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Tennis : Wimbledon lave plus blanc

Vous n'êtes pas au courant du scandale de la culotte de Maria Sharapova et des semelles de Roger Federer ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
La joueuse de tennis russe Maria Sharapova a fait scandale avec sa culotte orange, qui contrevient au dress code de Wimbledon, le 24 juin 2013.  (CLIVE BRUNSKILL / GETTY IMAGES)

La nouvelle a fait le tour du monde, mercredi 25 juin. La direction du tournoi de Wimbledon demande à Federer... de changer de chaussures. En cause, leur couleur orange, impropre au dress code du très sélect tournoi du sud de Londres. Pour le moment, la culotte orange de Maria Sharapova - éliminée mercredi -, qu'on ne peut pas louper à chaque point, est passée entre les mailles de la censure. Retour sur une des règles les plus dingues du tennis. 

De la tyrannie des corsets à Catwoman

Page 80 du guide de la compétition, distribué aux joueurs, on peut lire : "Pour tous les matchs, hormis certains entraînements, chaque vêtement porté par les joueurs devra être en grande partie de couleur blanche. Tout participant qui pénétrerait sur le court vêtu de manière inappropriée peut être disqualifié." La règle du "predominantly in white" remonte à 1963, avant d'être assouplie en 1995 en "almost entirely in white". Subtilité de la langue anglaise. 

La tenue blanche a été instaurée chez les femmes pour masquer les traces de transpiration. Aux temps héroïques du tennis, les joueuses disputaient les rencontres vêtues comme dans un salon victorien. Jusqu'à l'arrivée de la Française Suzanne Lenglen, après la première guerre mondiale. "Elle a libéré les joueuses de la tyrannie des corsets", s'écrie Elizabeth Ryan, victorieuse de... dix-neuf Wimbledon. Pas que des corsets d'ailleurs : Suzanne Lenglen joue avec un manteau de fourrure, se remaquille au changement de côté, et a toujours une flasque de cognac sous le coude pour se donner du courage. La famille royale, présente en tribune officielle, n'apprécie guère.

La joueuse de tennis Gertrude Moran, qui a fait scandale lors de Wimbledon 1949 avec sa culotte dépassant sous sa jupe.  (GEORGE W. HALES / GETTY IMAGES)

C'est le début d'une guerre de chiffonniers entre les officiels et les joueuses (les joueurs n'entreront en résistance que bien plus tard). En 1949, Gertrude Moran, surnommée Gorgeous Gussie - "la sublime Gussie" en VF - laisse dépasser ses dessous colorés sous sa jupe blanche. Le All England Tennis Club l'accuse "d'introduire la vulgarité et le péché dans le tennis". Dans les années 1980, le marketing prend le dessus. En 1985, la joueuse Ann White arbore une combinaison "façon "Catwoman", toute blanche. Son match est interrompu par la pluie, et l'arbitre lui conseille fortement de trouver des vêtements plus classiques pour la reprise. Elle reconnaîtra sur la BBC (en anglais), après avoir perdu le match, qu'elle était "trop en avance sur son temps"

Une particularité devenue un jeu marketing

C'est avec Andre Agassi que les hommes vont rejoindre le front du refus. Le fantasque Américain joue au début des années 1990 avec des extensions capillaires, des cuissards roses et des shorts en jean. Il sèche Wimbledon entre 1988 et 1990, alors qu'il a disputé Roland-Garros quelques semaines plus tôt. Son entourage laisse entendre que c'est le dress code blanc qui le rebute - ce qui est faux, comme l'affirmera Agassi dans son autobiographie Open. Quand il se présente sur le court, en 1991, pour son entrée dans la compétition, la tension dans les tribunes est à son maximum. Agassi retire son survêtement... et dévoile une tenue blanche immaculée, avec des sponsors presque invisibles. "Une des tenues les plus blanches que j'aie jamais vues", se souvient Fee sur le forum TennisTalk (en anglais)

Andre Agassi à Wimbledon, le 20 juin 1991.  (BONGARTS / GETTY IMAGES)

Désormais, chaque Wimbledon est l'occasion pour les meilleurs joueurs de flirter avec le règlement. Les sœurs Williams ont ainsi déjà joué en imperméable ou en barboteuse. Maria Sharapova y est allée de son smoking. Quant à la fantasque Américaine Bettanie Mattek-Sands, elle s'est affichée avec une veste en cuir incrustée de balles de tennis ou des cheveux décolorés verts et violets… comme le logo du tournoi. Vous avez dit marketing ? Ça marche : les chaussures interdites de Federer, en vente en édition limitée sur la boutique en ligne de son équipementier, ont toutes trouvé preneur en deux jours, à 130 euros la paire, note ESPN (en anglais)

"Il m'a demandé si ma casquette avait été validée"

Pour tenter de lutter contre les dérives, chaque vêtement doit être soumis à un jury et approuvé. Andy Murray, le chouchou du public, a failli se faire tirer les oreilles à domicile. En 2006, un officiel le rattrape à son entrée sur le court. Murray raconte la suite au Telegraph (en anglais) : "Il m'a demandé si ma casquette avait été validée, car il y avait un peu de bleu dessus. J'ai menti et je lui ai dit que c'était le cas. Il a quand même appelé l'arbitre pour savoir si c'était convenable. Heureusement, ça l'était." D'autres n'ont pas eu cette chance : l'équipementier de l'ancien joueur britannique Tim Henman a fait un procès en 2006 au All England Tennis Club... dont Henman fait partie, pour l'avoir obligé à raboter ses célèbres trois bandes. 

N'allez pas croire que les organisateurs n'en profitent pas non plus. En 2008, dans une interview au Guardian (en anglais), Ian Ritchie, un des directeurs du tournoi, explique : "Nous avons 35 magasins en Chine, et nous sommes le seul tournoi du Grand Chelem diffusé sur une chaîne hertzienne au Japon. Je suis convaincu que c'est parce que notre tournoi est unique. Quelqu'un qui regarde Wimbledon va immédiatement identifier le tournoi, car il ne ressemble à aucun autre." 

Wimbledon est aussi célèbre pour ses spectateurs qui mangent des fraises à la crème dans les tribunes - 30 tonnes seront englouties pendant le tournoi - et ses files d'attente légendaires - les stewarts distribuent des guides de 40 pages pour faire la queue avec dignité. Le tournoi est un peu connu pour le côté tennis, aussi. 

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