de la course, suscitant une énorme déception chez lui. "Il y a beaucoup de choses difficiles pour moi en ce moment. Je n’ai plus un bateau intact depuis le cap Horn. (...) Je préfère le dire aujourd’hui. Je pensais que je pouvais le masquer mais ce n’est plus le cas. (...) Je suis déçu parce que j’aurais beaucoup aimé jouer les premiers rôles jusqu’à la fin." Mais le natif de Saint-Nazaire n'a jamais abandonné jusqu'à être récompensé pour son esprit sportif et solidaire grâce aux compensations temporaires qui lui avaient offertes par le jury lorsqu'il s'était dérouté pour porter secours à Kevin Escoffier le 30 novembre dernier.
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• Boris Herrmann l'accident de dernière minute
Il était engagé dans un bras de fer à 4 dans la dernière ligne droite, lors du dernier jour de son Vendée Globe. L'Allemand Boris Herrmann (SeaExplorer-Yacht Club de Monaco) pouvait même devenir le tout premier étranger vainqueur de la course en solitaire et sans escale. Comme le futur vainqueur Yannick Bestaven, il bénéficiait de bonifications après avoir apporté son aide dans le secours de Kevin Escoffier (6h exactement) et pouvait espérer être sacré même en franchissant la ligne après certains concurrents.
Mais le skippeur allemand a perdu toutes ses chances à 90 milles de l'arrivée. Après 80 jours de course, il a fallu qu'un bateau de pêche vienne le heurter au large des côtes françaises. S'il a rapidement confirmé qu'il était sain et sauf, et qu'il poursuivait sa route à allure régulière, Herrmann n'était pas encore arrivé quand le 4e à franchir la ligne, Thomas Ruyant (LinkedOut), amarrait déjà son embarcation.
• Le sauvetage d'Escoffier par Le Cam : un moment d'anthologie
On a tous eu très peur quand une voie d'eau s'est déclenchée sur le bateau de Kevin Escoffier le 30 novembre. Alors qu'il est troisième au classement, le skipper PRB déclenche sa balise de détresse. Le vétéran de la course Jean Le Cam se rend dans la zone pour tenter de lui porter secours. Un contact visuel est établi et un échange vocal a lieu entre les deux hommes mais ceux-ci perdent contact suite aux manoeuvres et aux conditions météo compliquées.
Les heures passent et l'inquiétude monte. Après plusieurs heures en mer sur un radeau de sauvetage, Escoffier est sauvé des eaux par Le Cam en pleine nuit à la limite entre l'Océan Atlantique et l'Océan Indien. Un sauvetage qui sera même salué par le président de la République Emmanuel Macron.
"Vous voyez les films sur les naufrages ? C'était pareil en pire", expliquera le marin. "Je suis parti en surf sur une vague, et dans le bas de la vague, le bateau s'est plié en deux." Plus de peur que de mal, heureusement, pour le vainqueur de l'Ocean Race 2018. Et une nouvelle histoire humaine incroyable qui entre d'emblée dans la légende du Vendée Globe.
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• Damien Seguin brise la barrière du handisport
Le marin guadeloupéen a montré que oui, il était possible de s'élancer sur le Vendée Globe même avec un handicap (il n'a qu'une seule main, NDLR). À bord de son monocoque groupe Apicil, Damien Seguin bataille encore de haute lutte pour accrocher un top 5 pour sa première participation.
Sa traversée du Cap Horn restera gravée à jamais. "J’ai toujours rêvé de le faire mais en disant que ça doit être super compliqué d’arriver là. Mais j’ai réalisé ce pari. Oui j’ai fait un truc de dingue, avec des rêves fous et incroyables dans ma tête", nous expliquait-il début janvier.
• Jérémie Beyou, le courage dans la peau
L'étiquette du favori lui collait à la peau. Jérémie Beyou, 44 ans, a remporté presque toutes les courses à la voile qui comptent : Transat Jacques Vabre, Solitaire du Figaro, Volvo Ocean Race. Presque... car manque à son palmarès la Route du Rhum et le Vendée Globe. Dès lors l'objectif était clair dès le départ pour le skipper Charal. Mais ses rêves de victoire se sont envolés en quelques heures.
Une nuit très compliquée, plusieurs avaries... Le marin est contraint de faire demi-tour après une collision avec un objet flottant non identifié. Après des réparations de fortune et bien aidé par son équipage, Beyou repart le 17 novembre des Sables d'olonne, avec 9 jours et quelques 2 700 milles nautiques de retard. Dès lors le match de boxe reprend. Pas KO, le skipper signera le meilleur temps de la flotte entre Bonne Espérance et le Cap Horn. Une démonstration de courage et de persévérance exemplaire.
• Troussel, Thomson, Davies, Joschke... Les abandons malheureux
Ils étaient 33 sur la ligne de départ. Ils ne seront (normalement) que 25 à franchir la ligne d'arrivée. Huit skippers ont été contraints à l'abandon dans cette 9e édition du Vendée Globe. Problèmes techniques, avaries et OFNI sont les principales raisons qui ont poussé ces marins à tracer une croix sur leur rêve de tour du monde. Le premier malheureux est le skipper Français Nicolas Troussel (Corum L'Épargne) suite à un démâtage. Parti favori, le Britannique, Alex Thomson (Hugo Boss) a également dû tirer un trait sur ses chances de victoire à cause d'une avarie. Sébastien Destremeau (Merci), Fabrice Amedeo (Newrest - Art et Fenêtres) et Sébastien Simon (ARKEA-PAPREC) auront, eux aussi, fait partie des malchanceux de cette édition.
Pourtant revenue plus forte après chaque problème technique rencontré, la skippeuse MACSF, Isabelle Joshcke s'est aussi vu dans l'obligation de renoncer. "Je suis extrêmement triste de devoir abandonner. Je trouve que le Vendée Globe aura été dur avec moi mais je suis quand même fière de mon parcours", a-t-elle déclaré en annonçant son abandon après avoir réalisé une course remarquable aux avant-postes.
Abandonner ? Certes, mais ne jamais baisser les bras ! C'est ce qu'aura montré la Britannique Samantha Davies. Contrainte à l'abandon après avoir heurté un OFNI, la skipper Initiatives-Coeur a décidé de reprendre les commandes hors course de son IMOCA pour terminer un projet qui lui tenait à coeur : "sauver les enfants".
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• Sébastien Destremeau, le calvaire de la lanterne rouge
Le Vendée Globe est toujours synonyme d'épopée, dans tout ce qu'elle a de plus belle, comme de plus pénible. Pour Sébastien Destremeau, l'édition 2020 ne restera sans doute pas comme le meilleur des souvenirs. A bord de Merci, le skippeur français aura vécu une course contre lui-même et son navire, plutôt que contre les autres. Loin, très loin même du reste de la flotte, le Toulonnais a dû se résigner à jeter l'éponge le 16 janvier, alors qu'il longeait la Nouvelle-Zélande quand la tête de la course remontait déjà l'Atlantique depuis plusieurs jours.
Destremeau a connu de multiples problèmes durant l'épreuve, et avait fait le choix de partir avec un bateau âgé et loin d'être optimal, faute de moyens. Il avait notamment décidé de partir avec une casquette, une des protections de la cabine, faite de carton avant de constater sur le parcours une importante fissure à l'avant de la coque. La lanterne rouge de l'édition 2016 est décidément un navigateur à part, qui aura marqué le Vendée Globe 2020 par sa personnalité hors du commun (il a notamment posté un slam en pleine mer) et son défi un peu fou – au point que la question de sa lucidité à bord a un temps inquiété les organisateurs. "Mais je ne peux pas lui demander de se retirer" avait expliqué Jacques Caraës, le patron du Vendée Globe. Il n'a finalement pas eu à le faire.
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