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Infographies César 2021 : gros plan sur une année noire pour les salles de cinéma françaises

Article rédigé par Mathieu Lehot-Couette
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Une salle de cinéma vide à Mulhouse (Haut-Rhin), le 29 octobre 2020. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Entre fermetures, dates de sortie de films reportées et entrées en chute libre, le septième art, célébré vendredi soir, fait partie des grandes victimes collatérales de la pandémie de Covid-19. Les pertes pour les exploitants des salles de cinéma sont estimées à un milliard d'euros sur l'année 2020.

Ciao l'artiste. Il n'y aura pas de César du public cette année, pour la 46e cérémonie de la grand-messe annuelle du cinéma français, qui se tient vendredi 12 mars à l'Olympia, à Paris. Ce prix, qui avait récompensé Les Misérables en 2020, Les Tuche 3 en 2019 et Raid dingue, en 2018, disparaît trois ans après sa création. Et pour cause : jamais aussi peu de spectateurs n'auront été assis devant un grand écran que lors de l'année écoulée. Entre les fermetures des salles décrétées pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, les sorties repoussées et la montée en puissance des plateformes de streaming, la grande famille du cinéma vit l'une des périodes les plus noires de son histoire. Franceinfo revient sur cette année inédite en six graphiques.

Un début d'année 2020 compliqué

En temps normal, Eric Marti, directeur de Comscore France, une entreprise qui mesure les fréquentations des salles obscures, fait un point hebdomadaire avec ses collègues de l'étranger sur les derniers chiffres, en visioconférence. Et il y a un an, alors qu'on ne parlait pas encore de coronavirus, l'ambiance n'était déjà pas à la fête. "En février 2020, tous mes homologues avaient le sourire. Ils étaient presque tous dans le positif. L'Angleterre faisait +15%, le Portugal +5%. Mais moi j'étais plus morose. On a fait -22% entre le 1er janvier et le 10 mars", se souvient-il, auprès de franceinfo.

Avec seulement 32,25 millions de tickets vendus sur les mois de janvier et février, le début de l'année 2020 a été le deuxième plus mauvais démarrage depuis dix ans,  après celui de 2013 (29 millions). La faute à un manque de blockbusters américains tout public et à l'échec commercial et critique de certaines comédies françaises comme Le Lion, avec Dany Boon.

Depuis un an, 233 jours de fermeture

Pour ne rien arranger, le Covid-19 est arrivé en France, et avec lui un premier confinement généralisé. Le 14 mars 2020, le Premier ministre de l'époque Edouard Philippe annonce une première fermeture de rideaux. A l'instar des théâtres, des musées et des salles de concert, les cinémas doivent ainsi fermer leurs portes dès le samedi, à minuit. La lumière n'y revient que le 22 juin, après 99 jours d'arrêt complet de l'activité de toutes les salles obscures de France. Cependant, les écrans ne restent allumés que pendant 130 jours. Le 30 octobre, ordre est de nouveau donné d'éteindre les projecteurs en raison d'un second confinement national.

La réouverture, promise dans un premier temps pour le 15 décembre, n'aura finalement pas lieu. Cela fait 134 jours, depuis l'automne, que les portes des cinémas sont closes. Depuis le 15 mars 2020, les salles de cinéma ont ainsi cumulé 233 jours de fermeture (en date du 12 mars 2021), .

Des entrées au plus bas depuis la Première Guerre mondiale

Du fait de cette crise sanitaire sans précédent, l'année 2020 a été, sans surprise, catastrophique. Seuls 65,1 millions d'entrées ont été comptabilisées par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). "Il faut remonter à la Première Guerre mondiale pour trouver des chiffres aussi faibles", analyse Eric Marti. La fréquentation a chuté de 70% par rapport à 2019 (213 millions). Une telle baisse n'avait même pas été observée au début des années 1990, période au cours de laquelle les entrées avaient considérablement chuté. Les salles vieillissantes subissaient alors de plein fouet l'essor de la télévision et de Canal+ ainsi que le développement des ventes de films en VHS. "Au total, les exploitants ont perdu un milliard d'euros sur l'année 2020", affirme Marc-Olivier Sebbag, représentant de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), contacté par franceinfo.

L'été et l'automne n'ont pas (assez) fait recette 

Les exploitants auraient pu espérer un retour en masse des spectateurs à l'occasion du déconfinement, mais rien de tel ne s'est produit. Le 22 juin, jour de la réouverture des salles après le premier confinement, le public ne se bouscule pas dans les salles de cinéma. Sur les 130 jours qui ont couru jusqu'au 29 octobre, les exploitants totalisent ainsi 1,39 million d'entrées par semaine seulement, soit deux fois moins que la moyenne hebdomadaire de 3,62 millions calculée sur la même période entre 2015 et 2019.

Fin août, la sortie de Tenet, le dernier blockbuster de Christopher Nolan, attendu de pied ferme par les exploitants, permet de renouer avec des résultats quasiment normaux, grâce à un excellent démarrage. Entre le 26 août et le 1er septembre, 2,3 millions de tickets se vendent, un chiffre proche de la moyenne des quatre années précédentes sur la même semaine (2,97 millions). A partir du mois d'octobre, les résultats commencent à être vraiment encourageants. "On est alors sur une belle dynamique. Le nombre d'entrées par semaine ne cesse de monter. Malgré le couvre-feu [dans 54 départements français], le public répond présent. On dépasse les 3 millions sur la semaine du 21 au 27 octobre, se souvient Eric Marti. Le confinement arrive alors que les cinémas sont pleins."

Des reports de films en série

Au-delà de la pandémie et des restrictions imposées aux lieux recevant du public, les cinémas ont aussi souffert du décalage de nombreux films. Au total, le CNC estime que 350 à 400 films ont vu leur sortie repoussée. En tête de ces reports figurent des super-productions américaines, susceptibles d'attirer les spectateurs en nombre. Le dernier James Bond, la réadaptation de Mulan, la dernière animation de Pixar Soul ou encore le nouveau Wonder Woman sont autant de blockbusters dont les sorties ont été annulées en raison du Covid-19. Un coup particulièrement rude pour les exploitants de salles, notamment pendant la période estivale. "Normalement, l'été, les films américains génèrent 70 à 80% des parts de marché", explique Eric Marti.

Le cas de Disney est emblématique. Comme le montre le graphique ci-dessous, les trois plus gros succès de ces dernières années ont tous été produits par Disney. Le Roi lion, sorti en juillet 2019, a dépassé les 10 millions d'entrées ; La Reine des neiges 2, en salle en novembre 2019, a attiré 7,66 millions de spectateurs ; et Avengers : Endgame, programmé en avril 2019, a permis de voir s'écouler près de 7 millions de tickets. Mais en 2020, aucun film Disney n'est sorti au cinéma. Le film Mulan et le film d'animation Soul, les deux productions les plus attendues des studios Disney et Pixar, ne sortiront d'ailleurs jamais sur grand écran. En effet, les deux films ont été mis en ligne sur la plateforme de streaming Disney+.

La "fête du streaming" de l'année 2020

Faute de pouvoir se rendre dans les salles de cinéma, un grand nombre de spectateurs ont trouvé refuge sur les plateformes de streaming comme Netflix, Amazon Prime et Disney+. Le nombre d'utilisateurs a bondi pendant le premier confinement. De 3 millions début janvier 2020, leur nombre est passé à plus de 6 millions pendant cette période d'arrêt et a même frôlé les 7 millions sur la semaine du 6 au 12 avril. "Ça a été la fête du streaming pendant un an. Selon les plateformes, le nombre de visionnages a grimpé de 70 à 157%", indique Eric Marti.

Mais alors qu'un certain nombre d'acteurs du secteur s'inquiètent de la montée en puissance de la vidéo à la demande, l'analyste de Comscore affirme ne pas être inquiet. "Sur les plateformes de streaming, la consommation numéro un ce sont les séries. Elles représentent 60% des visionnages", détaille Eric Marti. Du côté de la FNCF, Marc-Olivier Sebbag reste également confiant face à ce phénomène. "Aucune plateforme ne peut remplacer la valeur créée en salle", affirme le représentant des exploitants de cinéma. A ses yeux, le véritable enjeu réside dans les mois à venir, lorsque les salles auront pu rouvrir leurs portes. "La question pour nous c'est 'A quelle rapidité l'activité va pouvoir repartir ?'. Nous pouvons espérer un retour en masse des spectateurs. En Chine, où les cinémas sont désormais rouverts, les recettes générées par les entrées ont battu tous les records pendant la semaine du Nouvel An chinois", explique-t-il.

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