: Récit "C'est un symbole de Paris qui est en train de s'écrouler" : pendant 12 heures, les flammes ont ravagé Notre-Dame de Paris
Le feu s'est propagé très rapidement et a dévoré la charpente, longue de plus de 100 mètres de long et baptisée "la forêt" en raison du grand nombre de poutres en chêne.
La physionomie de Paris n'est plus la même, au lendemain de l'incendie qui a ravagé Notre-Dame. Mardi 16 mars, la toiture de la cathédrale est intégralement sinistrée, la flèche qui surplombait ce joyau architectural, symbole du paysage de la capitale, s'est effondrée, ainsi qu'une partie de la voûte de l'édifice qui s'est écroulée dans la nef centrale. Notre-Dame est défigurée, mais toujours debout.
>> Incendie de Notre-Dame : suivez en direct les suites de l'intervention
Les pompiers ont lutté pendant douze heures avec l'incendie qui s'est déclenché lundi soir, peu après 18 heures. Franceinfo revient sur la chronologie des événements, du départ des flammes à leur pénible extinction.
Le feu part des combles
Une première alerte est donnée à 18h20, mais aucun départ de feu n'est constaté à ce stade. A 18h43, une seconde alerte permet de constater un incendie au niveau de la charpente. A 18h50, d'épaisses nappes de fumée s'élèvent déjà dans le ciel de Paris. "Au départ, je pensais que c'était l'Hôtel-dieu et puis en fait j'ai compris que c'était la cathédrale", raconte Olivier De Chalus, le responsable des guides bénévoles de la cathédrale.
Notre Dame on fire! @BBCWorld @cnnbrk pic.twitter.com/HeqjoqYR04
— Marga Abejo-Momper (@faiyah) April 15, 2019
Le feu démarre dans les combles, et semble partir d'échafaudages installés sur le toit de l'édifice, où un chantier de restauration est en cours. Le feu se propage très rapidement, et dévore la charpente, longue de plus de 100 mètres de long et baptisée "la forêt" en raison du grand nombre de poutres en chêne qu'il a fallu utiliser pour la mettre en place.
"On a été obligés de s'abriter parce que des braises de la taille d'une balle de ping-pong nous tombaient sur la tête", raconte Olivier De Chalus, arrivé sur le parvis de la cathédrale à 19 heures. Les flammes gonflent et le brasier orange ne cesse de grossir.
Fire spreading pic.twitter.com/BP135ZgH2b
— Marga Abejo-Momper (@faiyah) April 15, 2019
"Il faut rapidement faire les bons choix"
Dès le départ du feu, un important dispositif de secours se mobilise. "Est-ce-qu'on va avoir le dessus ? Est-ce-que c'est nous qui allons reprendre la main ? Est-ce que cela ne va pas nous échapper ?" : lorsqu'ils arrivent sur les lieux de l'incendie, les pompiers doivent évaluer la situation à laquelle ils doivent faire face, explique le lieutenant-colonel Gabriel Plus, porte-parole des pompiers de Paris. "Il faut très rapidement faire les bons choix en prenant en compte le vent, en prenant en compte les travaux, en prenant en compte les moyens hydrauliques."
#Intervention en cours à #NotreDame
— Pompiers de Paris (@PompiersParis) April 15, 2019
Un dispositif important est déployé. Merci de ne pas encombrer la ligne 18/112, laissez libre accès aux sapeurs-pompiers de Paris, pour leur permettre d'intervenir dans les meilleures conditions. pic.twitter.com/jRiHoNo6rf
Quatre cents pompiers avec 18 lances à incendie, certains juchés sur des bras mécaniques à des dizaines de mètres de hauteur, se démènent pour tenter de circonscrire au plus vite le feu. L'eau est pompée directement depuis la Seine située à quelques dizaines de mètres, à l'aide de petites embarcations reliées à d'immenses tuyaux.
"On vient voir la beauté qui s'effondre"
Une partie de l'île de la Cité est toujours en cours d'évacuation vers 19h30. Sur l'esplanade de l'Hôtel de Ville, sur les bateaux-mouches, tout le long des quais de la Seine, Parisiens et touristes du monde entier arrêtent leur course, médusés par l'épais panache jaunâtre et les flammes qui grignotent à toute vitesse la toiture de Notre-Dame. Beaucoup filment ou font des photos avec leur téléphone, certains sont trop choqués pour le faire. D'autres s'étreignent, en silence.
Vers 19h50, la flèche de la cathédrale, haute de 93 mètres, s'effondre. Des cris de stupeur des badauds et des pleurs s'élèvent.
"C'est un symbole de Paris qui est en train de s'écrouler, devant lequel on vient se recueillir", résume Marie, doctorante et résidente du 5e arrondissement, sur le pont de Sully. "On vient voir la beauté qui s'effondre, c'est un édifice prodigieux qui est en train de brûler."
Emmanuel Macron annule son allocution
A l'Elysée, le chef de l'Etat vient d'enregistrer son allocution télévisée d'une vingtaine de minutes, attendue de longue date et censée répondre à la crise des "gilets jaunes". Son intervention doit être diffusée à la télévision à 20 heures. Mais l'Elysée annonce que son intervention est reportée, en raison du "terrible incendie qui ravage Notre-Dame de Paris", sans donner de nouvelle date de diffusion de l'allocution.
A 20h05, Emmanuel Macron s'exprime sur Twitter. Le chef de l'Etat dit partager l'"émotion de toute une nation". Le président rejoint le parvis, en compagnie de son épouse Brigitte et du Premier ministre Edouard Philippe, pour échanger avec les pompiers avant de se diriger vers la préfecture de police, juste en face de la cathédrale.
Notre-Dame de Paris en proie aux flammes. Émotion de toute une nation. Pensée pour tous les catholiques et pour tous les Français. Comme tous nos compatriotes, je suis triste ce soir de voir brûler cette part de nous.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 15 avril 2019
Plusieurs responsables étrangers font aussi part de leur émotion, Donald Trump évoquant des "images terribles à voir", Angela Merkel "un symbole de la France et de notre culture européenne" et le maire de Londres Sadiq Khan des "scènes déchirantes". Le Vatican, de son côté, exprime "incrédulité" et "tristesse".
Des prières pour arrêter les flammes
Dès 20 heures, ils sont des dizaines à affluer sur la place Saint-Michel, à quelques centaines de mètres de la cathédrale, pour réciter ensemble un chapelet. Des chants chrétiens, en écho au "Je vous salue Marie", s'élèvent dans la foule.
Plusieurs dizaines de personnes prient et chantent devant l'Église Saint-Julien-le-Pauvre, a quelques dizaines de mètres de #NotreDame. pic.twitter.com/nuXwgWr1LO
— Robin Prudent (@robin_prudent) 15 avril 2019
"C'était bouleversant de voir une telle ferveur et une telle foule. On était en communion de prière avec des millions de chrétiens dans le monde", décrit Etienne Vermersch, "catholique pratiquant", qui a prié "pendant des heures et des heures".
"Il y a eu des scènes incroyables, deux femmes voilées sont venues et ont récité des 'Je vous salue Marie' avec nous... Des signes incroyables de fraternité", poursuit Béatrice Reneaume, une infirmière de 23 ans venue avec deux amis, et qui raconte avoir "prié dans l'espoir d'arrêter les flammes".
"Les deux tours sont sauvées"
"Au moment où on se parle, l'incendie n'est pas circonscrit", déclare à 21h40 Laurent Nuñez, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur. Et de continuer : "Les sapeurs-pompiers attaquent cet incendie avec 18 lances à incendie, depuis l'extérieur mais aussi depuis l'intérieur, pour tenter de sauver cet édifice, ce qui à l'heure actuelle n'est pas acquis."
"Actuellement, la manœuvre vise à préserver l'arrière de la cathédrale, où sont situées les œuvres les plus précieuses, que nous sommes en train d'évacuer. Les œuvres les plus précieuses ont été mises à l'abri", déclare, également présent sur place, le général Jean-Claude Gallet, commandant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. "La seconde manœuvre concerne le beffroi nord, avec le risque d'effondrement des bourdons [cloches à son grave]. Si les bourdons s'effondrent, c'est l'effondrement de cette tour", ajoute-t-il. "Je vous laisse imaginer l'ampleur des dégâts."
Une heure plus tard, le pire semble évité. Les "deux tours de Notre-Dame sont sauvées" et sa structure est "sauvée et préservée dans sa globalité", annonce le général Jean-Claude Gallet à 22h50.
Des flammèches tombent encore du ciel
Philippe Marsset, vicaire général du diocèse de Paris, rentre dans la cathédrale à 23h30. "C'était incroyable, tout était noir, brûlé, ça sentait très fort", raconte-t-il. Une partie de la voûte s'est effondrée juste devant l'autel. Au sol, les débris de la flèche de la cathédrale continuent de se consumer. Des flammèches tombent encore du toit, ainsi que du plomb et du zinc fondu.
Un robot des pompiers muni d'un projecteur éclaire la croix dorée installée dans le fond de la cathédrale. Elle tient toujours debout, ainsi que Notre-Dame du pilier, une statue de Marie, à ses côtés. "C'est comme un symbole de dire que 'même dans le chaos, toi tu ne dois pas rester KO'", raconte le vicaire général du diocèse de Paris.
"Nous la rebâtirons"
Emmanuel Macron se rend à nouveau sur le parvis de la cathédrale peu après minuit pour prendre la parole. "Nous la rebâtirons", affirme-t-il devant l'édifice fumant, ajoutant que "le pire a été évité, même si la bataille n'est pas encore totalement gagnée".
Mais si les deux beffrois ont été sauvés, restaurer le bâtiment prendra "des années de travaux", estime le nouveau président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort.
Dans la nuit, la famille Pinault, l'une des plus riches de France, annonce débloquer 100 millions d'euros pour les travaux. Mardi, la Fondation du patrimoine lance une "collecte nationale" pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris, qui s'annonce longue et difficile.
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