Tricherie aux JO, gestion de la fédération... Malgré plusieurs affaires, Didier Gailhaguet se maintient à la tête des sports de glace depuis 20 ans
L'indéboulonable président de la Fédération française des sports de glace a accumulé les affaires après 20 ans de présidence. La ministre des Sports a même parlé d'un "dysfonctionnement général".
Sa longévité est assez unique. Didier Gailhaguet est depuis plus de 20 ans à la tête de la Fédération française des sports de glace. En plein scandale de violences sexuelles dans le patinage français, l'indéboulonnable président est appelé à la démission par la ministre des Sports, Roxana Maracineanu. Didier Gailhaguet a repoussé toute décision à la fin de la nouvelle enquête administrative diligentée par la ministre. Le président de la FFSG est mis en cause dans la gestion du cas Beyer, accusé de viols et d'abus sexuels sur des patineuses dont Sarah Abitbol. Mais depuis 20 ans, les affaires s'accumulent. La ministre des Sports a même fustigé un "dysfonctionnement général" au sein de la fédération.
La tricherie à Salt Lake City
Depuis son arrivée en 1998, Didier Gailhaguet résiste aux affaires. La première éclate en 2002 lors des Jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City aux États-Unis. Le président de la Fédération française des sports de glace est accusé de tricherie. Selon la juge française de l'épreuve de patinage artistique, elle aurait attribué une note de complaisance à l'équipe russe, sur instruction du président de la FFSG, pour que le couple de danseurs français bénéficie à son tour de la complaisance des Russes.
"Didier Gailhaguet n'est pas vraiment l'exemple à montrer à nos enfants en termes de valeurs morales", a condamné Gwendal Peizerat, l'ex-patineur sur la glace le jour de cette tricherie. Le scandale est alors mondial et l'homme fort du patinage français écope d'une interdiction de toute fonction à l'international durant trois ans, ce qui ne l'empêche pas d'être réélu cette même année avec 84,5% des suffrages exprimés à la tête de la FFSG. En 2003, un rapport ministériel fragilise encore Didier Gailhaguet en faisant état d'"un système de fonctionnement personnel", instauré par le président et intervenant "constamment sur le champs de compétences du DTN", le directeur technique national.
En 2004, nouvelle affaire. Epinglé par la Cour des comptes pour des dérives de gestion de la Fédération des sports de glace, Didier Gailhaguet doit démissionner de la présidence, contraint par son bureau exécutif. Il ne s'avoue pas vaincu et reste un personnage central du patinage français en devenant le conseiller personnel de la star des Bleus, le patineur Brian Joubert.
Toujours réélu haut la main
Malgré les scandales et les affaires, Didier Gailhaguet reste en poste. Il est même reconduit facilement à chaque élection avec par exemple 88% des voix en 2010. En 2018, l'ancien champion de France de patinage n'a même aucun rival face à lui. "Didier Gailhaguet est omnipotent dans la fédération", affirme à franceinfo Gwendal Peizerat.
Au micro, rares sont les personnes qui veulent bien s'exprimer sur leur président. En revanche, en coulisses, les langues se délient un peu pour évoquer "le petit Napoléon",comme ils le surnomment. Didier Lucine, entraîneur à Annecy, l'appelle quant à lui "Tullius Detritus", personnage dans Astérix qui cherche à diviser pour mieux régner. "Le fonctionnement de Didier, c’est de faire des casseroles à chacun et de les garder sous le coude pour tenir un petit peu tout le monde, explique-t-il à franceinfo. Je pense qu’il va tout faire pour ne pas démissionner."
"Si tu vas contre lui, t'es mort"
Muriel Zazoui, triple championne de France de danse sur glace, souhaite que ce scandale fasse changer les choses à la fédération. "J’espère qu’il va y avoir du changement, dit-elle à franceinfo, parce que l’image du patinage est vraiment salie actuellement. Il faut qu’il y ait une nouvelle époque parce qu’il s’est passé quelque chose de terrible".
Si Muriel Zazoui et Didier Lucine osent parler, l’écrasante majorité des interlocuteurs contactés par franceinfo évoquent un système basé sur la peur où personne n'ose bouger "une oreille". "Si tu vas contre lui, tu es mort" nous a même dit l'un d'eux. Un ancien champion de bobsleigh en colère dénonce ainsi "une fédération pourrie" mais refuse de s'exprimer publiquement par peur des représailles. Un champion de short-track a lui parlé il y a quelques années pour dénoncer le "bricolage et le manque de moyens dans son sport" : sa carrière a été stoppé nette, nous dit-il.
Peur des représailles, peur de se faire couper les vivres ou les subventions : "C'est l'enfer, il n'y a rien de sain" explique encore un entraîneur toujours en poste qui évoque un système de promesses financières ou de promotions quelques mois avant les élections. Il avait d'ailleurs lui-même été promu entraîneur national mais cela n'a duré que trois mois. Mais même pour une si courte période, "on ne peut pas refuser". Cet entraîneur se montre sceptique sur une prochaine démission de Didier Gailhaguet, craignant qu'il continue à piloter la fédération à distance. "C'est un homme de dossiers", conclut-il.
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