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Mondial 2014 : pourquoi l'élimination des Bleus n'est pas souhaitable (même si vous détestez le foot)

Vous pensiez passer un été tranquille grâce aux joueurs ukrainiens ? Vous vous trompez.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le banc de l'équipe de France contre l'Ukraine, le 15 novembre 2013 à Kiev (Ukraine). (FRANCK FIFE / AFP)

Vous n'aimez pas les Bleus. Vous n'aimez peut-être même pas le foot. Vous vous réjouissez de l'élimination annoncée des hommes de Didier Deschamps contre l'Ukraine, mardi 19 novembre, après leur défaite 0-2 à l'aller. Vous avez tort. Francetv info vous dit pourquoi la Coupe du monde sans l'équipe de France ne vous amusera pas.

Parce qu'il faudra subir la "thérapie de groupe" des politiques

Depuis 1998, les politiques ont pris l'habitude de tirer la couverture à eux sur tout ce qui touche à l'équipe de France. A l'issue du match aller de vendredi, Marine Le Pen a par exemple dénoncé "l'ultralibéralisme" qui, "appliqué au football, donne des résultats épouvantables". Jean-Luc Mélenchon, invité dimanche de l'émission "C Politique" sur France 5, a refusé de parler de ceux qui ne payent pas leurs impôts en France. Le député UMP Yannick Favennec a demandé sur Twitter la "dissolution" de l'équipe de France, quand l'ex-ministre de la Défense Hervé Morin a de son côté fait un parallèle avec la situation économique. François Baroin, ancien ministre, a lui comparé Didier Deschamps à François Hollande dans L'est-éclair : "Il faut un chef, une équipe, un projet, comme en politique."

Imaginez ce qui se passera en cas d'élimination. Il faudra compter au minimum trois mois de thérapie collective, chaque dirigeant politique se fendant de sa petite analyse. Les sociologues se sont eux déjà emparés de la question, comme Julien Sorez, dans le JDD : "Un échec pourrait alimenter l’idée d’un déclin [de la société française]."

Parce qu'on en fera des tonnes sur Wimbledon et le Tour de France

Saviez-vous que Nathalie Tauziat et Amélie Mauresmo ont atteint la finale de Wimbledon, en 1998 et 2006 ? Sans doute pas, car elles ont eu le malheur d'y parvenir la veille d'une finale de Coupe du monde disputée par les Bleus.

En cas d'élimination de l'équipe de France, attendez-vous à ce qu'on analyse en détail les performances d'un Richard Gasquet ou d'un Jo-Wilfried Tsonga à Wimbledon (historiquement le tournoi qui réussit le mieux aux Français) et qu'on se passionne pour les étapes de plaine du début du Tour de France – qui seraient passées à l'as en cas de bon parcours des Bleus. Ça tombe bien, il y a une superbe étape de pavés le 9 juillet, jour des demi-finales du Mondial.

Parce que vous devrez vous intéresser aux élections européennes

En cas de qualification, les Bleus partiraient en stage à la mi-mai, quelques semaines avant le début de la compétition. Avec quelques matchs amicaux de rodage programmés, pourquoi pas, autour du 25 mai, pile la date des élections européennes.

Un scrutin qui passe au second plan derrière les municipales, programmées en mars, et qui d'habitude bat tous les records d'abstention (près de 60% en 2009). Vous regretterez avoir souhaité la déroute de l'équipe de France quand on vous enverra des articles comme "Pourquoi il faut s'intéresser aux élections européennes", de la fondation Terra Nova.

Parce que vous soutiendrez la Belgique ou la Suisse. Sûr ?

En cas de non-qualification au Mondial ou à l'Euro, il est coutume de se rabattre sur les pays voisins. Lequel allez-vous choisir ? La Belgique ? La dernière fois que les Français ont manqué une grande compétition internationale, en 1994, une partie des supporters avaient décidé de soutenir le Plat pays. Mais la belle entente footballistique se conjugue au passé : après quinze ans de "et un, et deux, et trois-zéro !" et davantage à faire des blagues sur les Belges, les Bleus ont mauvaise presse outre-Quiévrain. "Je me souviens encore avoir assisté, les yeux mouillés, à la déroute des Français contre le Mexique (0-2) en 2010, accompagné dans mon malheur par une foule enchantée", raconte un français expatrié en Belgique dans les Cahiers du Football

Vous envisagez la Suisse ? Pas vraiment un pays de foot – là-bas, c'est le hockey qui a le vent en poupe. Pour preuve, la chaîne qui retransmet les matchs du championnat local rajoute parfois des chants de supporters pour faire croire qu'il y a de l'ambiance. Au moins, ça ne devrait pas trop vous changer du Stade de France…

Parce que vous devrez avoir un avis sur le nouveau sélectionneur

D'après les fins analystes de la psychologie de Didier Deschamps, ce dernier ne restera pas en poste en cas d'élimination, même si Noël Le Graët compte sur lui pour mener les Bleus à l'Euro 2016. Mais comme il y a soixante millions de sélectionneurs en France, vous n'échapperez pas aux discussions. Heureusement, francetv info a condensé l'essentiel du débat à venir :

- Vous voulez passer pour un fin connaisseur du football européen, prompt à surfer sur la hype du moment : votez Rudi Garcia, l'entraîneur qui a transformé le plomb en or à l'AS Rome.

- Pour vous, un sélectionneur doit avoir fait ses classes avec les jeunes (école Domenech/Lemerre) : votez Willy Sagnol, qui se positionne discrètement, mais sûrement, chez les Espoirs. 

- Vous cherchez l'homme providentiel : votez Zinedine Zidane pour refaire le coup du "sauveur", que la fédération de foot a tenté en nommant Michel Platini en 1988.

- Votre truc, c'est le look : votez Frédéric Antonetti pour le retour des chemises ouvertes, avec poils qui dépassent et chaîne en or qui brille. On n'a plus vu ça sur le banc des Bleus depuis Henri Michel, en 1988.

Parce que quoi qu'il arrive, vous ne couperez pas au tube de l'été made in Brazil

Une pensée pour les Belges à qui on serine déjà : "Quand les Belges gagneront la Coupe du monde / on se promènera tous à poil / on sera toujours en sandales."

En attendant leur éventuel sacre mondial, le 13 juillet 2014, les habitants du Plat pays subiront aussi Viva Brasil, hymne censé encourager l'équipe de Belgique : "Quand dans le ciel on voit passer des avions / on voudrait s'accrocher pour être plus près de nos champions."

Mais ne vous réjouissez pas trop vite, car l'Hexagone ne devrait pas y échapper. Football ou pas, un bon tiers des chansons sur lesquelles vous danserez cet été seront nées sur les plages de Copacabana.

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